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pelle vulgairement grand juge-consul, pour le distinguer des autres consuls : mais les ordonnances ne lui donnent d’autre titre que celui de juge.

A Toulouse, à Roüen, & dans quelques autres villes, on les nomme prieur & consul.

A Bourges, le juge est nommé prevôt.

La conservation de Lyon qui comprend la jurisdiction consulaire, a pour chef le prevôt des marchands qui y siége, avec les échevins & plusieurs autres assesseurs qui y font la fonction de consuls.

Les juge & consuls siégent en robe & avec le rabat. La véritable robe consulaire n’est proprement qu’un manteau. A Paris depuis quelques années, les juge & consuls portent une robe comme celle des gens de palais.

Il y a dans chaque jurisdiction consulaire un greffier en titre d’office, & plusieurs huissiers. A Paris les huissiers du châtelet font les significations, concurremment avec les huissiers des consuls.

La premiere élection des juge & consuls à Paris en 1563, fut faite par les prevôt des marchands & échevins, qui assemblerent à cet effet cent notables bourgeois, avec lesquels ils procéderent à l’élection.

La charge ou fonction du juge & des consuls ne dure qu’un an, soit à Paris, ou dans toutes les autres villes où il y a une jurisdiction consulaire.

Trois jours avant la fin de leur année, les juges & consuls font assembler soixante marchands bourgeois de Paris, qui en élisent trente d’entre eux, dont quatre sont choisis pour scrutateurs ; & ces trente marchands élus sans partir du lieu & sans discontinuer, procedent à l’instant avec les juges & consuls, à l’élection des cinq nouveaux juge & consuls.

A Toulouse & à Bordeaux, ces élections se font avec des formalités particulieres, qui sont détaillées dans le dictionnaire de commerce, tom. II. pag. 601. & suiv.

Quatre qualités sont nécessaires pour être juge & consul à Paris, & de même dans plusieurs autres villes ; il faut être actuellement marchand, ou l’avoir été ; être natif & originaire du royaume ; être demeurant dans la ville où se tient la jurisdiction.

Le juge-consul doit avoir au moins quarante ans, & les autres consuls vingt-sept ans, à peine de nullité de leur élection.

On choisit le juge dans le collége des anciens consuls, en suivant cependant l’ordre du tableau. Ce juge est presque toûjours de l’un des huit corps ou communautés, dont les officiers sont électeurs de droit.

Les consuls qui doivent juger avec lui ne peuvent être du même commerce, suivant la déclaration du mois de Mars 1728, qui ordonne expressément que tant le juge & les quatre consuls seront tous de commerce différens, au moyen dequoi des cinq places il y en a deux à remplir alternativement par des marchands du corps de la Pelleterie, Orfévrerie, Bonneterie, Librairie, & par des Marchands de vin ; les trois autres places sont presque toûjours remplies par la Draperie, l’Epicerie, l’Apothicairerie, & la Mercerie.

Les nouveaux juge & consuls sont présentés par les anciens pour préter serment. A Paris, ils le pretent en la grand-chambre du parlement. Ceux des autres villes du ressort pretent le serment au bailliage ou sénéchaussée du lieu où ils sont établis.

En cas de mort du juge ou de quelqu’un des consuls pendant leur année, on en élit un autre.

Ceux qui sont élus ne peuvent se dispenser d’accepter cette charge sans cause légitime, & ils peuvent y être contraints, de même que pour les autres charges publiques.

Si quelqu’un d’eux est obligé de s’absenter pour long-tems, il doit en avertir le consulat, demander

son congé ; & il doit être remplacé par un des anciens.

Ils ne peuvent être destitués du consulat que pour cause d’infamie, ou pour d’autres causes graves.

Les consuls de Paris ont d’abord tenu leur séance en la salle de la maison abbatiale de saint Magloire, qui étoit alors rue saint-Denis : mais leur auditoire fut transféré quelques années après au cloître saint Merry, où il est présentement. Ils donnent audience trois fois la semaine de matin & de relevée, & sont dans l’usage de ne point desemparer le siége, qu’ils n’ayent expédié toutes les causes qui se présentent ; tellement qu’il leur arrive souvent de tenir l’audience jusqu’à minuit. On compte quelquefois jusqu’à 56 mille sentences rendues aux consuls de Paris dans une même année.

Il est défendu aux juge & consuls de prendre aucunes épices, don, ni autre chose des parties directement ni indirectement, sous peine de concussion : le greffier a seulement un sou de chaque rôle des sentences.

Les parties assignées doivent comparoître en personne à la premiere assignation pour être oüies par leur bouche, si elles n’ont point d’excuse légitime de maladie ou absence, auxquels cas elles doivent envoyer leurs réponses par écrit signées de leur main propre, ou au cas de maladie signées d’un de leurs parens, voisins, ou amis, ayant de ce charge & procuration spéciale, dont il doit justifier à la premiere assignation : le tout sans aucun ministere d’avocat, ni de procureur.

Il n’y a point de procureurs en titre ni par commission aux consuls, chacun y peut plaider sa cause ; ceux qui ne peuvent comparoître, ou qui n’ont pas assez de capacité pour défendre leurs droits, peuvent commettre qui bon leur semble : de-là vient que dans plusieurs jurisdictions consulaires il y a des praticiens versés dans les affaires de commerce, qui s’adonnent à plaider les causes. Ils sont avoüés du juge & des consuls pour ce ministere ; c’est pourquoi on les appelle improprement postulans & même procureurs des consuls : mais ils sont sans titre, & n’ont d’autre rétribution que celle qui leur est donnée volontairement par les parties.

Si la demande n’est pas en état d’être jugée sur la premiere assignation, les consuls peuvent ordonner que ceux qui n’ont pas comparu seront réassignés, suivant l’arrêt du conseil du 24 Décembre 1668 ; usage qui est particulier à ces jurisdictions.

Quand les parties sont contraires en faits, les consuls doivent leur donner un délai préfixe à la premiere comparution, pour produire leurs témoins, lesquels sont oüis sommairement en l’audience ; & sur leur déposition le différend est jugé sur le champ, si faire se peut.

Les consuls ne peuvent accorder qu’un seul délai, selon la distance des lieux & qualité de la matiere, pour produire les pieces & témoins.

Il est d’usage dans les jurisdictions consulaires d’admettre la preuve par témoins pour toutes sortes de sommes, même au-dessus de 100 livres, quand il n’y en auroit pas de commencement de preuve par écrit ; cette exception étant autorisée par l’ordonnance de 1677, en faveur de la bonne foi qui doit être l’ame du commerce.

Les consuls peuvent juger au nombre de trois ; ils peuvent appeller avec eux tel nombre de personnes de conseil qu’ils aviseront, si la matiere y est sujette, & qu’ils en soient requis par les parties.

Les matieres de leur compétence sont,

1°. Tous billets de change faits entre marchands & négocians, dont ils doivent la valeur.

2°. Ils connoissent entre toutes personnes des lettres-de-change ou remises d’argent faites de place en