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s’il convenoit de donner connoissance au peuple du traité de Bretigny conclu en 1359, & qu’il fut résolu qu’on le rendroit public.

Le conseil secret, que l’on appelloit alors grand-conseil, se tenoit souvent à la chambre des comptes, en présence des princes, des grands du royaume, du chancelier, des cardinaux, archevêques & évêques, des présidens, maîtres des requêtes, conseillers au parlement, & autres conseillers dudit conseil. On traitoit dans ces assemblées des affaires de toute nature, soit concernant la finance & la justice, soit concernant le fait & état du royaume ; & les résolutions qui y étoient prises formoient les ordonnances qui sont connues sous le titre d’ordonnances rendues par le conseil tenu en la chambre des comptes. Voyez les huit premiers volumes des ordonnances royaux.

Dans d’autres occasions, les officiers de la chambre des comptes étoient mandés près de la personne du roi, & étoient admis aux délibérations qui se prenoient dans leur privé conseil.

Philippe de Valois, l’un des plus sages & des plus vaillans princes de notre monarchie, donna pouvoir à la chambre, par lettres du 13 Mars 1339, d’octroyer pendant le voyage qu’il alloit faire en Flandre, toutes lettres de grace, d’annoblissemens, légitimations, amortissemens, octrois, &c. & il permit à cette compagnie, par autres lettres du dernier Janvier 1340, d’augmenter ou diminuer le prix des monnoies d’or ou d’argent.

Des officiers de la chambre des comptes furent chargés de l’exécution des testamens de Charles V. & de Charles VI.

Outre ces marques d’honneur & de confiance que la chambre a reçû de ses souverains, ils lui ont accordé des prérogatives & des priviléges considérables. Les officiers de cette compagnie ont la noblesse au premier degré ; ils ont le titre & les droits de commensaux de la maison du Roi ; ils ne doivent payer aucunes décimes pour les bénéfices qu’ils possedent ; plusieurs d’entr’eux ont même joüi du droit d’indult que Charles VII. en 1445, avoit demandé au pape d’accorder aux officiers de cette compagnie ; ils sont exempts de droits seigneuriaux, quints & requints, reliefs & rachats, & lods & ventes dans la mouvance du Roi, de toutes les charges publiques, de ban & arriere-ban, de logement de gens de guerre, de tailles, corvées, péages, subventions, aides, gabelles, &c.

Un grand nombre d’édits & de déclarations, & notamment celles du 13 Août 1375, & Décembre 1460, 23 Novembre 1461, 26 Février 1464, & 20 Mars 1500, ont confirmé à la chambre les droits & exemptions ci-dessus exprimés, comme étant cour souveraine. principale, premiere, seule, & singuliere du dernier ressort en tout le fait des comptes & des finances, l’arche & repositoire des titres & enseignemens de la couronne & du secret de l’état, gardienne de la régale, & conservatrice des droits & domaines du Roi.

Les titres dont le dépôt est confié à cette compagnie sont si importans, que l’ordonnance de Décembre 1460 expose que les Rois se rendoient souvent en personne à la chambre, pour y examiner eux-mêmes les registres & états du domaine ; afin, est-il dit, d’obvier aux inconvéniens qui pourroient s’ensuivre de la révélation & portation d’iceux.

Pour donner une idée plus particuliere de la chambre des comptes, il faut la considérer, 1° eu égard aux officiers dont elle est composée, 2° à la forme dont on y procede à l’instruction & au jugement des affaires, 3° à l’étendue de la jurisdiction qu’elle exerce.

Les officiers qui la composent sont divisés en plusieurs ordres : il y a outre le premier président, dou-

ze autres présidens, soixante-dix-huit maîtres, trente-huit correcteurs, quatre-vingt-deux auditeurs, un

avocat, & un procureur général ; deux greffiers en chef, un commis au plumitif, deux commis du greffe, trois contrôleurs du greffe, un payeur des gages qui remplit les trois offices, & trois contrôleurs desdits offices, un premier huissier, un contrôleur des restes, un garde des livres, vingt-neuf procureurs, & trente huissiers.

Les officiers de la chambre servent par semestre ; les uns depuis le premier Janvier jusqu’au dernier Juin, les autres depuis le premier Juillet jusqu’au dernier Décembre. Le premier président, les gens du Roi, & les greffiers en chef, sont les seuls officiers principaux dont le service soit continuel.

Les semestres s’assemblent pour registrer les édits & déclarations importantes, pour délibérer sur les affaires qui intéressent le corps de la chambre, pour procéder à la réception de ses officiers, &c. Dans ces assemblées M M. les présidens & maîtres qui ne sont point de semestre y prennent le rang que leur donne l’ancienneté de leur réception.

A l’égard du service ordinaire, la chambre est partagée en deux bureaux : les trois anciens présidens du semestre sont du grand bureau, & les trois autres du second. Les maîtres des comptes changent tous les mois de l’un à l’autre bureau : ces deux bureaux s’assemblent pour délibérer sur des édits, déclarations, & autres affaires, qui par leur objet ne demandent pas à être portées devant les semestres assemblés.

La forme dans laquelle se dressent & se jugent les comptes, est principalement reglée par les ordonnances de 1598 & de 1669. On suit la disposition de l’ordonnance de 1667 dans les affaires civiles, & celle de 1670 pour l’instruction & jugement des affaires criminelles.

C’est au second bureau que se jugent tous les comptes, à l’exception de celui du thrésor royal, de celui des monnoies, & de ceux qui se présentent pour la premiere fois. Lorsque la chambre faisoit l’examen des finances dont le Roi vouloit faire le remboursement, c’étoit au second bureau qu’on y procédoit, & que se dressoient les avis de finance.

C’est au grand bureau que s’expédient les autres affaires, & que se donnent les audiences dont les jours sont fixes, par l’ordonnance de 1454, aux mercredis & samedis : c’est dans ce tribunal que les ordres du Roi sont apportés, que les invitations sont faites, que les députations s’arrêtent, que les instances de correction & les requêtes d’apurement sont rapportées & jugées.

On peut distinguer en trois parties les fonctions que les officiers de la chambre exercent : 1° pour l’ordre public ; 2° pour l’administration des finances ; 3° pour la conservation des domaines du Roi & des droits régaliens.

On peut comprendre dans la premiere classe l’envoi qui se fait en la chambre de tous les édits, ordonnances, & déclarations qui forment le droit général du royaume, par rapport à la procédure & aux dispositions des différentes lois que les citoyens sont tenus d’observer.

L’enregistrement que fait cette compagnie des contrats de mariage de nos Rois, des traités de paix, des provisions des chanceliers, gardes des sceaux, secrétaires d’état, maréchaux de France, & autres grands officiers de la couronne & officiers de la maison du Roi.

Celui des édits de création & suppression d’offices, de concession de priviléges & octrois aux villes, de toutes les lettres d’érection de terres en dignités, d’établissement d’hôpitaux, de communautés ecclésiastiques & religieuses, d’union & desunion