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avec vigueur, ni de fleurir à l’ordinaire. Ce bel arbrisseau qui croît promptement, qui résiste aux plus cruels hyvers, qui réussit dans tous les terreins, qui s’accommode des plus mauvaises expositions, qui se multiplie aisément, qui n’est jamais attaqué des insectes, est si traitable à tous égards, qu’il ne demande aucune culture : aussi n’y en a-t-il point de plus convenable pour garnir de grandes palissades, des portiques, des cabinets, des berceaux, & d’autres semblables décorations de jardins, dont il fera l’aspect le plus agréable pendant tout l’été.

La clématite à fleur pourprée, la clématite à fleur double pourprée, la clématite à fleur rouge, la clématite à fleur double incarnate : ces quatre dernieres especes de clématite sont encore de beaux arbrisseaux fleurissans, sur-tout les especes à fleur double, & mieux encore celles qui sont rouges & incarnates : mais elles sont fort rares, même en Angleterre. On peut leur appliquer ce qui a été dit au sujet de la clématite à fleur bleue double ; elles ont les mêmes bonnes qualités ; elles sont aussi aisées à élever, à conduire, & à cultiver : l’agrément qu’elles ont de plus par la vivacité des couleurs rouges & incarnates de leurs fleurs, devroit bien engager à les tirer d’Angleterre.

La clématite toûjours verte, ou la clématite d’Espagne : cet arbrisseau qui est originaire des pays chauds, se trouvant un peu délicat, il est sujet à être endommagé du froid dans les hyvers rigoureux ; ce qui doit engager à le placer aux meilleures expositions, qui ne l’empêchent pas souvent d’être gelé jusqu’aux racines. Mais malgré qu’on vante la beauté de son feuillage, qui est d’un verd tendre & brillant, & plus encore la rare qualité de produire au cœur de l’hyver ses fleurs qui sont faites en clochette & d’un verd jaunâtre, ce n’est tout au plus qu’un arbrisseau du ressort des curieux en collections, n’ayant pas assez de tenue ni d’apparence pour être admis dans les jardins d’ornement. On peut aisément le multiplier de branches couchées & de boutures, qui font de bonnes racines dans l’année.

On peut aussi multiplier de graine toutes les especes de clématite qui sont à fleurs simples ; mais comme elle est une année en terre sans lever, on ne se sert guere de ce moyen qu’au défaut <span class="coquille" title="des autres. Plantes vivaces.">des autres plantes vivaces.

La clématite à fleur bleue, la clématite à fleur blanche, la petite clématite d’Espagne : ces plantes périssent tous les hyvers jusqu’aux racines, repoussent chaque année de bonne heure au printems, & fleurissent en été. Les deux premieres s’élevent à trois ou quatre piés, & l’autre seulement à un pié & demi ; & c’est la seule circonstance qui la distingue de la seconde plante. On peut les élever de graine, ou en divisant leurs racines, qui donnent des fleurs l’année suivante : on ne manque pas de préférer ce dernier moyen comme le plus court & le plus simple, la graine ne levant ordinairement que la seconde année ; & il lui en faut encore deux autres, pour donner des fleurs. Du reste ces plantes sont très-robustes, viennent par-tout, & ne demandent aucune culture particuliere. (c)

Clematite, ou herbe aux gueux, (mat. Med.) la fleur, la semence, son écorce, & sa racine sont caustiques, & ne doivent pas être employées intérieurement ; mais elle est bonne à l’extérieur, pour ronger les chairs baveuses qui empêchent les plaies de se cicatriser. On l’appelle herbe aux gueux, parce que ces sortes de gens se servent du suc caustique de cette plante pour se déchirer les jambes & autres parties du corps, & inspirer par cette manœuvre la compassion de ceux qui les voyent dans cet état, qui n’est pas de longue durée ni bien fâcheux, car lorsqu’ils veulent faire passer ces marques, ils

n’ont besoin que de les étuver avec de l’eau commune.

CLÉMENCE, s. f. (Droit polit.) Favorin la définit, un acte par lequel le souverain se relâche à propos de la rigueur du Droit ; & Charron l’appelle une vertu qui fait incliner le prince à la douceur, à remettre, & relâcher la rigueur de la justice avec jugement & discrétion. Ces deux définitions renfermant les mêmes idées qu’on doit avoir de la clemence, sont également bonnes.

En effet, c’est une vertu du souverain qui l’engage à exempter entierement les coupables des peines, ou à les modérer, soit dans l’état de paix, soit dans l’état de guerre.

Dans ce dernier état, la clémence porte plus communément le nom de modération, & est une vertu fondée sur les lois de l’humanité, qui a entr’autres l’avantage d’être la plus propre à gagner les esprits. L’histoire nous en fournit quantité d’exemples, comme aussi d’actions contraires, qui ont eû des succès tout opposés.

Dans l’état de paix, la clémence consiste à exempter entierement de la peine, lorsque le bien de l’état peut le permettre, ce qui est même une des regles du Droit Romain ; ou à adoucir cette peine, s’il n’y a de très-fortes raisons au contraire, & c’est-là la seconde partie de la clémence.

Il n’est pas nécessaire de punir toûjours sans rémission les crimes d’ailleurs punissables ; il y a des cas où le souverain peut faire grace, & c’est dequoi il faut juger par le bien public, qui est le grand but des peines. Si donc il se trouve des circonstances où en faisant grace, on procure autant ou plus d’utilité qu’en punissant, le souverain doit nécessairement user de clémence. Si le crime est caché, s’il n’est connu que de très-peu de gens, s’il y a des inconvéniens à l’ébrüiter, il n’est pas toûjours nécessaire, quelquefois même il seroit dangereux de le publier, en le punissant par quelque peine. Solon n’avoit point fait de loi contre le parricide. L’utilité publique, qui est la mesure des peines, demande encore quelquefois que l’on fasse grace à cause des conjonctures, du grand nombre des coupables, des causes, des motifs qui les ont animés, des tems, des lieux, &c. car il ne faut pas exercer, au détriment de l’état, la justice qui est établie pour la conservation de la société.

S’il n’y a point de fortes & pressantes raisons au souverain de pouvoir faire grace, il doit alors pancher plûtôt à mitiger la peine (à moins que des raisons valables & justes ne s’y opposent entierement, comme quand il s’agit de crimes qui violent les droits de la nature & de la société humaine) parce que toute peine rigoureuse a quelque chose de contraire par elle-même, sinon à la justice, du moins à l’humanité. L’empereur Marc Antonin le pensoit ainsi, & y conformoit sa conduite.

La clémence est contraire à la cruauté, à la trop grande rigueur, non à la justice, de laquelle elle ne s’éloigne pas beaucoup, mais qu’elle adoucit, qu’elle tempere ; & la clémence est nécessaire à cause de l’infirmité humaine, & de la facilité de faillir, comme dit Charron.

Suivant les principes généraux qu’on vient d’établir, on peut voir quand le souverain doit punir, quand il doit mitiger la peine, & quand il doit pardonner. D’ailleurs, lorsque la clémence a des dangers, ces dangers sont très-visibles ; on la distingue aisément de cette foiblesse qui mene le prince au mépris, & à l’impuissance même de punir, comme le remarque l’illustre auteur de l’esprit des lois.

Voici ce qu’il ajoûte sur cette matiere dans cet ouvrage, liv. VI. ch. xxj.

« La clémence est la qualité distinctive des monar-