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cou une racine de colchique en amulete, & aucun d’eux ne fut attaqué de la dyssenterie pestilentielle dont nous venons de parler. Cet auteur confirme l’efficacité de son remede par plusieurs observations qu’il rapporte, & entr’autres par l’histoire de deux medecins qui ayant été appellés à Hambourg pendant la peste qui y régnoit, partirent pour cette ville après s’être mis sous la protection de Dieu, & s’être munis de cet amulete. Ces deux medecins réussirent très-bien ; & la peste étant cessée, ils s’en retournerent l’un & l’autre en bonne santé. Enfin Wedelius, après avoir éprouvé pendant cinquante ans son remede, qu’il distribuoit sous le nom d’arcanum duplicatum catholicum, n’a pas hésité à le rendre public, comme étant un alexipharmaque contre la peste, les fievres ardentes, les fievres malignes, la petite vérole, la rougeole, le pourpre, la dyssenterie, &c.

Il faut observer que Wedelius ordonnoit, outre ce remede, une diete exacte ; qu’il recommandoit d’éviter tout ce qui est nuisible, & de garder la modération dans les six choses que l’on appelle non-naturelles ; ce que bien des gens regarderoient aujourd’hui comme une aussi bonne recette contre les maladies épidémiques, que l’arcanum duplicatum catholicum Wedelii. M. Geoffroy finit cet extrait par l’explication très-judicieuse que Quirinus Rivinus a donnée de l’opération de cet amulete, qu’il croit être fort propre à encourager le peuple, & à l’empêcher de craindre la contagion : car il y a long-tems que l’on a observé que dans les maladies épidémiques, un des plus souverains alexipharmaques étoit le courage ou l’insensibilité. (b)

COLDING, (Géog. mod.) petite ville de Danemark, dans le Nortjutland. Long. 27. lat. 55. 35.

COLDITZ, (Géog. mod.) petite ville d’Allemagne dans la haute Saxe, en Misnie, sur la Mulda.

COLERE, s. f. (Morale.) c’est, suivant la définition de Locke, cette inquiétude ou ce desordre de l’ame que nous ressentons après avoir reçu quelqu’injure, & qui est accompagné d’un desir pressant de nous venger : passion qui nous jette hors de nous-mêmes, & qui cherchant le moyen de repousser le mal qui nous menace, ou qui nous a déjà atteints, nous aveugle, & nous fait courir à la vengeance : maîtresse impérieuse & ingrate, qui récompense mal le service qu’on lui a rendu, & qui vend chérement les pernicieux conseils qu’elle donne.

Je parle ici de la colere couverte, durable, jointe à la haine : celle qui est ouverte, ingénue, semblable à un feu de paille, sans mauvaise intention, est un simple effet de la pétulance du tempérament, qui peut quelquefois être louable, ou du moins qui ne seroit repréhensible que par l’indiscrétion ou le tort qui en résulteroit. Mais cette vivacité est bien différente d’une violence qui surmonte toute affection, nous enlace & nous entrave, pour me servir d’un terme expressif de Fauconnerie. Telle étoit la colere de Coriolan, quand il vint se rendre à Tullus pour se venger de Rome, & acheter les effets de son ressentiment aux dépens même de sa vie.

Les causes qui produisent ce desordre, sont une humeur atrabilaire, une foiblesse, mollesse, & maladie d’esprit, une fausse délicatesse, une sensibilité blâmable, l’amour-propre, l’amour des petites choses, une vaine curiosité, la legereté à croire, le chagrin d’être meprisé & injurié ; d’où vient que la colere de la femme est si vive & si pléniere : elle naît aussi dans le refus de la violence du desir.

Cette passion a souvent des effets lamentables, suivant la remarque de Charron : elle nous pousse à l’injustice ; elle nous jette dans de grands maux par son inconsidération ; elle nous fait dire & faire des choses messéantes, honteuses, indignes, quelquefois

funestes & irréparables, dont s’ensuivent de cruels remords : l’histoire ancienne & moderne n’en fournissent que trop d’exemples. Horace a bien raison de dire :

Qui non moderabitur iræ, &c.
Epist. ij. lib. I. ver. 60-66.

Les remedes, dit Charron, dont je vais emprunter le langage, sont plusieurs & divers, desquels l’esprit doit être avant la main armé & bien muni, comme ceux qui craignent d’être assiégés ; car après n’est pas tems. Ils se peuvent réduire à trois chefs : le premier est de couper chemin à la colere, & lui fermer toutes les avenues ; il faut donc se délivrer de toutes les causes & occasions de colere ci-devant énoncées : le second chef est de ceux qu’il faut employer lorsque les occasions de colere se présentent, qui sont 1°. arrêter & tenir son corps en paix & en repos, sans mouvement & agitation ; 2°. dilation à croire & prendre résolution, donner loisir au jugement de considérer ; 3°. se craindre soi-même, recourir à de vrais amis, & mûrir nos coleres entre leurs discours ; 4°. y faire diversion par tout ce qui peut calmer, adoucir, égayer : le troisieme chef est aux belles considérations dont il faut abreuver & nourrir notre esprit de longue main, des actions funestes & mouvemens qui résultent de la colere ; des avantages de la modération ; de l’estime que nous devons porter à la sagesse, laquelle se montre principalement à se retenir & se commander.

Il ne faut pas cependant considérer la colere comme une passion toûjours mauvaise de sa nature ; elle ne l’est pas, ni ne deshonore personne, pourvû que ses émotions soient proportionnées au sujet qu’on a de s’émouvoir. Par conséquent elle peut être légitime, quand elle n’est portée qu’à un certain point ; mais d’un autre côté elle n’est jamais nécessaire : on peut toûjours, & c’est même le plus sûr, soûtenir dans les occasions sa dignité & ses droits sans se courroucer. Si le desir de la vengeance, effet naturel de cette passion, s’y trouve joint ; alors comme cet effet est vicieux par lui-même, il lâche la colere, & l’empêche de demeurer dans de justes bornes. Donner à la vengeance émanée de la colere la correction de l’offense, seroit corriger le vice par lui-même : « La raison qui doit commander en nous, dit encore Charron, auteur admirable sur ce sujet, ne veut point de ces officiers-là, qui font de leur tête sans attendre son ordonnance : elle veut tout faire par compas ; & pour ce, la violence ne lui est pas propre ».

Ceux donc qui prétendent qu’un meurtre commis dans la colere ne doit pas proprement être mis au nombre des injustices punissables, n’ont pas une idée juste du droit naturel ; car il est certain que l’injustice ne consiste essentiellement qu’à violer les droits d’autrui. Il n’importe qu’on le fasse par un mouvement de colere, par avarice, par sensualité, par ambition, &c. qui sont les sources d’où proviennent ordinairement les plus grandes injustices : c’est le propre au contraire de la justice de résister à toutes les tentations, par le seul motif de ne faire aucune breche aux lois de la société humaine. Il est pourtant vrai que les actions auxquelles on est porté par la colere, sont moins odieuses que celles qui naissent du desir des plaisirs, lequel n’est pas si brusque, & qui peut trouver plus facilement dequoi se satisfaire ailleurs sans injustice ; sur quoi Aristote remarque très-bien que la colere est plus naturelle que le desir des choses qui vont dans l’excès, & qui ne sont pas nécessaires.

Mais lorsque ce philosophe prétend que cette passion sert par fois d’armes à la vertu & à la vaillance, il se trompe beaucoup : quant à la vertu, cela