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cent, certainement envoyés par le pape en cette qualité, eussent présidé conjointement avec lui. Nous venons de voir qu’ils n’ont point présidé : donc ce n’est point comme légat qu’Osius a été un des présidens du concile. Dans les deux conciles généraux qui suivirent, & qui se tinrent avant celui de Chalcédoine, les légats du pape ne paroissent pas y avoir présidé. Nous avons vû plus haut qu’au premier concile de Constantinople, il ne se trouva aucun évêque de l’église d’occident, & que les Grecs même s’en plaignirent : mais ce concile fut ensuite reçû par le pape Damase & les autres évêques de l’église Latine ; c’est pourquoi on l’a toûjours reconnu pour œcuménique. Les légats du pape Célestin I. Arcadius & Projectus évêques, & Philippe prêtre, assisterent au concile d’Ephese ; mais ils n’y présiderent point : ce fut Cyrille d’Alexandrie qui présida ; ce droit lui appartenoit au défaut de Nestorius patriarche de Constantinople, qui étoit absent & accusé, car dès ce tems-là le patriarche de Constantinople avoit le second rang. Il est bien vrai que dans ce concile le pape Célestin commit Cyrille à sa place ; mais comme il avoit d’ailleurs, à raison de son siége, le droit de présider, on ne peut inférer d’un pareil exemple que les légats du pape présidassent alors au concile jure suo. Enfin le concile de Chalcédoine qui condamna & déposa Dioscore, fut présidé par les légats du pape S. Léon, savoir Paschasin & Lucentius évêques, & Boniface prêtre. Vigor, lib. de conciliis, cap. vij. prétend que cela se passa ainsi, parce que tous les patriarches, à l’exception de celui de Constantinople, étoient au nombre des accusés, vû qu’ils s’étoient joints à Dioscore pour condamner Flavien dans le faux concile d’Ephese, & par conséquent ne pouvoient présider à un concile où ils devoient être jugés. Mais il paroît par les souscriptions rapportées tome IV. des conciles, p. 448. & suiv. qu’Anatole patriarche de Constantinople, souscrivit après les légats, & après lui Maxime d’Antioche : ce qui réfute l’opinion de Vigor. Il est très-vraissemblable que l’empereur Marcien, prince religieux, seconda la déférence qu’on eut en cette occasion pour le S. siége. Quoi qu’il en soit, c’est d’après cet exemple que les légats du pape ont présidé dans tous les conciles.

A l’égard de l’ordre, suivant lequel les autres évêques assistent au concile, le dernier canon de la distinction dix-sept du decret de Gratien, établit pour regle que les évêques doivent se conformer à la date de leur ordination, tant pour le rang qu’ils occupent dans la séance, que pour celui des souscriptions. On décida la même chose dans le premier concile de Brague, canon vj. & cette discipline fut pareillement observée dans l’église d’Afrique, où l’on ordonna que pour terminer les contestations qui s’élevoient au sujet de la préséance, chaque évêque seroit tenu de rapporter des lettres de celui dont il auroit reçu la consécration, & qui en continssent la date. Canons viij. & jx. du code des canons de l’église d’Afrique. On s’est néanmoins quelquefois écarté de cette regle en faveur de plusieurs siéges privilégiés.

Outre l’ordre de la séance, la forme du concile consiste encore dans la division des assemblées, & la liberté des suffrages. Comme tout ce dont on doit traiter dans un concile, ne peut se finir en un jour, on a coûtume de partager les affaires en differens tems, & de distinguer les diverses assemblées en actions ou sessions, ainsi qu’on les appelle aujourd’hui : dans ces actions ou sessions, on propose les questions & on prononce les decrets ; ce qui ne se fait cependant qu’après avoir tenu des congrégations, c’est-à-dire, des assemblées privées d’évêques. Les peres du concile déliberent entr’eux d’abord dans une congrégation particuliere, sur ce qui fait la matiere de la question. Ensuite on fait le rap-

port de ce qui y a été agité dans une congrégation

plus générale, où l’on convoque ceux même des evêques qui n’ont point assisté à la premiere. De cette façon aucun d’eux n’ignore ce dont il s’agit. On discute de nouveau la question, & on la décide, avant que de la porter dans la session publique. Cela a été introduit afin qu’il ne restât plus aucun sujet d’altercation entre les evêques, & que les sessions publiques se passassent avec plus de décence : cette précaution néanmoins ne s’est prise que dans les derniers conciles. On ne trouve rien de semblable dans les anciens, & chaque affaire se discutoit dans les actions publiques. Il étoit pareillement d’usage autrefois de prendre les voix de chaque membre de l’assemblée ; ce qui a été observé jusqu’au concile de Constance, où il parut nécessaire de recueillir les suffrages par nation, c’est-à-dire, que chaque évêque opinoit dans sa nation, & qu’on rapportoit dans le concile les suffrages des nations. De puissantes raisons obligerent les peres du concile de Constance d’introduire cette nouveauté. Il y avoit pour lors trois contendans à la papauté, Gregoire XII. Benoist XIII. & Jean XXIII. Chacun d’eux avoit ses adhérans parmi les evêques. Il étoit à craindre si on comptoit les voix suivant l’ancien usage, que les evêques d’une nation l’emportant par le nombre sur les autres, on ne pût parvenir au rétablissement de la paix & à l’extinction du schisme, qui étoient le but principal de la tenue du concile. On suivit la même methode au concile de Basle, & il est sensible que c’est un moyen sûr pour réunir le consentement de toute l’Eglise. Quant à la liberté des suffrages, elle doit être très-grande ; autrement le concile cesse d’être œcuménique, & ne contient plus la décision de l’Eglise universelle. Il n’y a point de marque plus certaine pour connoître si un concile a été œcuménique, ou non, que la liberté des suffrages. Nous en avons un exemple dans le faux concile d’Ephese, tenu par Dioscore, & cassé par celui de Chalcédoine. Ce faux concile avoit été convoqué dans la même forme que les trois précédens conciles généraux. Theodose le grand avoit interposé son autorité pour la convocation de ce concile, le pape S. Leon avoit donné son consentement & envoyé ses légats ; ainsi rien ne paroissoit manquer à l’extérieur, de ce qui constitue la forme des conciles. Mais on n’y eut point la liberté de déliberer ; les evêques, les prêtres & les clercs furent forcés par les soldats à coups d’épée & de bâton de signer un papier blanc. Plusieurs moururent de cette violence, entr’autres Flavien de Constantinople. Dioscore avoit conspiré sa perte, & il le fit condamner & déposer par ces voies de fait dans cette assemblée ; c’est pourquoi on l’a toujours regardée comme un conciliabule. Il est donc très important d’avoir une regle sûre pour discerner si le concile a la liberté des suffrages ; car il est à craindre que sous ce prétexte quelqu’un ne s’éleve contre l’autorité des conciles généraux la mieux fondée, & ne veuille s’y soustraire, en disant que le concile n’a pas été libre. Or on peut juger qu’il a été libre par l’acquiescement de l’Eglise universelle ; si au contraire toutes les eglises se plaignent, & rejettent les décisions du concile, c’est une preuve manifeste qu’il n’a joui d’aucune liberté. Par exemple on reclama de toute part contre le brigandage du faux concile d’Ephese ; on demanda un autre concile, & il parut évidemment que celui d’Ephese n’avoit point été libre ; c’est ce que prouvent les actes du concile de Chalcédoine. L’Eglise universelle reclama pareillement contre le faux concile de Rimini, où l’on avoit également employé la violence, & à la formule duquel le pape Libere avoit souscrit.

Maintenant pour terminer ce qui concerne les conciles généraux, nous allons examiner quelle est