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Il s’ensuit donc que les muscles ordinaires n’ont d’autre mouvement de restitution, que celui qu’ils reçoivent de l’action de leurs antagonistes, par lesquels ils sont balancés. Les sphincters, par exemple, de l’anus, de la vessie, &c. qui n’ont point d’antagonistes propres, sont toûjours dans un état de contraction, & ne laissent rien passer, à moins qu’il n’y soient forcés par l’action contraire de quelques muscles plus forts, qui font toutes les fonctions d’antagonistes, sans en porter le nom, toutes les fois que cela est nécessaire. Voyez Anus, Vessie, &c.

Nous avons donc ici une cause adéquate de la contraction du cœur, savoir la force motrice naturelle des fibres musculaires, qui tendent d’elles-mêmes à se contracter. V. Musculaires & Fibres.

Il est vrai cependant que, quoique les fibres musculaires du cœur mûes par les nerfs, soient l’instrument immédiat de sa contraction ou systole, comme l’a fait voir Lower, il ne laisse pas d’y avoir une autre cause qui n’y contribue pas peu, & que Lower n’a pas connue, savoir les muscles intercostaux & le diaphragme, qui aident & facilitent cette contraction, en ouvrant un passage au sang dans les poumons, lequel lui étant refusé, deviendroit un obstacle invincible. Ajoûtez à cela que l’artere & la veine pulmonaire, se répandant dans toutes les divisions & soûdivisions des branches des poumons, & y étant, pour ainsi dire, co-étendues, souffrent les mêmes altérations dans leurs dimensions superficielles que les bronches dans l’élévation & la dépression des côtes. Dans le tems donc que les côtes sont dans un état de dépression, soit avant ou après leur communication avec l’air extérieur, les cartilages annulaires des bronches se raccourcissent & rentrent les uns dans les autres, & par ce moyen leurs dimensions se trouvent extrèmement contractées : l’artere & la veine pulmonaire se contractent de même par le moyen de leurs tuniques musculaires, ou se plissent & se rident, ce qui paroît moins probable. D’un autre côté, lorsque les côtes s’élevent & que le diaphragme s’affaisse, l’air s’introduit dans les poumons, pousse les anneaux cartilagineux, & écarte les bronches de la trachée-artere ; augmente par leur moyen les différentes divisions de l’artere & de la veine pulmonaire, & augmente par-là leurs cavités. C’est ainsi que leur action alternative continue & se communique au cœur, d’où elles sortent.

Par ce moyen le sang passe du ventricule droit du cœur dans le gauche par les poumons, ce qu’il ne pourroit faire autrement ; l’opposition que le sang contenu dans le ventricule eût nécessairement fait à sa contraction, cesse, & la systole devient par-là plus facile. Voyez Systole.

Quant à la diastole ou dilatation du cœur, M. Lower se contente de l’attribuer au mouvement que font les fibres pour se remettre dans l’état où elles étoient avant leur contraction. Voici ses propres termes : « Puisque tout le mouvement du cœur ne consiste que dans sa contraction, & que toutes ses fibres ne tendent qu’à lui imprimer ce mouvement, il s’ensuit que tout le mouvement de cette partie consiste dans la systole : mais comme les fibres se raccourcissent au-delà de leur ton dans chaque contraction, il faut de toute nécessité qu’après que l’effort a cessé, le cœur se relâche de nouveau par un mouvement naturel de restitution, & qu’il se dilate pour recevoir le sang qui y est apporté par les veines. La diastole ne se fait donc par aucune nouvelle action du cœur ; elle n’est que la suite de la cessation de sa premiere tension & de l’affluence du sang dans ses cavités ».

S’il est vrai, comme Lower le prétend, que la contraction soit la seule action de ces fibres, comment se peut-il faire que leur distension, qu’on ap-

pelle communément, quoique mal-à-propos, leur relâchement, soit un mouvement de restitution ? car la nature & la disposition de ces fibres prouve clairement que le cœur est fait en forme de cone, & qu’il est dans un état violent pendant sa dilatation. Il s’ensuit donc que la contraction est le vrai mouvement de restitution, & le seul état dans lequel il retourne de lui-même, lorsque l’action a cessé ; desorte que nous sommes toûjours obligés de chercher la véritable cause de la diastole, qui paroît le phénomene le plus difficile qu’on remarque dans le cœur.

M. Cowper, dans l’introduction à son anatomie, augmente la part que M. Lower donne au sang dans cette action, & le regarde comme le principal instrument de la dilatation du cœur ; M. Drake son sectateur ne s’accorde cependant pas avec lui sur la maniere & la cause de cette dilatation.

« Le cœur de l’animal, dit M. Cowper, a beaucoup de rapport avec les pendules des automates artificiels, des horloges, & des montres portatives, en ce que son mouvement se fait comme celui des autres muscles, par le moyen du sang qui fait l’office d’un poids ». Supposé que cet auteur ait voulu dire que le sang en retournant dans les oreillettes & & les ventricules du cœur, les oblige à se dilater en pesant sur eux, en agissant comme un contre-poids à sa contraction, entant que muscle, il est dommage qu’il n’ait pas donné une plus ample explication d’un phénomene aussi difficile & aussi important ; la pesanteur spécifique du sang ne paroît pas une cause adéquate de l’effet qu’on suppose qu’il produit dans cette occasion. Car, supposé que le sang n’agisse ici que comme un poids par une simple gravitation, il ne peut employer dans cette action, en descendant de la partie supérieure du cœur, qu’une force équivalente à cinq livres au plus, quoiqu’il ait à surmonter, suivant la supputation de Borelli, une résistance de 135000 livres. Quelle que soit la force qui dilate le cœur, & la cause de sa diastole, elle doit être égale à celle du cœur, des muscles intercostaux & du diaphragme, contre laquelle il agit comme un antagoniste.

Il est peut-être difficile & même impossible de trouver une telle puissance dans la machine du corps animal ; & cependant, sans le secours d’un pareil antagoniste, il est impossible que la circulation du sang puisse continuer. Tous les ressorts qu’on a découverts jusqu’aujourd’hui dans le corps humain concourent à la contraction du cœur, qui est un état de repos auquel il tend naturellement ; cependant nous les trouvons alternativement dans un état de violence ou de dilatation ; & c’est cependant de cette alternative que dépend la vie de l’animal.

Il est donc nécessaire de trouver quelque cause extérieure capable de produire ce phénomene, soit dans la qualité de l’air ou dans la pression de l’atmosphere, puisque nous n’avons point de commerce constant & immédiat avec d’autres milieux.

Quelques physiciens ayant observé que nous ne pouvons subsister, dès que la communication que nous avons avec l’air extérieur est interrompue, ont imaginé qu’il se mêle pendant l’inspiration certaines parties de l’air extrèmement pures avec le sang qui est dans les poumons, lesquelles passent avec lui dans le cœur, où elles entretiennent une espece de flamme vitale, qui est la cause du mouvement réciproque de cette partie.

D’autres ont nié l’existence de cette flamme actuelle, & prétendu que les parties les plus subtiles de l’air venant à se mêler avec le sang dans les ventricules du cœur, produisent une effervescence qui l’oblige à se dilater.

Mais on a rejetté tous ces différens sentimens, & l’on est encore aujourd’hui dans le doute s’il se mê-