Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins que le cordage ne soit fort gros, pour qu’un cordier médiocrement habile puisse les commettre sans meche : enfin cette derniere espece de grelin sera plus aisée à commettre ; ce qui ne doit pas être négligé. Il paroît donc que ces deux especes de grelin ont des avantages qui se compensent à peu de chose près : mais pourquoi ne fait-on pas des grelins avec quatre cordons, qui seroient chacun composés de quatre torons ? ces cordages réuniroient tous les avantages des deux especes dont nous venons de parler ; & outre cela, comme ils seroient composés de seize torons, ils auroient encore l’avantage d’avoir leurs torons plus fins que ceux des autres, qui ne sont qu’à douze torons. Qu’on ne dise pas que ce qu’on gagnera par cette multiplication des torons, compensera à peine le poids des meches, puisque les torons seront si fins pour quantité de manœuvres, qu’on n’aura pas besoin d’employer de meches pour les commettre ; on en jugera par l’exemple suivant. Un grelin de sept pouces trois quarts de circonférence, est assez gros pour quantité de manœuvres courantes ; néanmoins en supposant les fils de la grosseur ordinaire, il ne sera composé que de 240 fils, qui étant divisés par seize, qui est le nombre des torons, on trouvera qu’il ne doit entrer que quinze fils dans chaque toron ; & ils seroient encore assez menus pour que les cordons composés de quatre de ces torons pussent être commis quatre à quatre sans meche. La grande difficulté qu’il y auroit à commettre des cordages plus composés, fait que nous croyons qu’il ne convient pas d’en fabriquer dans les corderies du Roi, quoiqu’il soit évident que si on pouvoit remédier aux inconvéniens de la fabrication, ils en seroient considérablement plus forts.

De la longueur & du raccourcissement des fils dont on ourdit un grelin. Si l’on prenoit des aussieres ordinaires pour en faire un grelin, comme les fils qui composent ces aussieres se seroient déjà raccourcis d’un tiers de leur longueur, & que pour cabler ces aussieres il faut qu’elles souffrent encore un raccourcissement ; il s’ensuit qu’un tel grelin seroit commis plus serré que ne le sont les aussieres, puisqu’il seroit commis au-delà d’un tiers. Beaucoup de cordiers suivent cette pratique. S’ils veulent faire une aussiere qui ait 120 brasses de longueur, ils ourdissent les fils à 190 brasses ; en virant sur les torons, ils les raccourcissent de 30 ; en commettant les torons, ils les accourcissent de 20 ; en virant sur les cordons, ils les raccourcissent de 10 ; & enfin en cablant, ils les raccourcissent encore de 10 : ainsi le total de raccourcissement est de 70, qui étant retranchés de 190, le grelin reste de 120. C’est-là l’usage le plus commun. Néanmoins quelques cordiers ne commettent leurs grelins qu’au tiers, comme les aussieres ; & dans cette vûe, s’ils veulent avoir un cordage de 120 brasses, ils ourdissent leurs fils à 180 ; en virant sur les torons pour les mettre en état d’être commis en cordons, ils les accourcissent de 30 ; en commettant les torons, ils les accourcissent de 13 ; en virant sur les cordons pour les disposer à être cablés, ils les raccourcissent de 9 ; enfin en cablant, ils les accourcissent encore de 8 : le total du raccourcissement se monte à 60, qui fait précisément le tiers de la longueur à laquelle on avoit ourdi les fils ; si on le retranche de 180, il restera pour la longueur du grelin 120. Depuis que M. Duhamel a fait des expériences à Rochefort, le maître cordier commet ses grelins un peu moins qu’au tiers ou aux trois dixiemes, comme on le va voir par l’énumération des différens raccourcissemens qu’il a coûtume de leur donner. Il ourdit ses fils à 190 brasses, il raccourcit ses torons de 38 brasses ; en les commettant en cordons, 12 brasses ; en tordant les cordons, 10 brasses ; en commettant le grelin, six brasses ;

quand la piece est finie, deux brasses ; ce qui fait 68 brasses, qui étant retranchées de 190, il reste pour la longueur du cable 122 brasses. Il n’est pas douteux que le petit nombre de cordiers qui suivent cette derniere méthode, ne fassent des grelins beaucoup plus forts que les autres : mais on peut faire encore beaucoup mieux, en ne commettant les grelins qu’au quart ou au cinquieme, & en ce cas on pourra suivre à-peu-près les regles suivantes.

Regle pour commettre un grelin au quart. On ourdira les fils à 190 brasses ; en virant sur les torons, on les accourcira de 12 ; en commettant, de 11 ; en virant sur les cordons, de 12 & demie ; enfin en cablant, de 12 brasses ; raccourcissement total, 47 brasses & demie ; reste pour la longueur du grelin 142 brasses & demie, plus long qu’à l’ordinaire de 22 brasses & demie.

Regle pour commettre un grelin au cinquieme. Il faudra ourdir les fils à 190 brasses ; on les raccourcira en virant sur les torons, de 10 ; en commettant les torons, de 9 ; en virant sur les cordons, de 10 ; enfin en cablant, de 9 ; total du raccourcissement, 38 brasses ; reste pour la longueur du grelin 152 brasses, plus long qu’à l’ordinaire de 52 brasses : ainsi pour commettre toute sorte de grelins au quart, il faut commencer par diviser la longueur des fils par quatre ; si ces fils ont 190 brasses, on trouvera 47 brasses & demie, qui expriment tout le raccourcissement que les fils doivent éprouver. Ensuite comme il y a quatre opérations pour faire un grelin, il faut diviser ces 47 brasses & demie par quatre ; on trouvera au quotient 59 piés 9 pouces, qui doivent être employés à chaque raccourcissement, & on met, si l’on veut, la fraction de neuf pouces en augmentation du tortillement des cordons, ce qui fait que le grelin s’entretient mieux commis. M. Duhamel, pour plusieurs de ses expériences, a même diminué du tortillement des deux premieres opérations, & a augmenté proportionnellement le tortillement des deux dernieres : on peut voir par ce qu’on a dit des aussieres, que la répartition du tortillement entre les diverses opérations n’est pas une chose indifférente. A l’égard des grelins commis au cinquieme, on divise la longueur des fils par cinq, & ce qui se trouve au quotient par quatre. Pour s’assûrer de l’exactitude des raisonnemens précédens, on a consulté l’expérience, & on a toûjours trouvé que les expériences s’accordoient avec la théorie à rendre les cordes d’autant plus fortes, qu’on multiplie davantage le nombre des torons. Les aussieres à quatre torons sont plus fortes que celles qui n’en ont que trois ; les aussieres à six torons sont plus fortes que celles à quatre. Les grelins les plus simples, ceux qui n’ont que neuf torons, sont plus forts que les aussieres à six torons. On augmente la force des grelins en les faisant de seize & de vingt-quatre torons ; & si les archigrelins ou grelins composés d’autres grelins, ne suivent pas exactement la même loi, c’est qu’il est difficile d’en fabriquer, où les défauts de main-d’œuvre ne diminuent pas la force d’une quantité plus grande, qu’elle n’y est augmentée par la multiplication des torons.

Noms & usages des grelins. Il y a des maîtres d’équipage & des officiers de port qui employent beaucoup plus de cordages en grelin les uns que les autres ; & on doit conclure de ce qui vient d’être dit, qu’il est à-propos d’employer beaucoup de grelins. Il y a à la vérité plus de travail à faire un grelin qu’à faire une aussiere ; mais on sera bien dédommagé de cette augmentation de dépense, par ce qu’on gagnera sur la force de ces cordages.

Des cables. Tous les cables pour les ancres, & les gumènes pour les galeres, depuis 13 pouces de grosseur jusqu’à 24, sont commis en grelin ; ils ont