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paux siéges, tels que Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem. A l’égard de l’évêque de Rome, comme il est de droit divin le chef de l’Église, il est de regle qu’on ne peut tenir de concile général, à moins qu’on ne demande en forme son consentement, & qu’on ne l’invite d’y assister : aussi cet usage a-t-il été constamment pratiqué dans l’Église dès les premiers tems, si nous en croyons tous les historiens ecclésiastiques. Socrate, liv. II. chap. viij. reproche entr’autres choses au concile d’Antioche, que Jules évêque de Rome n’y ait point assisté, ni envoyé personne à sa place, quoiqu’il soit, dit-il, ordonné par les canons de ne statuer sur rien dans l’Église sans que l’évêque de Rome en ait connoissance. Sozomene, liv. III. chap. x. rapporte qu’après la condamnation d’Athanase, le pape Jules écrivit aux évêques qui avoient tenu le concile d’Antioche, & se plaignit amerement de ce que, contre les lois ecclésiastiques, on ne l’avoit point appellé au concile. On doit pareillement inviter les évêques de l’univers entier ; car si l’on ne convoque que ceux d’une certaine nation, ou d’une certaine province, alors le concile n’est point œcuménique, mais simplement national ou provincial : ainsi pour qu’il soit réputé universel, il est nécessaire d’observer les deux regles que Bellarmin propose, lib. I. de concil. cap. xvij. La premiere de ces regles est que la convocation soit notifiée à toutes les grandes provinces de la Chrétienté. Cette notification se fait par les métropolitains, qui autrefois après avoir reçû les ordres des empereurs, les communiquoient aux évêques de leurs provinces, & les amenoient avec eux au concile. Depuis que la coûtume a déféré au pape le droit de convoquer les conciles, il adresse aux princes & aux métropolitains une bulle solemnelle d’indiction, qui marque le tems & le lieu du concile. Par cette bulle il exhorte les princes d’y assister, ou du moins d’en voyer leurs ambassadeurs conjointement avec les évêques de leurs royaumes, & enjoint à ces mêmes évêques de s’y trouver. Ensuite lorsque les métropolitains ont obtenu la permission du souverain, ils avertissent leurs suffragans par des lettres circulaires d’aller au concile. La seconde regle de Bellarmin est qu’on ne donne l’exclusion à aucun évêque, de quelqu’endroit qu’il vienne, pourvû qu’il soit constant qu’il est évêque, & qu’il n’est pas excommunié. Au reste, quoique tous les évêques doivent être appellés au concile, il n’est pas cependant nécessaire que tous s’y trouvent, autrement il n’y auroit pas encore eû dans l’Église de concile général. « N’est-ce pas assez, dit M. Bossuet, qu’il en vienne tant & de tant d’endroits, & que les autres consentent si évidemment à leur assemblée, qu’il sera clair qu’on y aura porté le sentiment de toute la terre » ? Hist. des variations, liv. XV. n°. 100. Nous ne nous étendrons pas davantage sur la maniere de convoquer les conciles, & nous verrons aussi en peu de mots quelles sont les matieres qu’on y traite.

Nous avons déjà indiqué au commencement de cet article, en donnant la définition du concile, que les décisions ecclésiastiques ont deux objets principaux, la foi & la discipline ; ce qui est conforme à la lettre des peres du concile de Nicée aux Egyptiens, où ils se servent de ces deux mots Grecs, κανονίζειν, καὶ δογματίζειν, c’est-à-dire dresser des articles de foi & faire des canons ; ainsi ces deux points font la matiere des conciles généraux. La foi est contenue dans les dogmes qui la proposent, dans les symboles ou formules qui distinguent les fideles des payens, des Juifs, & des hérétiques, & qui sont comme la marque à laquelle on reconnoît les troupes de J. C. Elle est aussi renfermée dans les lettres synodales dans lesquelles les évêques assemblés au concile exposent leur croyance ; & enfin dans les decrets & anathè-

mes prononcés contre les hérétiques. On ne peut rien statuer de nouveau par rapport à la foi, parce qu’elle est un don de Dieu auquel les hommes ne peuvent rien ajoûter, comme ils n’en peuvent rien ôter. L’Église déclare seulement ce qui est de foi ou non ; mais elle fait des lois par rapport à la discipline. Or ce qui appartient à la discipline a coûtume d’être expliqué dans les canons, ainsi appellés du mot Grec κανὼν, qui signifie regle. Isidore, lib. VI. etymologiarum, cap. xvj. nous apprend la raison pour laquelle on s’est servi de ce mot : Regula dicta est canon, eo quod rectè ducit, nec aliquando aliorsum trahit : alii dixerunt regulam dictam, vel quod regat, vel quod normam rectè vivendi præbeat, vel quod distortum pravumque corrigat. Il y a une autre différence très-remarquable entre les dogmes & les canons. La foi est une, & immuable ; regula fidei una est, omnino sola, immobilis & irreformabilis. Tertull. lib. I. de velandis virginibus. La discipline au contraire peut être différente, suivant la difference des nations & des lieux : car on doit regarder comme indifférent, & ne se faire aucune peine d’observer ce qui ne blesse ni la foi ni les bonnes mœurs, afin que par-là on conserve l’union avec ceux avec qui l’on vit. La diversité de ces regles n’empêche pas les églises d’entretenir la concorde, lorsqu’elles sont réunies dans la foi : & pour nous servir des paroles de Fulbert évêque de Chartres : Ubi fidei non scinditur unitas, nos non offendit ecclesiæ diversitas ; sic enim stat sancta Ecclesia regina à dextris Dei in vestitu deaurato circumdata varietate. De-là naît encore une autre différence entre les dogmes & les canons : les dogmes ont par eux-même le sceau de l’autorité, & astreignent également tous les fideles ; au lieu que les canons ont besoin d’acceptation & du concours des deux puissances, pour avoir à l’extérieur leur exécution. Cette même raison que la foi est une, & la discipline différente, suivant la différence des lieux, est cause qu’on traite séparément dans les conciles de ces deux objets. Il est même arrivé que dans plusieurs conciles on n’a examiné que des questions de foi, & dans d’autres que ce qui regarde la discipline. Par exemple, le cinquieme & le sixieme concile se sont contentés de condamner les hérétiques ; & dans celui de Trulle, qui a été comme une suite de ces conciles, on n’a fait que des canons pour le maintien de la discipline, & il ne s’est point agi de la foi.

Quelquefois encore dans les conciles on agite les causes ecclésiastiques, & elles y sont terminées par un jugement de l’Église assemblée. Souvent celui qui avoit été excommunié par son évêque ou par un premier concile, obtenoit que sa cause seroit examinée de nouveau ; & quelquefois il parvenoit à se faire absoudre ; comme Théodoret, qui après avoir été condamné dans le concile d’Ephese, fut admis & restitué dans celui de Chalcédoine. C’est pourquoi Zonare sur le canon 7 du concile de Laodicée, observe que les conciles se tiennent pour finir les disputes qui s’élevent sur la vérité des dogmes, ou sur l’équité des peines, ou pour y traiter les autres affaires ; & attendu que les générales intéressent toute l’Église, il est d’usage qu’on traite d’abord de celles-là, avant de passer aux particulieres, ainsi que l’ordonne le premier canon du premier concile d’Auvergne, qui a été parmi nous un concile national.

Ce que nous venons de dire sur la matiere des conciles, nous paroît suffire ; mais nous ne pouvons nous dispenser en parlant de la forme suivant laquelle se tient le concile, d’entrer dans un plus grand détail. Cette forme consiste principalement dans l’ordre de la séance, dans le partage du concile en différentes assemblées, & enfin dans la liberté des suffrages.

Il est évident par la nature même du concile œcuménique, que l’un des prélats dont il est composé,