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Un très-grand nombre de verbes s’écartent de leur paradigme, ou à leur prétérit, ou à leur supin ; mais ils conservent toujours l’analogie latine ; par exemple, sonare fait au prétérit sonui, plutôt que sonavi ; dare fait dedi, & non pas davi, &c. On se contente d’observer ces différences, sans pour cela regarder ces verbes comme des verbes anomaux. Au reste ces irrégularités apparentes viennent de ce que les Grammairiens n’ont pas rapporté ces prétérits à leur véritable origine ; car sonui vient de sonere, de la troisieme conjugaison, & non de sonare : dedi est une syncope de dedidi prétérit de dedere. Tuli, latum, ne viennent point de fero. Tuli qu’on prononçoit touli, vient de tollo ; sustuli vient de sustulo ; & latum vient de τλάω par syncope de ταλάω suffero, sustineo.

L’auteur du Novitius dit, que latum vient du prétendu verbe inusité, lare, lo ; mais il n’en rapporte aucune autorité. Voyez Vossius, de art. gramm. t. II. p. 150.

C’est ainsi que sui ne vient point du verbe sum : nous avons de pareilles pratiques en François : je vas, j’ai été, j’irai, ne viennent point d’aller. Le premier vient de vadere, le second de l’italien stato, & le troisieme du latin ire.

S’il eût été possible que les langues eussent été le résultat d’une assemblée générale de la nation, & qu’après bien des discussions & des raisonnemens, les philosophes y eussent été écoutés, & eussent eu voix délibérative ; il est vraissemblable qu’il y auroit eu plus d’uniformité dans les langues. Il n’y auroit eu par exemple, qu’une seule conjugaison, & un seul paradigme, pour tous les verbes d’une langue. Mais comme les langues n’ont été formées que par une sorte de métaphysique d’instinct & de sentiment, s’il est permis de parler ainsi ; il n’est pas étonnant qu’on n’y trouve pas une analogie bien exacte, & qu’il y ait des irrégularités : par exemple, nous désignons la même vûe de l’esprit par plus d’une maniere ; soit que la nature des lettres radicales qui forment le mot, amene cette différence, ou par la seule raison du caprice & d’un usage aveugle ; ainsi nous marquons la premiere personne au singulier, quand nous disons j’aime ; nous désignons aussi cette premiere personne en disant ; je finis, ou bien je reçois, ou je prends, &c. Ce sont ces différentes sortes de terminaisons auxquelles les verbes sont assujettis dans une langue, qui font les différentes conjugaisons, comme nous l’avons déja observé. Il y a des langues où les différentes vûes de l’esprit sont marquées par des particules, dont les unes précedent & d’autres suivent les radicales : qu’importe comment, pourvû ; que les vûes de l’esprit soient distinguées avec netteté, & que l’on apprenne par usage à connoître les signes de ces distinctions ?

Parmi les auteurs qui ont composé des grammaires pour la langue hébraïque, les uns comptent sept conjugaisons, d’autres huit : Masclef n’en veut que cinq, & il ajoûte qu’à parler exactement ces cinq devroient être réduites à trois. Quinque illæ, accurate loquendo, ad tres essent reducendæ. Gramm. Hebraïc. ch. iv. n. 4. p. 79. édit. 2.

Nous nous contenterons d’observer ici que les verbes hébreux ont voix active & voix passive. Ils ont deux nombres, le singulier & le pluriel ; ils ont trois personnes, & en conjugant, on commence par la troisieme personne, parce que les deux autres sont formées de celle-là, par l’addition de quelques lettres.

En Hébreu, les verbes ont trois genres, comme les noms, le genre masculin, le féminin, & le genre commun ; ensorte que l’on connoît par la terminaison du verbe, si l’on parle d’un nom masculin, ou d’un nom féminin ; mais dans tous les tems la premiere

personne est toujours du genre commun. Au reste les Hébreux n’ont point de genre neutre ; mais lorsque la même terminaison sert également pour le masculin, ou pour le feminin, on dit que le mot est du genre commun ; c’est ainsi que l’on dit en latin, hic adolescens, ce jeune homme, & hæc adolescens, cette jeune fille ; civis bonus, bon citoyen, & civis bona, bonne citoyenne ; & c’est ainsi que nous disons, sage, utile, fidele, tant au masculin qu’au feminin ; on pourroit dire aussi que dans les autres langues telles que le Grec, le Latin, le François, &c. toutes les terminaisons des verbes dans les tems énoncés par un seul mot sont du genre commun ; ce qui ne signifieroit autre chose sinon qu’on se sert également de chacune de ces terminaisons, soit qu’on parle d’un nom masculin ou d’un nom féminin.

Les Grecs ont trois especes de verbes par rapport à la conjugaison ; chaque verbe est rapporté à son espece suivant la terminaison du thême. On appelle thême, en termes de grammaire greque, la premiere personne du présent de l’indicatif. Ce mot vient de τίθημι pono, parce que c’est de cette premiere personne que l’on forme les autres tems ; ainsi l’on pose d’abord, pour ainsi dire ce présent, afin de parvenir aux formations régulieres des autres tems.

La premiere espece de conjugaison est celle des verbes qu’on appelle barytons, de βαρύς grave, & de τόνος ton, accent, parce que ces verbes étoient prononcés avec l’accent grave sur la derniere syllabe ; & quoique aujourd’hui cet accent ne se marque point, on les appelle pourtant toujours barytons, τείνω tendo ; τύπτω verbero, sont des verbes barytons.

2. La seconde sorte de conjugaison, est celle des verbes circonflexes : ce sont des verbes barytons qui souffrent contraction en quelques-unes de leurs terminaisons, & alors ils sont marqués d’un accent circonflexe ; par exemple ἀγαπάω amo, est le baryton, & ἀγαπῶ le circonflexe.

Les barytons & les circonflexes sont également terminés en ω à la premiere personne du présent de l’indicatif.

3. La troisieme espece de verbes grecs, est celle des verbes en μι, parce qu’en effet ils sont terminés en μι, εἰμι sum.

Il y a six conjugaisons des verbes barytons ; elles ne sont distinguées entr’elles que par les lettres qui précedent la terminaison.

On distingue trois conjugaisons de verbes circonflexes : la premiere est des barytons en εω ; la seconde de ceux en αω, & la troisieme de ceux en οω : ces trois sortes de verbes deviennent circonflexes par la contraction en .

On distingue quatre conjugaisons des verbes en μι ; & ces quatre jointes à celles des verbes barytons, & à celles des circonflexes, cela fait treize conjugaisons dans les verbes grecs.

Tel est le systême commun des Grammairiens ; mais la méthode de P. R. réduit ces treize conjugaisons à deux : l’une des verbes en ω qu’elle divise en deux especes : 1. celle des verbes qui se conjuguent sans contraction, & ce sont les barytons : 2. celle de ceux qui sont conjugués avec contraction, & alors ils sont appellés circonflexes. L’autre conjugaison des verbes grecs est celle des verbes en μι.

Il y a quatre observations à faire pour bien conjuguer les verbes grecs : 1. il faut observer la terminaison. Cette terminaison est marquée ou par une simple lettre, ou par plus d’une lettre.

2. La figurative, c’est-à-dire, la lettre qui précede la terminaison : on l’appelle aussi caractéristique, ou lettre de marque. On doit faire une attention particuliere à cette lettre, 1. au présent, 2. au prétérit parfait, 3. & au futur de l’indicatif actif ; parce que c’est de ces trois tems que les autres sont formés. La