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& cet effort est soûtenu & anéanti par la résistance du point fixe B. Qu’on ôte maintenant le point fixe B, & qu’on y substitue une puissance égale & contraire à A ; je dis que la corde demeurera tendue de même : car l’effort de dix livres que fait le point B, suivant BA, sera soûtenu par un effort contraire de la puissance B suivant BC. La corde restera donc tendue, comme elle l’étoit auparavant : donc une corde AB, fixe en B, est tendue par une puissance appliquée en A, comme elle le seroit, si au lieu du point B, on substituoit une puissance égale & contraire à la puissance A. Voyez Tension. (O)

Cordes, (Vibrations des) Méchaniq. Si une corde tendue AB (fig. 71. Méchanique.), est frappée en quelqu’un de ses points, par une puissance quelconque, elle s’éloignera jusqu’à une certaine distance de la situation AB, reviendra ensuite, & fera des vibrations comme un pendule qu’on tire de son point de repos. Les Géometres ont trouvé les lois de ces vibrations. On savoit depuis long-tems par l’expérience & par des raisonnemens assez vagues, que toutes choses d’ailleurs égales, plus une corde étoit tendue, plus ses vibrations étoient promptes ; qu’à égale tension, les cordes faisoient leurs vibrations plus ou moins promptement, en même raison qu’elles étoient moins ou plus longues ; de sorte que deux cordes, par exemple, étant de la même grosseur, également tendues, & leurs longueurs en raison de 1 à 2, la moins longue faisoit dans le même tems un nombre de vibrations double du nombre des vibrations de l’autre ; un nombre triple, si le rapport des longueurs étoit celui d’1 à 3, &c. M. Taylor célebre géometre Anglois, est le premier qui ait démontré les différentes lois des vibrations des cordes avec quelque exactitude, dans son savant ouvrage intitulé, methodus incrementorum directa & inversa, 1715 ; & ces mêmes lois ont été démontrées encore depuis par M. Jean Bernoulli dans le tome II. des mémoires de l’académie impériale de Petersbourg. On n’attend pas sans doute de nous que nous rapportions ici les théories de ces illustres auteurs, qu’on peut voir dans leurs ouvrages, & qui ne pourroient être à la portée que d’un très-petit nombre de personnes. Nous nous contenterons de donner la formule qui en résulte, & au moyen de laquelle tout homme tant soit peu initié dans le calcul pourra connoître facilement les lois des vibrations d’une corde tendue.

Avant que d’exposer ici cette formule, il faut remarquer que la corde fait des vibrations en vertu de l’élasticité que sa tension lui donne. Cette élasticité fait qu’elle tend à revenir toûjours dans la situation rectiligne AB ; & quand elle est arrivée à cette situation rectiligne, le mouvement qu’elle a acquis, en y parvenant, la fait repasser de l’autre côté, précisément comme un pendule. V. Pendule.

Or cette force d’élasticité peut toûjours être comparée à la force d’un poids, puisqu’on peut imaginer toûjours un poids qui donne à la corde la tension qu’elle a. Cela posé, si on nomme L la longueur de la corde, M la masse de la corde ou la quantité de sa matiere, P la force du ressort de la corde, ou plûtôt un poids qui représente la force avec laquelle la corde est tendue ; D la longueur d’un pendule donné, par exemple, d’un pendule à secondes, p le rapport de la circonférence d’un cercle à son diametre, le nombre des vibrations faites par la corde durant une vibration du pendule donné D, sera exprimé par .

De-là il s’ensuit, 1° que si les longueurs L, & les masses M de deux cordes sont égales, les nombres de leurs vibrations en tems égaux seront comme , ou (à cause que D est le même pour tous les deux) comme , c’est-à-dire comme les ra-

cines des nombres qui expriment le rapport des tensions.

2°. Que si les tensions P & les longueurs L font égales, les nombres des vibrations en tems égal seront comme , c’est-à-dire en raison inverse des racines des masses, & par conséquent en raison inverse des diametres, si les cordes sont de la même matiere. 3°. Que si les tensions P sont les mêmes, & que les cordes soient de la même matiere & de la même grosseur, les nombres des vibrations en tems égaux seront en raison inverse des longueurs ; car ces nombres de vibrations seront alors comme  ; or quand les cordes sont de même grosseur & de même matiere, les masses M sont comme les longueurs L, dont est alors comme , ou comme .

Il est visible qu’on peut déduire de la formule générale , autant de theoremes qu’on voudra sur les vibrations des cordes. Ceux que nous venons d’indiquer suffisent pour montrer la route qui y conduit.

Les mêmes géometres dont nous avons parlé, ne se sont pas contentés de déterminer les vibrations de la corde tendue AB ; ils ont cherché aussi quelle est la figure que prend cette corde, en faisant ses vibrations ; & voici, selon eux, quelle est la nature de la courbe ACB que forme cette corde. Soit D le point de milieu de AB, CD la distance du point de milieu C de la corde au point B, dans un instant quelconque : ayant décrit le quart de cercle CE du rayon CD, soit pris par-tout FN à l’arc correspondant CM comme DB est à l’arc CE, le point N sera à la courbe CB ; desorte que la courbe ACB que forme la corde tendue, est une coube connue par les Géometres sous le nom de courbe des arcs ou compagne de la cycloïde extrêmement allongée. Voy. Compagne de la Cycloïde & Trochoïde.

MM. Taylor & Bernoulli ont déterminé cette courbe d’après la supposition que tous les points de la corde arrivent en même tems à la situation rectiligne AB C’est ce que l’expérience paroît prouver, du moins autant qu’on peut en juger, en examinant des vibrations qui se font presque toûjours très promptement. M. Taylor prétend même démontrer, sans le secours de l’expérience, que tous les points de la corde ACB doivent arriver en même tems dans la situation rectiligne AB. Mais dans une dissertation sur les vibrations des cordes tendues, imprimée parmi les mémoires de l’académie royale des Sciences de Prusse, pour l’année 1747, j’ai démontré que M. Taylor s’est trompé en cela ; & j’ai fait voir de plus, 1° qu’en supposant que tous les points de la corde ACB arrivent en même tems à la situation rectiligne AB, la corde ACB peut prendre une infinité d’autres figures que celle d’une courbe des arcs allongée ; 2° qu’en ne supposant pas que tous les points arrivent en même tems à la situation rectiligne, on peut déterminer en général la courbure que doit avoir à chaque instant la corde AB, en faisant ses vibrations. Cependant il est bon de remarquer, ce que personne n’avoit encore fait, que quelque figure que prenne la corde ACB, en faisant ses vibrations, le nombre de ces vibrations dans un tems donné doit toûjours être le même, pourvû que ses points arrivent en même tems à la situation rectiligne ; c’est ce qu’on peut déduire fort aisément de la théorie dont nous venons de parler. Je crois donc avoir résolu le premier, d’une maniere générale, le problème de la figure que doit prendre une corde vibrante ; M. Euler l’a résolu après moi, en employant presque exactement la même méthode, avec cette diffé-