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moilon ou de blocage. En effet il y avoit une coupe de pierres propres pour ces sortes d’ouvrages, pour lesquels on ne les faisoit point quarrées ni uniformes : de sorte que cæmenta proprement étoient des pierres autres que ce qu’on appelle pierres de taille.

Le mortier, la soûdure, la glue, &c. sont des sortes de ciment. Voyez Mortier, Soudure, Glue, &c. Le bitume qui vient du Levant fut, dit-on, le ciment qu’on employa aux murs de Babylone. Voyez Bitume.

Un mêlange de quantités égales de verre en poudre, de sel marin, & de limaille de fer, mêlés & fermentés ensemble, fournit le meilleur ciment que l’on connoisse. M. Perrault assûre que du jus d’ail est un excellent ciment pour recoller des verres & de la porcelaine cassée.

En termes d’Architecture, on entend particulierement par ciment, une sorte de mortier liant, qu’on employe à unir ensemble des briques ou des pierres, pour faire quelque moulure, ou pour faire un bloc de briques, pour des cordons ou des chapiteaux, &c.

Il y en a de deux sortes : le chaud qui est le plus commun ; il est fait de résine, de cire, de brique broyée, & de chaux, bouillies ensemble. Il faut mettre au feu les briques qu’on veut cimenter, & les appliquer toutes rouges l’une contre l’autre avec du ciment entre deux.

On fait moins d’usage du ciment froid : il est composé de fromage, de lait, de chaux vive, & de blanc d’œuf.

Le ciment des Orfevres, des Graveurs, & des Metteurs-en-œuvre, est un composé de brique mise en poudre & bien tamisée, de résine, & de cire : ils s’en servent pour tenir en état les ouvrages qu’ils ont à graver, ou pour remplir ceux qu’ils veulent ciseler.

Le ciment des Chimistes[1] est une masse composée, ou une poudre mouillée dont ils se servent pour purifier l’or & en séparer les métaux impurs qui y sont mêlés. Voyez Or & Purification.

Ces sortes de cimens sont faits de sels & autres ingrédiens, qui par leur acrimonie rongent & séparent l’argent, le cuivre, ou les autres matieres d’avec l’or. Quelques auteurs distinguent deux sortes de ciment, le commun & le royal : le premier est fait de brique en poudre, de nitre, & de verd-de-gris ; le second, de sel gemme & de sel ammoniac, de chaque une part ; deux parties de sel commun, & quatre de bol, le tout mis en pâte avec de l’urine. Mais Lemort, Lefevre, & quelques autres, ont donné des recettes de bien d’autres compositions. Paracelse a fait un livre tout entier sur les différentes sortes de ciment. Chambers. (P)

CIMETIERE, s. m. terme d’Architecture ; l’on entend sous ce nom une grande place découverte assez généralement entourée de charniers (voyez Charniers), où l’on enterre les morts, & où l’on éleve quelques sépultures ornées de croix, obélisques, & autres monumens funéraires. (P)

Cimetiere, (Jurispr.) chez les Romains, tout endroit où l’on inhumoit un mort, devenoit un lieu religieux & hors du commerce. Voyez aux instit. de rerum divisione, & au digest. liv. 1. tit. viij. l. 6. §. 5. & liv. II. tit. vj. l. 6. §. fin.

Parmi nous, il ne suffit pas que quelqu’un ait été inhumé dans un endroit pour que ce lieu devienne religieux & hors du commerce, aucun particulier ne pouvant de son autorité privée imprimer ce caractere à un héritage, il faut que l’autorité du supérieur ecclésiastique intervienne, que le lieu ait été béni & consacré avec les solennités accoûtumées, & destiné pour la sépulture des fideles.

Autrefois les cimetieres étoient hors les villes &

sur les grands chemins : il étoit défendu d’enterrer dans les églises ; cela fut changé par la novelle 820 de l’empereur Léon, qui permit d’enterrer dans les villes & même dans les églises.

Les cimetieres tiennent ordinairement aux églises paroissiales : il y en a néanmoins qui sont séparés ; les uns & les autres sont hors du commerce.

Il arrive néanmoins quelquefois que l’on change un cimetiere de place, ou que l’on en retranche quelque portion pour l’élargissement d’un grand chemin ; auquel cas, avant de remettre l’ancien cimetiere dans le commerce, il faut que, du consentement du curé & de l’évêque diocésain, & par permission du juge royal, les ossemens soient exhumés & portés au nouveau cimetiere.

Un ancien cimetiere où personne n’auroit été inhumé depuis long-tems, pourroit être prescrit sans titre par une longue possession, parce qu’elle feroit présumer que le fonds a changé de nature.

Il est défendu aux seigneurs, aux curés, & à tous autres, de permettre des danses dans les cimetieres, d’y tenir des foires & marchés, & d’y commettre aucune indécence. Lorsqu’un cimetiere a été pollu par effusion de sang ou par quelque autre scandale, il faut le réconcilier. Les canons qui regardent cette cérémonie sont cités par Jean Thaurnas, dans son dictionnaire au mot cimetiere. Voyez le traité de mortuis cæmeterio restituendis, per Laurentium Delum Romanum ; l’hist. des empereurs de M. de Tillemont, tom. III. pag. 282. les mém. du clergé, édit. de 1716. tom. III. p. 1314. Bouvot, tom. II. verbo église, quest. 7. Francisc. Marc, tom. I. quest. 986. Auzanet sur Paris, tit. des servitudes, & en ses arréts, ch. ljx. Jovet, verbo sepulcre, n. 16. Ferret, tr. de l’abus, liv. IV. ch. viij. n. 17.

Les personnes de la religion prétendue réformée ont des cimetieres particuliers qui leur sont assignés par le juge royal. Voy. Filleau, décision 30. 33. 36. 39. 41. Bardet, tom. II. liv. II. ch. jv. (A)

CIMIER, s. m. (Art. Hérald.) la partie la plus élevée dans les ornemens de l’écu, & qui est au-dessus du casque à sa cime.

Le cimier est l’ornement du timbre, comme le timbre est celui de l’écu. L’usage en est de l’antiquité la plus reculée, & l’on sait d’ailleurs que les cimiers ont servi de fondement à plusieurs fables de la Mythologie. Geryon passa pour avoir trois têtes, parce qu’il portoit un triple cimier, dit Suidas. Hérodote en attribue l’invention aux Cariens. Diodore de Sicile, parlant des Egyptiens, dit que leur roi portoit pour cimier des têtes de lion, de taureau, ou de dragon. Plutarque a décrit le cimier de Pyrrhus, dans l’éloge qu’il a fait de ce prince. Enfin Homere, Virgile, le Tasse, & l’Arioste, ont fait dans leurs poemes la description de plusieurs cimiers.

C’étoit autrefois en Europe une plus grande marque de noblesse que l’armoirie ; parce qu’on le portoit aux tournois, où on ne pouvoit être admis sans avoir fait preuve de noblesse. Le gentilhomme qui avoit assisté deux fois au tournois solennel, étoit suffisamment blasonné & publié, c’est-à-dire reconnu pour noble, & il portoit deux trompes en cimier sur son casque de tournois : de-là vient tant de cimiers à deux cornets, que plusieurs auteurs ont pris mal-à-propos pour des trompes d’éléphant.

Le cimier de plumes a été assez universellement reçu de tous les peuples. On ne s’en sert plus dans les armées, & nous n’avons vû que M. le marechal de Saxe qui en ait renouvellé l’usage dans la derniere guerre, mais seulement pour les dragons volontaires de son nom, qui portoient sur le sommet de leurs casques des aigrettes de crin de cheval, flottantes au gré des vents. Le cimier n’est aujourd’hui qu’un ornement de blason de quelques particuliers. Le lec-

  1. Voir errata, tome V, p. 1011 : Art. Ciment, retranchez les deux derniers alinéa, & renvoyez à Cément.