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inféodée à cause de leurs offices : ils en faisoient hommage lors de leur prestation de serment. On en voit des exemples dans le Feron en 1424, 1631, 1637, & 1655 : mais depuis ce tems, cette jurisdiction est devenue royale, & les officiers ont le titre de conseillers du Roi.

Cette jurisdiction étoit d’abord ambulatoire à la suite du connétable près de la personne du Roi, & ne fut rendue sédentaire à Paris que vers le tems où le parlement y fut fixé. Dans cette ville, le siége se tenoit en 1543, au-dessus de l’auditoire du bailliage du palais. Il fut transféré en 1549 aux Augustins, & en 1590 à Tours, puis rétabli à Paris en 1594 ; en 1671, il fut placé, où il est présentement, dans la galerie des prisonniers ; & depuis le 22 Septembre 1741 jusqu’au milieu d’Avril 1742, il se tint par emprunt dans la chambre des eaux & forêts, pendant qu’on travailloit à la galerie des prisonniers.

Comme les officiers de la couronne avoient anciennement le droit d’établir tels officiers qu’ils jugeoient à-propos, pour exercer sous eux & en leur nom les mêmes fonctions dont ils étoient chargés, le connétable & les maréchaux de France ne pouvant vaquer continuellement à l’expédition de la justice à cause de leurs occupations militaires, ils instituerent un lieutenant général & un procureur d’office, pour juger conjointement avec eux, & juger seuls en leur absence les affaires qui sont portées à ce tribunal. L’établissement d’un lieutenant particulier dans ce siége, résulte de la création des lieutenans particuliers, faite en 1581 dans tous les siéges royaux.

La connétablie est composée présentement d’un lieutenant général, un lieutenant particulier, un procureur du roi ; il y avoit aussi un office d’avocat du roi, dont Me Simon le Norman étoit pourvû en 1562, & par le décès duquel il fut uni à celui de procureur du roi, suivant des lettres du 8 Juillet 1563 ; un greffier en chef, un commis-greffier, trois huissiers-audienciers, & un très-grand nombre d’autres huissiers de la connétablie qui sont répandus dans les baillages du royaume pour le service de la connétablie, & compris sous les différentes dénominations d’huissiers, archers, archers-huissiers, archers-gardes, huissiers-sergens royaux & d’armes, lesquels joüissent de plusieurs priviléges, notamment du droit d’exploiter par tout le royaume : ils sont justiciables de la connétablie pour leur service & fonctions de leur charge.

Les maréchaux de France sont les présidens de cette jurisdiction, & y viennent quand ils le jugent à propos ; ils y viennent ordinairement en corps, habillés comme les ducs & pairs en petit manteau, & avec des chapeaux ornés de plume, le premier maréchal de France étant accompagné des gardes de la connétablie, avec deux trompettes à la tête qui sonnent jusqu’à la porte de l’auditoire, & en sortant de l’audience, ils sont reconduits dans le même ordre & avec la même pompe.

Le lieutenant général va prendre les opinions des maréchaux de France, qui en matieres sommaires opinent assis, mais découverts, & en s’inclinant. Si c’est une affaire de discussion, les maréchaux de France se réunissent près du doyen, & donnent leur avis debout & découverts. Le lieutenant général a seul la parole & prononce.

En l’absence des maréchaux de France, c’est lui qui préside. Il a en outre plusieurs autres droits curieux par leur ancienneté, & qui ont été cédés à cet officier par le maréchal de France, auquel ils appartenoient à cause de son office ; entre autres une redevance dûe par les habitans d’Argenteuil, pour les îles dites de la maréchaussée, situées vis-à-vis d’Argenteuil : cette redevance consiste de la part des ha-

bitans à venir faire la foi & hommage à chaque nouveau

lieutenant général ; à venir tous les ans la veille de la Pentecôte, par eux ou par leurs syndics & marguilliers, inviter le lieutenant général à se trouver à la fête du lieu, qui est ordinairement le lundi de la Pentecôte. Lorsque le lieutenant général accepte d’y aller, ils doivent venir au-devant de lui jusqu’à l’entrée de l’île, & le recevoir avec tous les honneurs convenables ; lui payer trois sous parisis de cens, quarante sous tournois d’argent, & lui donner à dîner & à sa compagnie. Le lieutenant général s’y transporta, en 1525, avec son greffier & un huissier, accompagné du prevôt à la suite du maréchal d’Aubigny, assisté de ses archers & de deux notaires au châtelet. Les marguilliers vinrent au-devant de lui avec les hautbois & autres instrumens : ils lui offrirent au nom des habitans du pain, du vin, & une tarte, les trois sous de cens, & à diner ; ce qu’il accepta. Mais par arrêt du parlement du 15 Juin 1624, ce dîner a été évalué à cinquante sous tournois, au moyen dequoi la redevance en argent est présentement de quatre livres dix sous outre les trois sous de cens.

Les habitans de Nanterre doivent aussi une redevance au lieutenant général pour l’ile de la maréchaussée située dans ce lieu. La redevance étoit d’un denier de cens, & en outre d’un pain blanc de la largeur d’un fer-à-cheval. Ce pain a été depuis converti en neuf sous parisis d’argent, ensuite évalué à seize sous parisis & un agneau gras, & enfin en 1604 arbitré à quarante sous tournois.

Il a encore un droit appellé ceinture de la reine à prendre sous le pont de Neuilly, qui consiste à prendre sur tous les bateaux montans ou descendans sous le pont de Neuilly, depuis la veille de la Notre-Dame de Mars jusqu’à la S. Jean-Baptiste, dix-huit deniers parisis pour chaque bateau chargé, & douze deniers parisis pour chaque bateau vuide, & un droit de neuvage de trois sous parisis sur chaque bateau neuf, sous peine de confiscation des bateaux & d’amende arbitraire.

C’est lui qui a la garde du sceau du premier maréchal de France, dont on se sert pour sceller toutes les expéditions de ce siége Ce sceau qui contient les armoiries du connétable, & au-dessous celles du premier maréchal, leur a été accordé par nos Rois, comme on voit par des lettres de Charles IX. du 6 Décembre 1568 ; il change à l’avenement de chaque maréchal de France ; l’empreinte des armes du connétable est néanmoins toûjours la même : mais l’écusson des armes du doyen des maréchaux de France, qui est au dessous des armes du connétable, change à chaque mutation de doyen ; c’est pourquoi chaque doyen donne un nouveau sceau. Le privilége de ce sceau est d’être exécutoire partout le royaume, sans visa ni pareatis.

Comme il n’y a que deux juges dans ce siége, dans les procès criminels on y appelle pour conseil un troisieme gradué ; & depuis long-tems le lieutenant général, ou en son absence celui qui préside, sont dans l’usage d’inviter pour cet effet un ou plusieurs avocats du parlement.

A l’égard des affaires civiles, il y en a quelques-unes d’une nature particuliere où le lieutenant général invite en tel nombre qu’il juge à propos les commissaires, contrôleurs, & thrésoriers des guerres, lesquels en ce cas y ont séance & voix délibérative, dans les contestations entre les thrésoriers & leurs commis. Les commissaires des guerres s’y assemblent en outre les premiers lundis de chaque mois, pour y délibérer des affaires de leur compagnie.

On y a quelquefois appellé des maîtres des comptes, lorsqu’il s’agissoit de finance.