Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/590

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

texte d’en prendre l’esprit ou de motifs d’équité ; mais il veut qu’ils puissent l’appliquer & l’étendre à tous les cas semblables qui n’auroient pas été prévûs.

Quand quelque point de droit paroîtra douteux aux juges & avoir besoin d’éclaircissement, il leur est ordonné de s’adresser au département des affaires de la justice, pour donner les éclaircissemens & les supplémens nécessaires ; & il est dit que ces décisions seront imprimées tous les ans : mais les parties ne pourront s’adresser directement au prince pour demander l’interprétation d’une loi ; la requête sera renvoyée au juge, avec un rescrit pour l’administration de la justice.

Il est défendu aux tribunaux de faire aucune attention aux rescrits qui seront manifestement contraires à la teneur de ce corps de droit, lesquels n’auront pas force de loi ; car le roi déclare qu’en les donnant, son intention sera toûjours de les rendre conformes à son code.

Quant aux ordres émanés du cabinet du roi, si les tribunaux les croyent contraires au code, ils feront leurs représentations & demanderont de nouveaux ordres, lesquels seront exécutés.

Il est aussi défendu de faire des commentaires ou dissertations sur tout le corps de droit, ou sur quelqu’une de ses parties.

Le code Frederic ne pourra servir pour la décision des cas arrivés avant sa publication, si ce n’est qu’il puisse éclaircir quelque loi douteuse.

Comme les sujets du roi de Prusse qui font profession de la religion Catholique, doivent en vertu de la paix de Westphalie être jugés selon leurs principes en matiere de foi, le roi conserve au droit canon force de loi, en tant qu’il est nécessaire pour cet effet ; mais il l’abroge dans toutes les affaires civiles, & n’en excepte que ce qui concerne les offices & dignités dans les chapitres ; comme aussi les droits qui en dépendent, & ce qui regarde les dixmes : le tout sera décidé suivant le droit canon, même entre les sujets du roi qui sont Protestans.

Les causes féodales seront jugées selon le droit féodal, jusqu’à ce que le roi ait fait composer & publier un droit féodal particulier.

Les constitutions particulieres qui seront données pour décider les cas non prévûs dans le code, auront force de loi deux mois après leur publication.

A l’égard des statuts ou priviléges particuliers des provinces, villes, communautés, ou de quelques particuliers, ceux qui voudront les conserver, les rapporteront dans l’espace d’une année, le roi se réservant de les approuver suivant l’exigence des cas, & de faire imprimer & joindre à son code un appendice qui contiendra les droits particuliers de chaque province.

Il invite néanmoins les provinces à concourir de leur part à rendre le droit uniforme, & à se soûmettre sur-tout à l’ordre de succession établi dans son code, & à renoncer pour l’avenir à la communauté de biens, qu’il regarde comme une source de procès.

Outre les lois dont il vient d’être fait mention, il est dit qu’une coûtume raisonnable & bien établie par un usage constant, aura force de loi, pourvû qu’elle ne soit pas contraire à la constitution de l’état ou au code Frederic.

Enfin le roi déclare que dans les procès où il sera intéressé, s’il y a du doute, il aime mieux souffrir quelque perte que de fatiguer ses sujets par des procès onéreux.

Les autres titres de ce même livre traitent de l’état des personnes, qui sont d’abord distinguées en mâles, femelles, & hermaphrodites ; les personnes de cette derniere espece dans lesquelles aucun des deux sexes ne prévaut, peuvent choisir celui que bon leur semble : mais leur choix étant fait, elles ne

peuvent varier. Ainsi un hermaphrodite qui a épousé un homme, ne peut plus épouser une femme.

On voit dans le titre cinq, qu’il n’y a point d’esclaves, proprement dits, dans les états du roi de Prusse, mais seulement dans quelques provinces, des serfs attachés à certaines terres, à-peu-près comme nous en avons en France.

Le titre six concerne l’état de citoyen ; mais l’éditeur avertit à la fin de sa préface, que cette matiere n’a pû pour cette fois être traitée avec l’étendue requise, parce qu’on travaille actuellement à un réglement qui doit déterminer jusqu’où les affaires des villes appartiendront à la connoissance du département de la justice ; & il annonce que cet état sera réglé plus amplement, lorsqu’on fera la révision de ce nouveau code.

Entre les devoirs réciproques du mari & de la femme, il est dit que si la femme est en la puissance de son mari, que si elle s’oublie, il peut la ramener à son devoir d’une maniere raisonnable ; qu’elle ne doit point abandonner son mari ; que le mari ne peut pas non plus se séparer d’elle sans des raisons importantes ; & qu’il ne peut sans commettre adultere, avoir commerce avec une autre.

Les bâtards simples peuvent être légitimés par mariage subséquent, ou par lettres du prince seulement : le droit d’accorder de telles lettres est ôté aux comtes appellés palatins.

Les adoptions sont admises par ce nouveau code, à-peu-près comme elles avoient lieu chez les Romains.

On y regle aussi les effets de la puissance paternelle. Il est permis au pere de châtier ses enfans modérément, même de les enfermer dans sa maison ; mais non pas de les battre jusqu’à les faire tomber malades, ni de les faire enfermer dans une maison de correction, sans que la justice en ait pris connoissance.

Par rapport aux mariages, ils doivent être précédés de trois annonces ou bancs pendant trois dimanches consécutifs. Le roi seul pourra dispenser des trois annonces, ou même de deux : mais les consistoires pourront dispenser d’une ; & le roi confirme l’usage observé à l’égard des annonces des nobles, de les faire publier sans qu’ils y soient nommés. On ne conçoit pas quelle publicité cela peut donner à leurs mariages.

Entre les causes pour lesquelles un mariage legitime peut être dissous, il est permis aux conjoints de le faire d’un mutuel consentement, après néanmoins qu’on aura essayé pendant un an de les réunir.

Un des conjoints peut demander la dissolution du mariage, pour cause d’adultere commis par l’autre conjoint.

Il suffit même au mari que sa femme ait un commerce suspect avec des hommes, comme si elle leur écrit des billets doux, &c. Ces galanteries ne sont pas punies par-tout si séverement.

Le mariage est encore dissous, lorsqu’un des époux abandonne l’autre malicieusement, ou lorsque l’un des deux conçoit contre l’autre une inimitié irréconciliable, ou contracte le mal vénérien, &c. ou lorsqu’il devient furieux ou imbécille, & demeure en cet état.

L’article 3. du titre iij. livre II. distingue deux sortes de concubinages : le premier, qu’on appelle mariage à la morganatique ou de la main gauche, lequel n’est pas permis selon les lois ; le prince se reserve néanmoins la faculté de le permettre aux gens de qualité ou de condition éminente, lorsqu’ils ne veulent pas s’engager dans un second mariage, & que néanmoins ils n’ont pas le don de continence : l’autre sorte de concubinage, qui n’est point accom-