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Delrio entasse plusieurs raisons, pour prouver que l’Etat & l’Eglise ne doivent point tolérer ces diseurs de bonne aventure : mais la meilleure est que ce sont des vagabonds que l’oisiveté entraîne dans le crime, & dont la prétendue magie est le moindre défaut.

Le même auteur regarde encore comme une espece de chiromancie celle où l’on considere les taches blanches & noires qui se trouvent répandues sur les ongles, & d’où l’on prétend tirer des présages de santé ou de maladie ; ce qu’il ne desaprouve pas absolument. Mais il traite cette pratique de superstitieuse dès qu’on s’en sert pour connoitre les évenemens futurs qui dépendent de la détermination de la volonté. Disquisit. magic. lib. IV. ch. iij. quæst. 5. pag. 584. & suiv. (G)

CHIRONIEN, adj. terme de Chirurgie, épithete qu’on donne aux ulceres malins & invétérés, dont les bords sont durs, calleux, & gonflés, qui jettent une sanie claire, sans pourriture, sans inflammation & sans grande douleur, & qui se cicatrisent difficilement ; ou quand il y survient une cicatrice, elle est si mince, qu’elle se déchire facilement, & l’ulcere se renouvelle. Ces sortes d’ulceres attaquent principalement les piés & les jambes. On les appelle chironiens de Chiron ancien medecin chirurgien, qui est, à ce qu’on prétend, le premier qui les ait guéris, & qui s’en guérit lui-même. On les nomme aussi telephiens, de Telephe qui fut blessé par Achille, & dont la plaie dégénéra en ulcere de cette espece. (Y)

CHIRONOMIE, s. f. (Hist. anc.) mouvement du corps, mais sur-tout des mains, fort usité parmi les anciens comédiens, par lequel, sans le secours de la parole, ils désignoient aux spectateurs les êtres pensans, dieux ou hommes, soit qu’il fût question d’exciter le ris à leurs dépens, soit qu’il s’agît de les désigner en bonne part. C’étoit aussi un signe dont on usoit avec les enfans, pour les avertir de prendre une posture de corps convenable. C’étoit encore un des exercices de la gymnastique.

CHIROPONIES, s. f. (Myt.) fête des Rhodiens, pendant laquelle les enfans mandioient en chantant χελιδονιζοντες, comme s’ils eussent imité le chant des hirondelles.

CHIROTONIE, s. f. χειροτονία, (Théol.) impositions des mains qui se pratique en conférant les ordres sacrés.

L’origine de ce terme vient de ce que les anciens donnoient leur suffrage en étendant les mains ; ce qu’exprime le mot χειροτονία, composé de χειρ, main, & de τεινω, j’étens. C’est pourquoi chez les Grecs & les Romains, l’élection des magistrats s’appelloit χειροτονία ; comme il paroît par la premiere philippique de Demosthene, par les harangues d’Eschine contre Ctesiphon, & de Ciceron pour Flaccus : porrexerunt manus, dit ce dernier, & psephrima natum est.

Il est certain que dans les écrits des apôtres, ce terme ne signifie quelquefois qu’une simple élection, qui n’emporte aucun caractere, comme dans la seconde épître aux Corinthiens, ch. viij. ℣. 18. Mais quelquefois aussi elle signifie une consécration proprement dite, & différente d’une simple élection, lorsqu’il est parlé de l’ordination des prêtres, des évêques, &c. comme dans les actes, ch. xjv. ℣. 22. Cum constituissent illis per singulas ecclesias presbyteros (le Grec porte χειροτονήσαντες), & orassent cum jejunationibus.

Théodore de Beze a abusé de cette équivoque pour justifier la pratique des églises réformées, en traduisant ce passage par ces mots, cum per suffragia creassent presbyteros ; comme si les apôtres s’étoient contentés de choisir des prêtres en étendant la main

au milieu de la multitude, à peu-près comme les Athéniens & les Romains choisissoient leurs magistrats.

Mais les Théologiens catholiques, & entr’autres Fronton du Duc, M. de Marca, & les PP. Petau & Goar, ont observé que dans les auteurs ecclésiastiques χειροτονία signifie proprement une consécration particuliere qui imprime caractere, & non pas une simple députation à un ministre extérieur, faite par le simple suffrage du peuple, & révocable à sa volonté. (G)

CHIRURGIE, s. f. (Ord. encyclop. Entend. Rais. Philosoph. ou Science, Science de la nat. Physiq. Physique particul. Zoolog. Medec. Thérapeutiq. Chirurgie.) science qui apprend à connoître & à guérir les maladies extérieures du corps humain, & qui traite de toutes celles qui ont besoin pour leur guérison, de l’opération de la main, ou de l’application des topiques. C’est une partie constitutive de la Medecine. Le mot de Chirurgie vient du Grec χειρουργία, manualis operatio, opération manuelle, de χείρ, manus, main, & de εργον, opus, opération. Voyez .

Les maladies extérieures ou chirurgicales sont ordinairement rangées sous cinq classes, qui sont les tumeurs, les plaies, les ulceres, les fractures, & les luxations. Voyez les principes de Chirurgie de M. Col de Villars, & chacun de ces mots dans ce Dictionnaire.

« Selon M. Chambers, la Chirurgie a sur la Medecine interne l’avantage de la solidité dans les principes, de la certitude dans les opérations, & de la sensibilité dans ses effets ; de façon que ceux qui ne croyent la Medecine bonne à rien, regardent cependant la Chirurgie comme utile.

« La Chirurgie est fort ancienne, & même beaucoup plus que la Medecine, dont elle ne fait maintenant qu’une branche. C’étoit en effet la seule Medecine qu’on connût dans les premiers âges du monde, où l’on s’appliqua à guérir les maux extérieurs avant qu’on en vînt à examiner & à découvrir ce qui a rapport à la cure des maladies internes.

« On dit qu’Apis roi d’Egypte, fut l’inventeur de la Chirurgie. Esculape fit après lui un traité des plaies & des ulceres. Il eut pour successeurs les philosophes des siecles suivans, aux mains desquels la Chirurgie fut uniquement confiée. Pythagore, Empedocles, Parmenide, Démocrite, Chiron, Peon, Cléombrotus qui guérit l’œil d’Antiochus, &c. Pline rapporte, sur l’autorité de Cassius Hemina, que Arcagathus fut le premier chirurgien qui s’établit à Rome ; que les Romains furent d’abord fort satisfaits de ce vulnerarius, comme ils l’appelloient ; & qu’ils lui donnerent des marques extraordinaires de leur estime : mais qu’ils s’en dégoûterent ensuite, & qu’ils le nommerent alors du sobriquet de carnifex, à cause de la cruauté avec laquelle il coupoit les membres. Il y a même des auteurs qui prétendent qu’il fut lapidé dans le champ de Mars : mais s’il avoit eu ce malheureux sort, il seroit surprenant que Pline n’en eût point parlé. Voyez Pline, hist. nat. liv. II. ch. j.

« La Chirurgie fut cultivée avec plus de soin par Hippocrate, que par les medecins qui l’avoient précédé. On dit qu’elle fut perfectionnée en Egypte par Philoxene, qui en composa plusieurs volumes. Gerzias, Sostrates, Heron, les deux Appollonius, Ammonius d’alexandrie, & à Rome Triphon le pere, Evelpistus, & Meges, la firent fleurir chacun en leur tems.

« M. Wiseman, chirurgien-major du roi d’Angleterre Charles II. a composé un volume in-fol. qui contient des observations-pratiques de plusieurs