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devoir nous donner des phénomenes aussi considérables que celui de M. Franklin par exemple, qui ainsi qu’il nous l’apprend dans ses lettres, a dix piés de long & un pié de diametre. Selon cet auteur, lorsque son conducteur est bien chargé, on en peut tirer des étincelles à près de deux pouces de distance, qui causent une douleur assez sensible dans la jointure du doigt. Il est composé de feuilles de carton formant un cylindre, & ces feuilles sont recouvertes d’un papier d’Hollande relevé en bosse en plusieurs endroits, & doré presque par-tout.

Pour terminer, nous dirons deux mots de la maniere dont le conducteur doit recevoir l’électricité du globe, c’est à quoi il nous paroît qu’on n’a pas fait assez d’attention jusqu’ici. On se contente pour l’ordinaire de faire toucher legerement au globe du clinquant, des galons de métal effilés, ou quelque chose de cette nature électrisable par communication, qui ne puisse point l’endommager, & qui ne cause que peu ou point de frottement. Les uns disposent ces matieres de façon qu’elles embrassent une certaine partie du globe ; & cette pratique paroît la meilleure : les autres se contentent de les faire porter dans un petit espace. Mais l’électricité se dissipant, comme nous l’avons dit plus haut, par les parties aiguës & pointues des corps électrisés, il s’ensuit qu’il doit s’en dissiper beaucoup par tous les angles & toutes les pointes qui se trouvent au clinquant & aux galons, &c. Aussi lorsqu’on électrise un globe, voit-on toutes ces parties briller d’un grand nombre d’aigrettes & de gerbes de feu électrique. Pour remédier à cette dissipation de l’électricité, voici comme nous nous y prenons. Nous attachons du clinquant au bord inférieur de la base d’un entonnoir de fer-blanc, dont le diametre est égal à la grandeur de la partie du globe que l’on veut embrasser ; nous faisons déborder ce clinquant d’un demi-pouce ou environ, & nous le découpons comme à l’ordinaire, pour qu’il puisse poser sur le globe & le toucher dans un grand nombre de points sans aucun frottement considérable : ensuite nous recouvrons le tout par un entonnoir de verre, dont le bord excede celui de l’entonnoir de fer-blanc, d’un quart de pouce ou à-peu-près, afin qu’il puisse être fort près du globe sans cependant le toucher. Par ce moyen l’électricité ne peut se dissiper par les angles des feuilles du clinquant, ces feuilles se trouvant environnées du verre qui, comme on l’a vû plus haut, repousse le fluide électrique & l’empêche de se dissiper. Nous ne parlerons point de la maniere d’adapter cet entonnoir au conducteur, la chose étant trop facile pour s’y arrêter. (T)

Conducteur, instrument de Chirurgie dont on se sert dans l’opération de la taille. On le fait ordinairement d’acier ou d’argent. Il y en a de deux sortes, le mâle & la femelle. Ils ont l’un & l’autre la figure d’une croix, & sont fort polis, pour ne point blesser la vessie dans laquelle on les introduit, ni les parties par où ils passent. Leur corps est large d’environ trois lignes, arrondi en-dehors, plat en dedans. La partie postérieure comprend trois branches applaties ; deux font les bras de la croix, & la troisieme en compose la tête ou le manche : celle-ci doit être fort renversée en-dehors, afin de donner plus d’espace aux tenettes qu’on introduit entre les deux. Tout le long de la face plate du corps ou branche antérieure, regne une crête dans le milieu d’environ deux lignes de saillie : cette crête commence peu-à-peu dès le milieu du manche, afin que l’opérateur l’apperçoive mieux. Elle finit insensiblement vers la fin du conducteur mâle, & se termine par une languette longue de six lignes relevée & recourbée en-dedans, applatie sur les côtés : cette languette fait l’extrémité de l’instrument qu’on place dans la cannelure d’une sonde qui doit

être mise auparavant dans la vessie. La crête dans l’autre espece de conducteur ne s’étend pas si loin ; l’extrémité antérieure est un peu recourbée en-dedans, & terminée par une échancrure qui lui a fait donner le nom de conducteur femelle. Voyez les figures 4 & 5. Pl. XI. de Chirurgie.

La maniere de se servir de ces deux instrumens, consiste à introduire d’abord le conducteur mâle dans la vessie, à la faveur d’une sonde cannelée, la tête en-haut, le dos en-bas ; ensuite on retire la sonde, & on glisse le conducteur femelle par son échancrure, le dos en-haut sur la crête du mal. Ces deux instrumens ainsi introduits, forment par leurs crêtes parallelement opposées, une espece de coulisse qui sert à conduire les tenettes dans la vessie pour charger la pierre.

On ne se sert pas beaucoup des conducteurs pour la taille des hommes ; on leur a substitué le gorgeret. Voyez Gorgeret. Les conducteurs sont en usage pour la taille des femmes. Voy. Lithotomie des femmes. (Y)

CONDUIRE, v. act. (Gram.) c’est indiquer le chemin en accompagnant sur la route ; mais cette acception a été détournée d’une infinité de manieres différentes : on a dit, conduire une voiture, conduire dans les bonnes voies, conduire des eaux, conduire des troupes, &c. Voyez-en quelques-uns ci-après.

Conduire, (DrapierMarchand d’étoffes.) est synonyme à auner. Mener doucement l’étoffe le long de l’aune, sans la tirer, pour la faire courir davantage, c’est la conduire bois à bois.

Conduire les eaux. (Hydrauliq.) La maniere de conduire l’eau dans une ville, n’est pas la même que dans la campagne & dans un jardin.

Dans une ville on n’a d’autre sujétion que de se servir de tuyaux de plomb, assez gros pour fournir les fontaines publiques & la quantité d’eau concédée aux particuliers, en la faisant tomber dans les cuvettes de distribution. Si dans la pente des rues, l’eau est obligée de remonter ou de se mettre de niveau après la pente, ou enfin si on soude une branche sur le gros tuyau, on fait dans cet endroit un regard avec un robinet, pour arrêter cette charge & conserver les tuyaux : cela sert encore à les vuider dans les fortes gelées.

Dans la campagne on n’a ordinairement à conduire que des eaux roulantes ; après l’avoir amassée par des écharpes, des rameaux, des rigoles, dans des pierrées, & l’avoir amenée dans un regard de prise, on la fait entrer dans des tuyaux de grès ou de bois, selon la nature du lieu ; s’il y a des contrefoulemens où l’eau soit obligée de remonter, on la fait couler dans des aqueducs, ou au moins dans des tuyaux assez forts pour y résister. On sent bien qu’il seroit ridicule d’y employer des tuyaux de plomb, qui seroient trop exposés à être volés ; ceux de fer sont à préférer. On les enfoncera de quatre à cinq piés, pour éviter le vol & la malice des paysans.

Le plus difficile à ménager en conduisant les eaux pendant un long chemin, ce sont les fonds & les vallées appellées ventres ou gorges ; ils se trouvent dans l’irrégularité du terrein de la campagne, & interrompent le niveau d’une conduite : alors on est obligé de faire remonter l’eau sur la montagne vis-à-vis pour en continuer la route ; c’est dans cette remontée que l’eau contrefoulée a tant de peine à s’élever, que les tuyaux y crevent en peu de tems.

Soit la montagne A (Fig. 1. Hydraul.) d’où descend l’eau qu’on suppose amenée depuis la prise par un terrein plat, dans des tuyaux de grès ou des pierrées. B est la seconde montagne où se trouve la contrepente opposée à la pente de la premiere montagne A, d’où vient la source C conduite dans des tuyaux de grès. DD est le ventre ou gorge, où l’eau se trouve forcée par-tout. EE est la ligne de