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de la Mec. L’angle que forment en D la face AG du coin & celle qui lui est opposée, s’appelle la pointe ou le tranchant du coin : le plan C s’appelle la base ou la tête, & la hauteur, qu’on appelle aussi axe du coin, est la distance de l’angle D au plan C ; BD est la longueur.

Les anciens auteurs sont partagés sur le principe de la force du coin. Aristote le regarde comme deux leviers de la premiere espece, inclinés l’un à l’autre & agissant dans des directions opposées.

Guido-Ubaldus, Mersenne, &c. veulent que ce soit un levier de la seconde espece : mais d’autres prétendent que le coin ne sauroit en aucune maniere se réduire au levier : d’autres rapportent l’action du coin au plan incliné, & il y a des auteurs qui n’attribuent presqu’aucune force au coin, & croient qu’il n’agit guere que proportionnellement à la force appliquée sur le maillet qui le pousse. On verra par les propositions suivantes, que ces derniers auteurs se trompent ; & à l’égard de l’analogie prétendue du coin avec le plan incliné, ou le levier, ou la vis, &c. cette analogie n’est capable que d’induire en erreur sur ses propriétés ; & la meilleure maniere d’en déterminer les effets, est de les examiner d’une maniere directe sans rapporter le coin à aucune des autres machines simples.

La théorie du coin est contenue dans cette proposition : « la puissance appliquée au coin dans la direction CD (Planche de la Méchanique, fig. 53.) perpendiculaire à AB, doit être à la résistance dans la raison de AB à BD afin qu’il y ait équilibre : ou bien encore ; si la force appliquée sur la tête du coin est à la résistance à surmonter comme l’épaisseur du coin est à sa longueur, la force sera égale à la résistance & la vaincra pour peu qu’on l’augmente ». Cela est très-aisé à prouver par le raisonnement suivant ; imaginons la force suivant CD décomposée en deux autres perpendiculaires aux côtés DA, DB du coin, & qui doivent être égalés à la résistance du bois, puisque c’est par ces deux forces que la puissance qui agit suivant CD tend à écarter les côtés du bois. Or formant un parallelogramme sur ces trois forces, on verra qu’il est divisé par la ligne CD en deux triangles isoceles semblables à BAD ; d’où il s’ensuit que la diagonale de ce parallelogramme qui représente la force suivant CD, sera au côté du même parallelogramme qui représente la force perpendiculaire à BD ou la résistance comme AB est à BD.

Donc la force sera plus petite ou plus grande, ou égale à la résistance, selon que AB sera plus petite ou égale, ou plus grande que AB.

Au reste nous supposons ici que les côtés BD, AD du coin s’appliquent exactement aux côtés de la fente ; s’ils ne s’y appliquoient pas, il faudroit décomposer la force suivant CD en deux autres perpendiculaires aux côtés de la fente, & le rapport de la diagonale aux côtés indiqueroit le rapport de la force suivant CD à la résistance, Voyez la Méchanique de Varignon.

On rapporte au coin tous les instrumens à pointe & à tranchant, comme couteaux, haches, épées, poinçons, &c. En effet, tous ces instrumens ont au moins deux surfaces inclinées l’une à l’autre, & qui forment toûjours un angle plus ou moins aigu entr’elles. De plus, comme c’est l’angle qui est la partie essentielle du coin, il n’est pas nécessaire qu’il soit formé par le concours de deux plans seuls. Les clous qui ont quatre faces qui aboutissent à une même pointe, les épingles, les aiguilles, dont la surface peut être regardée comme un assemblage de plans infiniment petits qui se réunissent à un angle commun, font aussi l’office de coins & doivent être considérés comme tels. Enfin, parmi ces sortes d’in-

strumens qui agissent comme des coins, il y en a

aussi qui agissent comme des leviers. Tels sont les couteaux, qui sont à la fois des coins & des leviers de la premiere espece, dont le point d’appui est entre la résistance & la puissance. Noll. lect. phys. (O)

Coin (le), la tête de porc ou l’embolon ; c’étoit selon M. le chevalier de Folard une certaine disposition de troupes, dont les anciens se servoient dans les armées. Quelques auteurs prétendent que l’embolon étoit un arrangement différent du coin, cuneus, ou de la tête de porc, caput porcinum : mais M. de Folard, comme le dit un journaliste, démontre que personne de ceux qui ont parlé de l’embolon, du cuneus & de la tête de porc, n’a su ce que c’étoit ; & il fait voir assez probablement que ces diverses ordonnances dont on a dit tant de merveilles, n’étoient autres que la colonne. Biblioth. raison, tom. IV. Voyez Colonne.

Vegece définit le coin une certaine disposition de soldats qui se terminoit en pointe par le front, & qui s’élargissoit à la base ou à la queue. Son usage étoit, dit cet auteur, de rompre la ligne des ennemis, en faisant qu’un grand nombre d’hommes lançassent leurs traits vers un même endroit. Il dit aussi que les soldats appelloient cette disposition de troupes tête de porc, caput porcinum. Suivant cette définition le coin n’étoit qu’un triangle, mais M. de Folard prétend qu’il n’en avoit pas la figure, & qu’on donnoit ce nom à un corps de troupes de beaucoup de profondeur & de peu de front, c’est-à-dire à des troupes rangées en colonne. Il prouve aussi que chez les anciens le terme de cuneus ne signifie pas toûjours une figure triangulaire, mais une cohorte, cohors. V. Cohorte.

« Tacite, Mœurs des Germ. dit que les Allemands s’arrangent en forme de coin : mais on voit bien que par ce terme (dit M. de Folard) il entend une cohorte, parce qu’il l’oppose à turma, c’est-à-dire à l’escadron. J’ai remarqué, continue le commentateur de Polybe, que les Grecs qui ont écrit des guerres des Romains, se sont servis du terme d’embolon lorsque les Latins ont employé celui de cohors dans le détail des mêmes opérations. Tite Live, qui a copié Polybe presque par-tout, a pris souvent l’embolon pour un triangle, lorsque par ce mot l’historien Grec entendoit une cohorte ».

Elien, dans son livre de la discipline militaire des Grecs, prétend, ainsi que Vegece, que le coin étoit un triangle ; M. de Folard infirme son témoignage de cette maniere : « Si Frontin, dit cet auteur, qui étoit un savant homme de guerre, me disoit que le coin étoit un triangle, je le croirois plûtôt qu’Elien, Vegece & tant d’autres. Il ne faut pas douter que le terme de cuneus n’ait trompé ces auteurs. Elien ne dit-il pas qu’Epaminondas avoit combattu en ordre triangulaire à Leuctres ; ce qui est manifestement faux. Je parierois qu’Elien n’avoit jamais servi ; & s’il étoit vrai qu’il eût fait la guerre, il en raisonnoit très-mal.

« Je ne laisserai pas, dit M. de Folard, la tête de porc, que je ne la voie coupée & séparée de son corps. Ammien Marcellin, qui est bien de ce tems-là, & qui en parle, me fournira le couteau. Bien loin de dire que ce fût un triangle, il fait voir au contraire que c’est un corps sur beaucoup de hauteur & peu de front. Dans la guerre de l’empereur Constantius contre les Limigantes, qui étoient une race d’anciens esclaves, qui avoient chassé leurs maîtres (les Sarmates) de leur pays ; ces esclaves ayant été attaqués & enveloppés par l’armée Romaine, se serrerent en un gros bataillon, s’ouvrirent un passage à travers les légions, & pénétrerent jusqu’à l’endroit où étoit l’empereur, tant le choc de cette masse d’infanterie, unie & serrée,