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dans tout le royaume ; il y en a même fort peu de cette espece : on suit l’usage de chaque province, & même de chaque paroisse ; ce qui est conforme à l’ordonnance de Blois & à l’édit de Melun, qui veulent que l’on se regle par la coûtume des lieux, & la quote accoûtumée en iceux.

La dixme est dûe par toutes sortes de personnes catholiques ou hérétiques, Juifs & autres : les nobles & les roturiers, les chapitres, monasteres, bénéficiers & autres ecclésiastiques, les hôpitaux, la doivent de même que les autres personnes.

Le preneur à rente est tenu d’acquitter les dixmes à la décharge du bailleur ; & le fermier, lorsqu’il y en a un, est tenu de les payer à la décharge de tous propriétaires & usufruitiers, sans aucune répétition.

Les décimateurs ecclésiastiques sont exempts de dixmes sur les terres situées dans leur dixmerie, par la regle nemini res sua servit.

Les terres de l’ancien domaine des curés sont exemptes de la dixme envers les décimateurs, quoique ce soit autre que le curé ; mais les terres acquises depuis la fondation, à quelque titre que ce soit, doivent la dixme.

La plûpart des ordres religieux ont obtenu des papes des bulles qui les exemptent des dixmes ; mais ces bulles n’ont aucun effet en France, à moins qu’elles ne soient revêtues de lettres patentes dûement enregistrées.

Les religieux de l’ordre de Cîteaux joüissent de cette exemption sur les terres qu’ils sont valoir par leurs mains, ou qu’ils ont affermées par bail qui n’excede pas neuf ans : il faut aussi que ces terres ayent été acquises avant le concile de Latran, de 1216, ou par la premiere fondation du monastere qui réclame l’exemption.

L’ordre des Chartreux, de Cluny & celui de Prémontré, joüissent de la même exemption.

Elle a lieu aussi en faveur des commandeurs de l’ordre de Malthe, soit qu’ils fassent valoir leurs terres, soit qu’ils les afferment : autre chose seroit si les terres étoient données à cens.

Lorsque des religieux exempts de dixme alienent de leurs héritages, l’acquéreur ne joüit point de l’exemption, à moins que les religieux qui ont vendu ne fussent en même tems gros décimateurs du chef de leur ordre, ou du moins du cher d’un religieux de leur ordre, curé du lieu.

Les parcs, clos & jardins fermés d’ancienneté, qui ne sont que pour l’agrément, ou qui ne rapportent que des légumes ou de l’herbe pour l’usage du propriétaire, ne doivent point la dixme ; cependant en 1266 le roi saint Louis souffrit qu’on le condamnât à payer à son curé la dixme des fruits de son jardin, ce qui n’auroit pas lieu présentement : mais si on défrichoit nouvellement & ensemençoit quelques terres, en ce cas la dixme en seroit dûe, comme novale. Suivant le fameux arrêt d’Orly, les clos anciens doivent la dixme, quoiqu’elle n’y eût point encore été perçue.

On conçoit aisément par ce qui vient d’être dit, que la dixme des nouveaux clos est dûe lorsque les terres encloses sont ensemencées en fruits décimables.

Les bois de haute futaie ne sont point sujets à la dixme : il en est de même des taillis, à moins qu’il n’y eût un usage contraire dans la paroisse où ils sont.

Les bas prés ne sont pas non plus communément sujets à la dixme.

Si l’on mettoit en pré ou en bois une grande quantité de terres qui auparavant étoient décimables, le décimateur pourroit demander la dixme sur les nouveaux fruits substitués aux anciens ; mais il faut pour cela que la quantité des terres dénaturées soit considérable, & que le curé eût peine autrement à trou-

ver sa subsistance, ce qui dépend des circonstances

& de l’arbitrage du juge. Suivant la derniere jurisprudence, la dixme est dûe de tout ce qui excede le tiers dans la conversion.

Le décimateur ne peut obliger les propriétaires ou possesseurs de cultiver leurs fonds, ou de lui payer la dixme qu’il en recueilleroit s’ils étoient cultivés : il ne peut pas non plus se mettre en possession des terres incultes pour les faire valoir, sous prétexte de s’indemniser de la perte de sa dixme. Il n’est pas à présumer que les possesseurs des fonds les laissent incultes pour faire préjudice au décimateur, ils y perdroient plus que lui ; & s’il se trouvoit une grande quantité de terre que l’on laissât venir en herbages, tout ce que le curé pourroit faire, seroit d’y demander la dixme par subrogation, suivant ce qui a été dit ci-devant.

Lorsque le décimateur a levé pendant quarante années consécutives la dixme de certains fruits, & de telle ou telle maniere, il acquiert par cette possession le droit de continuer à lever cette dixme de la même maniere, quoiqu’il n’ait point d’autre titre que sa possession ; ce qui est conforme à l’ordonnance de Philippe-le-Bel, de 1303.

Pour ce qui est de la prescription de la dixme de la part de ceux qui la doivent, l’ordonnance de Blois, art. 50. semble l’admettre, en disant que les propriétaires & possesseurs ne pourront alléguer prescription ni possession autre que celle de droit.

Mais, suivant la jurisprudence, on tient pour maxime certaine que le droit de dixme, soit ecclésiastique ou inféodée, est imprescriptible en lui-même, & que la prescription n’a lieu que pour la qualité & la quotité de la dixme ; ainsi l’on peut acquérir la possession de ne point payer la dixme de certains fruits, ou de ne la payer qu’à une quotité moindre que celle qui se percevoit anciennement, & qui se perçoit encore dans d’autres dixmeries.

Un particulier ne peut cependant pas prescrire seul la qualité ou la quotité de la dixme ; sa possession ne peut valoir qu’autant qu’elle est conforme à celle de tous les habitans du même canton.

Les décimateurs ecclésiastiques peuvent prescrire les uns contre les autres le fonds même de la dixme, au moyen d’une possession de bonne foi pendant quarante ans avec juste titre, ou même sans titre ; & cette prescription a lieu contre les exempts. de même que contre d’autres personnes, le retour au droit commun étant toûjours favorable.

Si l’on seme dans une paroisse une nouvelle espece de fruits que l’on n’avoit pas coûtume d’y recueillir, en ce cas la dixme en seroit insolite, suivant l’ordonnance de 1302 ; il paroît cependant que l’on doit sur ce point se conformer à ce qui est prescrit pour la quotité de la dixme par l’art. 50. de l’ordonnance de Blois, & l’article 29. de l’édit de Melun, c’est-à-dire qu’au défaut d’usage certain dans la paroisse, on doit suivre celui des paroisses circonvoisines.

On doit avertir les décimateurs avant de commencer la récolte & laisser la dixme des grains dans le champ, si ce n’est dans quelques endroits, où la dixme. des grains se paye à la grange. Celle du vin se paye communément au pressoir ou dans les caves.

C’est un principe certain que la dixme n’arrérage point, c’est-à-dire que le décimateur ne peut demander au possesseur que la derniere année.

Cette regle souffre cependant trois exceptions, savoir, 1o  lorsqu’il y a eu demande en justice renouvellée tous les ans : 2o  lorsque la dixme est abonnée ; mais en ce cas l’opinion la plus générale est que l’on n’en peut demander que cinq années, & non pas vingt-neuf, attendu que l’abonnement ne rend pas cette redevance fonciere : 3o  lorsqu’un décimateur