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vant les nouvelles éditions, & omnium fidelium corda cognoscant, me non solum per fratres qui vicem meam exsecuti sunt, sed etiam per approbationem gestorum synodalium propriam vobiscum inivisse sententiam, in solâ videlicet fidei causâ, quod sæpe dicendum est, propter quam generale concilium ex præcepto christianorum principum & ex consensu apostolica sedis placuit congregari. On voit assez clairement par ces paroles, que Leon distingue l’ordre des princes du consentement du saint siege. D’ailleurs plusieurs autres lettres de ce pape nous apprennent qu’il avoit consenti avec peine que le concile se tînt en Orient, aimant mieux qu’il se célebrât en Italie. Or s’il eût crû que le droit d’indiquer le concile lui eût appartenu, il n’eût pas manqué, vû les dispositions où il étoit, de le convoquer dans une des villes d’Italie. Le cinquieme concile œcuménique, ou le second de Constantinople, fut indiqué par Justinien. Evagre, liv. IV. ch. xxxvij. Nicephore, liv. XVII. chap. xxvij. Nous avons de plus une lettre de cet empereur, dans laquelle il annonce qu’il a mandé à Constantinople les métropolitains ; &, ce qui est digne de remarque, il y prescrit aux peres du concile l’ordre suivant lequel on y traitera les différentes affaires. tom. V. des conciles, pag. 419. Vigile, sous le pontificat duquel se tint le concile l’an 553, étoit pour lors à Constantinople. Il fut invité d’y assister, mais il le refusa ; & quoiqu’il eût condamné par son judicatum la doctrine impie de Théodore de Mopsueste, il desaprouva au commencement la conduite du concile, en ce qu’il prononçoit l’excommunication & l’anatheme contre des morts, qui, selon lui, devoient être abandonnés au jugement de Dieu. Cependant le pape dans la suite changea d’avis, & six mois après la conclusion du concile, ratifia tout ce qui s’y étoit passé. Le sixieme concile général, ou le troisieme de Constantinople, fut indiqué par l’empereur Constantin Pogonat, & tenu contre les Monothelites l’an 680 & 681, en présence des légats d’Agathon, souverain pontife. Constantin avoit écrit à ce sujet au pape Domne, prédécesseur d’Agathon, & l’avoit invité d’envoyer au concile des personnes qui pussent y être utiles, qui fussent versées dans la connoissance des saintes écritures, & recommandables par leur modestie. La lettre est rapportée tom. VI. des conciles, pag. 594. on y trouve aussi la réponse d’Agathon, successeur du pape Domne, dont on fit lecture dans l’action quatrieme du même concile, tom. VI. pag. 630. Il déclare dans cette réponse, que pour obéir efficacement & comme il le doit aux ordres de l’empereur, il a fait choix de personnes telles que le prince les demande, & qu’il les envoie à Constantinople. Le septieme concile général, ou le second de Nicée, fut convoqué l’an 785 par l’impératrice Irene & Constantin son fils. C’est ce que nous apprend la lettre impériale adressée au pape Adrien premier, par laquelle on l’invite de se trouver au concile qui devoit se tenir incessamment : tom. V II. des conciles, pag. 32. Ce souverain pontife envoya en effet des légats qui assisterent au concile, & lui-même ensuite en ratifia les actes. Enfin le huitieme concile général ou le quatrieme de Constantinople, fut indiqué par l’empereur Basile surnommé le Macédonien, dans un tems où Rome & l’Italie ne faisoient plus partie de l’empire d’Orient. Ce concile se tint l’an 869 sous le pontificat d’Adrien II. qui en approuva la décision. Nous trouvons la preuve que la convocation fut faite par l’empereur Basile, dans l’histoire de ce concile écrite par Anastase le bibliothécaire, & dans l’action cinquieme du même concile, telle qu’Anastase l’a traduite en Latin. On y rapporte qu’Hélie prêtre & syncelle de l’église de Jérusalem voulant prouver la légitimité du concile, adressa la parole en ces termes aux peres dont il étoit composé : Scitis quia in præteritis

temporibus imperatores erant qui congregabant synodos, & ex toto terrarum orbe vicarios ad dispositionem hujusmodi causarum colligebant ; quorum more, & Dei cultor imperator noster universalem hanc synodum fecit, &c. Anastase remarque dans une note marginale qu’il est ici question des conciles généraux, & que les conciles particuliers n’ont jamais, ou rarement, été convoqués par les empereurs. Nous verrons dans la suite si cette observation est juste.

On ne peut donc pas douter que pendant un tems très-considérable les princes n’ayent convoqué les conciles généraux. Mais étoient-ils en droit de le faire ? étoit-ce une usurpation de leur part ? c’est ce qu’une simple réflexion va décider. Les princes ont été établis par Dieu même pour gouverner les peuples & maintenir l’ordre public dans l’étendue de leur domination : d’un autre côté la conservation de la religion contribue au bien & à la tranquillité de l’état ; or il n’y a point de voie plus sûre pour préserver la religion de toute atteinte, que d’assembler des conciles ; c’est par eux que la vérité se fait jour, que la saine doctrine se trouve raffermie jusque dans ses fondemens, que les liens de la charité & de la communion fraternelle sont resserrés entre les fideles. Cela étant ainsi, on a crû avec raison pendant les premiers siecles de l’Eglise, que le droit de convoquer les conciles appartenoit à celui qui en vertu de la dignité dont il est revêtu, se trouve chargé du soin de veiller au bien de l’état. Ajoûtez à cela que lorsqu’il s’agit de la foi & des mœurs, les hommes impies ou déreglés se servent de toute sorte de ruses, soit pour éviter une condamnation, soit pour se soustraire à la peine prononcée contr’eux ; que d’ailleurs l’Eglise n’a point de puissance coactive, mais simplement la voie de l’exhortation, & ne peut mettre en usage que des peines spirituelles & médicinales. Il est donc nécessaire de recourir à ceux qui sont armés du glaive, c’est-à-dire aux princes, afin que personne n’ose résister aux conciles assemblés par leur autorité.

Ce sentiment à la vérité est entierement opposé à celui qu’embrasse Gratien dans la distinction dix-septieme de son decret, où il suppose comme un principe incontestable, que le droit de convoquer les conciles généraux n’appartient qu’au saint siége. De-là même les interpretes ont conçû ainsi la rubrique de cette distinction : Papa est generalia concilia congregare. Gratien y a rassemblé tous les canons qu’il a cru favorables à cette prétention des souverains pontifes. Mais un court examen de ces canons appuyé sur la saine critique, en détruira bien-tôt l’authenticité.

Dans le premier canon il est dit que l’empereur ne peut régulierement célébrer un concile sans l’autorité du pape, ni condamner un évêque si-tôt qu’il a une fois appellé au saint siége : mais ce canon est tiré de la fausse decrétale du pape Marcel au tyran Maxence. Nous disons qu’elle est fausse, non-seulement parce que ce vice est commun à toutes les decrétales attribuées aux souverains pontifes qui ont précédé le pape Sirice ; mais encore parce que le contexte entier de la lettre qui est remplie de barbarismes, & qui contient divers passages de l’Ecriture tirés de la version appellée vulgate, très-postérieure au pape Marcel, nous fournit des preuves de fausseté qui sont particulieres à cette decrétale. D’ailleurs, est-il vraissemblable que le tyran Maxence, prince idolatre, ait jamais pensé à assembler un concile d’évêques, & conséquemment que le pape Marcel ait eu lieu de lui tenir un pareil langage, savoir qu’il ne peut célébrer un concile sans l’autorité du saint siége ? Enfin, quand même Maxence n’auroit point été livré à la superstition du paganisme, le pape auroit-il pû lui dire qu’il n’a plus le droit de condamner un