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me quelquefois, outre les alimens, quelques dommages & intérêts à la concubine, eu égard aux circonstances : par exemple, si la fille qui a été séduite est jeune, de bonne famille, & que sa conduite soit d’ailleurs sans reproche ; si le garçon est plus âgé qu’elle, & qu’il soit riche, &c.

Ce que le mari donne à sa concubine ne doit pas se prendre sur la masse de la communauté, mais sur la part du mari seulement, ou sur ses autres biens ; ou si cela est pris sur la masse de la communauté, il en est dû récompense pour moitié à la femme.

Si la concubine donataire est une femme mariée ou une fille livrée à une débauche publique, la donation en ce cas ne doit avoir aucun effet ; il n’est dû ni alimens, ni dommages & intérêts.

Les reconnoissances faites au profit des concubinaires sont nulles, aussi bien que les donations ; parce que de telles reconnoissances sont toûjours reputées simulées, & que qui non potest dare non potest confiteri. Voyez au ff. 25. tit. vij. & au code 5. tit. xxvij. Ricard, des donat. part. I. ch. iij. sect. 8. n. 416. Dumolin, sur le conseil 196 de Decius. Duplessis, tr. de la comm. liv. I. chap. iij. Cujas, sur la novelle 18. Louet, lett. D. somm. 43. Dupineau, nouvelle édition, liv. VI. des arréts, ch. xiij. Plaid. de Gillet, tom. I. pag. 280. L’hist. de la jurisprud. Rom. de Terrasson, pag. 45. & 48. Causes célebres, tom. VII. pag. 92. Ferrieres sur Paris, article 292. gloss. 2. n. 26. & suiv. (A)

CONCUBINAIRE, s. m. (Jurispr.) voyez ce qui est dit ci-devant au mot Concubinage. (A)

CONCUPISCENCE, s. f. parmi les Théologiens, signifie l’appétit, ou le desir immodéré, ou la convoitise des choses sensuelles, inhérent à l’homme depuis sa chûte.

Le P. Malebranche définit la concupiscence, un effort naturel que les traces, les impressions du cerveau font sur l’ame pour l’attacher aux choses sensibles. L’empire & la force de la concupiscence sont, selon lui, ce que nous appellons le péché originel.

Il attribue l’origine de la concupiscence à ces impressions faites sur le cerveau de nos premiers parens, au tems de leur chûte, qui se sont transmises & qui se transmettent continuellement à leurs descendans : car de même, dit-il, que les animaux produisent leurs semblables, & avec les mêmes traces dans le cerveau (ce qui produit les mêmes sympathies & antipathies, & la même conduite dans les mêmes occasions) ; de même nos premiers parens ayant après leur chûte reçu des traces si profondes dans le cerveau, par l’impression des objets sensibles, on peut supposer avec raison qu’ils les communiquerent à leurs enfans. Mais on doit se borner à croire ce mystere, sans l’expliquer.

Les Scholastiques se servent du terme d’appétit concupiscible, pour signifier l’envie que nous avons de posséder un bien, en opposition à celui d’appétit irascible qui nous porte à fuir un mal.

S. Augustin, dans ses écrits contre Julien évêque d’Eclane, liv. IV. chap. xjv. distingue quatre choses dans la concupiscence ; la nécessité, l’utilité, la vivacité, & le desordre du sentiment ; & il ne trouve de mauvais que cette derniere qualité. La concupiscence considérée sous ce dernier rapport, est ce penchant que nous avons tous au mal, & qui reste dans les baptisés & dans les justes comme une suite & une peine du péché originel, & pour servir d’exercice à leur vertu. Voyez Péché originel. (G)

CONCURREMMENT, (Jurispr.) voyez ci-après Concurrence.

* CONCURRENCE, s. f. s’entend en général de l’exercice de la prétention que plusieurs personnes ont sur un même objet : selon la qualité de l’objet,

la concurrence s’appelle rivalité. Voyez ces acceptions en Jurisprudence & dans le Commerce.

Concurrence, (Jurisprud.) est une égalité de droit d’hypotheque ou de privilége sur une même chose.

Il y a concurrence d’hypotheque entre deux créanciers, lorsque leur titre est de la même date, & qu’on ne peut connoître lequel est le plus ancien.

La concurrence de privilége arrive entre deux créanciers qui ont saisi tous deux en même tems les meubles de leur débiteur, ou lorsque leurs créances sont de même nature, ou également favorables.

Il y a certaines matieres dont la connoissance est attribuée à différens juges ; mais c’est par prévention entre eux, & non pas par concurrence. Voyez ce qui est dit ci-devant au mot Concours. (A)

Concurrence, en fait de Commerce. Ce mot présente l’idée de plusieurs personnes qui aspirent à une préférence : ainsi lorsque divers particuliers s’occupent à vendre une même denrée, chacun s’efforce de la donner meilleure ou à plus bas prix, pour obtenir la préférence de l’acheteur.

On sent au premier coup d’œil que la concurrence est l’ame & l’aiguillon de l’industrie, & le principe le plus actif du commerce.

Cette concurrence est extérieure ou intérieure.

La concurrence extérieure du commerce d’une nation, consiste à pouvoir vendre au-dehors les productions de ses terres & de son industrie en aussi grande quantité que les autres nations vendent les leurs, & en proportion respective de la population, des capitaux, de l’étendue & de la fertilité des terres. Celle qui ne soûtient pas cette concurrence dans les proportions dont nous venons de parler, a immanquablement une puissance relativement inférieure à la puissance des autres ; parce que ses hommes sont moins occupés, moins riches, moins heureux, dès-lors en plus petit nombre relativement, enfin moins en état, dans le même rapport, de secourir la république. On ne peut trop le répéter, la balance du commerce est véritablement la balance des pouvoirs.

Cette concurrence extérieure ne s’obtient point par la force ; elle est le prix des efforts que fait l’industrie pour saisir les goûts du consommateur, les prévenir même & les irriter.

La concurrence intérieure est de deux sortes : l’une entre les denrées de l’état & les denrées étrangeres de même nature, ou de même usage ; & celle-là privant le peuple des moyens de subsister, doit en général être proscrite. Ceux qui contribuent à l’introduire, soit en vendant, soit en achetant, sont réellement coupables envers la société d’augmenter ou d’entretenir le nombre des pauvres qui lui sont à charge.

L’autre espece de concurrence intérieure est celle du travail entre les sujets : elle consiste à ce que chacun d’eux ait la faculté de s’occuper de la maniere qu’il croit la plus lucrative, ou qui lui plaît davantage.

Elle est la base principale de la liberté du commerce ; elle seule contribue plus qu’aucun autre moyen, à procurer à une nation cette concurrence extérieure, qui l’enrichit & la rend puissante. La raison en est fort simple. Tout homme est naturellement porté (je ne dois peut-être pas dire par malheur à s’occuper) mais il l’est du moins à se procurer l’aisance ; & cette aisance, salaire de son travail, lui rend ensuite son occupation agréable : ainsi dès que nul vice intérieur dans la police d’un état ne met des entraves à l’industrie, elle entre d’elle-même dans la carriere. Plus le nombre de ses productions est considérable, plus leur prix est modique ; & cette modicité des prix obtient la préférence des étrangers.