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naires nationaux, ou par des commissionnaires étrangers. Voyez Commissionnaires.

Ainsi il y a un commerce actif & un commerce passif. Il est évident que le commerce passif diminue le bénéfice de l’exportation, & augmente le prix de l’importation. Il est contraire à l’objet du commerce dans un état, puisqu’il dérobe à son peuple le travail & les moyens de subsister ; il en arrête l’effet, puisqu’il diminue la richesse relative de cet état.

Le commerce passif produit encore un autre desavantage : la nation qui s’est emparée du commerce actif d’une autre, la tient dans sa dépendance ; si leur union vient à cesser, celle qui n’a qu’un commerce passif reste sans vigueur : son agriculture, son industrie, ses colonies sont dans l’inaction, sa population diminue, jusqu’à ce que par des efforts dont les progrès sont toûjours lents & incertains, elle reprenne un commerce passif.

La différence qui résulte de la compensation des exportations & des importations pendant un certain espace de tems, s’appelle la balance du Commerce. Elle est toûjours payée ou reçûe en argent ; puisque l’échange des denrées contre les métaux qui en font la mesure, est indispensable lorsque l’on n’a plus d’autre équivalent à donner. Les états soldent entre eux comme les particuliers.

Ainsi lorsque la balance du commerce d’une nation lui est avantageuse, son fonds capital des richesses de convention est augmenté du montant de cette balance : si elle est desavantageuse, le fonds capital est diminué de toute la somme qui a été payée.

Cette balance doit être envisagée comme particuliere & comme générale.

La balance particuliere est celle du commerce entre deux états : elle est l’objet des traités qu’ils font entre eux, pour établir autant qu’il se peut l’égalité du commerce. Ces traités reglent la nature des denrées qu’ils pourront se communiquer l’un à l’autre ; les facilités qu’ils apporteront réciproquement à leur introduction ; les droits que les marchandises payeront aux doüanes soit d’entrée, soit de l’intérieur.

Si deux nations n’avoient que les mêmes especes de productions à se communiquer, elles n’auroient point de traité entre elles que celui de l’humanité & du bon traitement des personnes ; parce que celle des deux qui auroit l’avantage sur l’autre, envahiroit enfin son commerce intérieur & extérieur : alors le commerce est réduit entre ces deux nations à celui qu’une troisieme leur occasionne par la réexportation dont nous avons parlé.

L’égalité parfaite du commerce entre deux peuples est celle des valeurs, & du nombre d’hommes nécessairement occupés de part & d’autre. Il est presqu’impossible qu’elle se rencontre, & l’on ne calcule ordinairement que l’égalité des valeurs.

Quoique l’on n’évalue pas le nombre des hommes, il semble qu’il devroit être considéré suivant la nécessité réciproque de l’échange. Si la balance n’est pas égale, la différence du nombre des hommes réciproquement employés, ne doit point être considérée par celui qui la gagne : car il est certain que la somme payée en argent augmentera chez lui la circulation intérieure, & par conséquent procurera une subsistance aisée à un plus grand nombre d’hommes.

Lorsqu’un pays est dans la disette absolue d’une denrée, la facilité que l’on apporte pour le rapprocher de l’égalité du commerce dépend du point de concurrence où est cette denrée : car si d’autres peuples la possedent également, & qu’ils offrent de meilleures conditions, on perdra l’occasion de vendre la sienne. Si cet état n’a d’échange à offrir que des marchandises de même genre & de même espece, il convient d’abord de comparer le produit & les avanta-

ges de la vente que l’on peut y faire de sa propre denrée,

avec la perte qui pourroit résulter de l’introduction des denrées étrangeres ; ensuite les moyens que l’on a pour soûtenir leur concurrence, & la rendre nulle.

Enfin la confection d’un pareil traité exige une profonde connoissance du commerce des deux nations contractantes, de leurs ressources réciproques, de leur population, du prix & de la qualité des matieres premieres, du prix des vivres & de la main-d’œuvre, du genre d’industrie, des besoins réciproques, des balances particulieres & générales, des finances, du taux de l’intérêt qui étant bas chez une nation & haut chez l’autre, fait que celle-ci perd où la premiere gagne ; il peut arriver que la balance du commerce avec un pays soit desavantageuse, & que le commerce en soit utile, c’est-à-dire qu’il soit l’occasion ou le moyen nécessaire d’un commerce qui dédommage avec profit de cette perte.

La balance générale du commerce d’une nation est la perte ou le gain qui résultent de la compensation des balances particulieres.

Quand même le montant des exportations générales auroit diminué, si celui des importations l’est dans la même proportion, l’état n’a point perdu de son commerce utile ; parce que c’est ordinairement une preuve que son commerce intérieur aura occupé un plus grand nombre d’hommes.

Par la même raison, quoique les exportations générales soient moindres, si les importations ont diminué dans une plus grande proportion, le commerce utile s’est accru.

Il est évident qu’entre divers peuples, celui dont la balance générale est constamment la plus avantageuse, deviendra le plus puissant ; il aura plus de richesses de convention, & ces richesses en circulant dans l’intérieur, procureront une subsistance aisée à un plus grand nombre de citoyens. Tel est l’effet du Commerce, quand il est porté à sa perfection dans un corps politique : c’est à les lui procurer que tendent les soins de l’administration ; c’est par une grande supériorité de vûes, par une vigilance assidue sur les démarches, les réglemens, & les motifs des peuples en concurrence, enfin par la combinaison des richesses réelles & relatives, qu’elle y parvient. Les circonstances varient à l’infini, mais les principes sont toûjours les mêmes ; leur application est le fruit du génie qui en embrasse toutes les faces.

Les restrictions que l’intérêt politique apporte au Commerce, ne peuvent être appellées une gêne ; cette liberté si souvent citée & si rarement entendue, consiste seulement à faire facilement le commerce que permet l’intérêt général de la société bien entendu.

Le surplus est une licence destructive du Commerce même. J’ai parlé de l’intérêt général bien entendu, parce que l’apparence d’un bien n’en est pas toûjours un.

Les fraudes & la mauvaise foi ne peuvent être proscrites trop sévérement : l’examen de ces points exige des formalités : leur excès détruit la liberté, leur oubli total introduit la licence : on ne doit donc pas les retrancher tout-à-fait ces formalités, mais les restraindre, & pourvoir à l’extrème facilité de leur exécution.

Nous avons déjà prouvé la nécessité de la concurrence ; elle est l’ame de la liberté bien entendue.

Cette partie de l’administration est une des plus délicates : mais ses principes rentrent toûjours dans le plan qui procure à l’état une balance générale plus avantageuse qu’à ses voisins.

Nous nous sommes proposé d’examiner le Commerce comme l’occupation d’un citoyen. Nous n’en parlerons que relativement au corps politique.

Puisque le Commerce en est l’ame, l’occupation