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mie ; une contrée de l’Inde, au-delà du Gange ; & un pays proche d’Erythris, en Asie, dans l’Ionie.

CHALCOPHONUS, (Hist. nat. Litolog.) pierre connue des anciens. Boece de Boot dit qu’ils désignoient par ce nom une pierre noire, qui quand on la frappoit rendoit le même son que l’airain, comme son nom semble l’indiquer. M. Anderson, dans son Histoire naturelle de Groenland, parle d’une pierre qu’on lui a dit avoir la même propriété, & qui étant frappée, rendoit un son semblable à celui d’une cloche. Cet auteur soupçonne que cela vient du cuivre & de l’argent qu’elles contiennent, parce que les pierres paroissent teintes de verd & de bleu en certains endroits. Mais en supposant le fait incontestable, cette conjecture n’en paroîtroit pas mieux fondée. On dit aussi qu’il se trouve une pierre de cette espece en Canada, à qui quelques gens pour cette raison ont donné le nom de pierre de cloche. (—)

CHALCOPYRITES, (Hist. nat. Minéral.) nom que quelques auteurs donnent à l’espece de pyrite où il se trouve des parties cuivreuses, pour la distinguer de la pyrite ferrugineuse, que l’on trouve nommée quelquefois syderopyrite, & de la pyrite blanche, qui est une pyrite purement arsénicale. Voyez l’article Pyrite. (—)

* CHALDÉE, s. f. (Géog. anc.) contrée d’Asie, dont l’étendue varie selon les tems & selon les écrivains qui en ont parlé. Il y a eu un tems où elle faisoit partie de l’Assyrie, & un autre où l’Assyrie n’étoit qu’une de ses contrées : Babylone en étoit la capitale ; ainsi la Chaldée & la Babylonie sont la même chose. Voyez l’article Chaldéens. Xénophon donne encore le nom de Chaldée à un pays situé dans les montagnes voisines de l’Arménie.

CHALDÉENS, (Philosophie des) Les Chaldéens sont les plus anciens peuples de l’Orient qui se soient appliqués à la philosophie. Le titre de premiers philosophes leur a été contesté par les Egyptiens. Cette nation, aussi jalouse de l’honneur des inventions, qu’entêtée de l’antiquité de son origine, se croyoit non-seulement la plus vieille de toutes les nations, mais se regardoit encore comme le berceau où les arts & les sciences avoient pris naissance. Ainsi les Chaldéens n’étoient, selon les Egyptiens, qu’une colonie venue d’Egypte ; & c’est d’eux qu’ils avoient appris tout ce qu’ils savoient. Comme la vanité nationale est toûjours un mauvais garant des faits qui n’ont d’autre appui qu’elle, cette supériorité que les Egyptiens s’arrogeoient en tout genre sur les autres nations, est encore aujourd’hui un problème parmi les savans.

Si les inondations du Nil, qui confondoient les bornes des champs, donnerent aux Egyptiens les premieres idées de la Géométrie, par la nécessité où elles mettoient chacun d’inventer des mesures exactes pour reconnoître son champ d’avec celui de son voisin ; on peut dire que le grand loisir dont joüissoient les anciens bergers de Chaldée, joint à l’air pur & serein qu’ils respiroient sous un ciel qui n’étoit jamais couvert de nuages, produisit les premieres observations qui ont été le fondement de l’Astronomie. D’ailleurs, comme la Chaldée a servi de séjour aux premiers hommes du monde nouveau, il est naturel de s’imaginer que l’empire de Babylone a précédé les commencemens de la monarchie d’Egypte, & que par conséquent la Chaldée, qui étoit un certain canton compris dans cet empire, & qui reçut son nom des Chaldéens, philosophes étrangers auxquels elle fut accordée pour y fixer leur demeure, est le premier pays qui ait été éclairé des lumieres de la philosophie. V. Astronomie.

Il n’est pas facile de donner une juste idée de la philosophie des Chaldéens. Les monumens, qui pourroient nous servir ici de mémoires pour cette

histoire, ne remontent pas, à beaucoup près, aussi haut que cette secte : encore ces mémoires nous viennent-ils des Grecs ; ce qui suffit pour leur faire perdre toute l’autorité qu’ils pourroient avolr. Car on sait que les Grecs avoient un tour d’esprit très différent de celui des Orientaux, & qu’ils défiguroient tout ce qu’ils touchoient & qui leur venoit des nations barbares ; car c’est ainsi qu’ils appelloient ceux qui n’étoient pas nés Grecs. Les dogmes des autres nations, en passant par leur imagination, y prenoient une teinture de leur maniere de penser ; & n’entroient jamais dans leurs écrits, sans avoir éprouvé une grande altération. Une autre raison, qui doit nous rendre soupçonneux sur les véritables sentimens des Chaldéens, c’est que, selon l’usage reçu dans tout l’Orient, ils renfermoient dans l’enceinte de leurs écoles, où même ils n’admettoient que des disciples privilégiés, les dogmes de leur secte, & qu’ils ne les produisoient en public que sous le voile des symboles & des allégories. Ainsi nous ne pouvons former que des conjectures sur ce que les Grecs & même les Arabes en ont fait parvenir jusqu’à nous. De-là aussi cette diversité d’opinions qui partagent les savans, qui ont tenté de percer l’enveloppe de ces ténebres mystérieuses. En prétendant les éclaircir, ils n’ont fait qu’épaissir davantage la nuit qui nous les cache : témoin cette secte de philosophes, qui s’éleva en Asie vers les tems où J. C. parut sur la terre. Pour donner plus de poids aux rêveries qu’enfantoit leur imagination déréglée, ils s’aviserent de les colorer d’un air de grande antiquité, & de les faire passer, sous le nom des Chaldéens & des Perses, pour les restes précieux de la doctrine de ces philosophes. Ils forgerent en conséquence grand nombre d’ouvrages sous le nom du fameux Zoroastre, regardé alors dans l’Asie comme le chef & le maître de tous les mages de la Perse & de la Chaldée.

Plusieurs savans, tant anciens que modernes, se sont exercés à découvrir quel pouvoit être ce Zoroastre si vanté dans tout l’Orient : mais après bien des veilles consumées dans ce travail ingrat, ils ont été forcés d’avoüer l’inutilité de leurs efforts. Voyez l’article de la Philosophie des Perses.

D’autres Philosophes, non moins ignorans dans les mysteres sacrés de l’ancienne doctrine des Chaldéens, voulurent partager avec les premiers l’honneur de composer une secte à part. Ils prirent donc le parti de faire naître Zoroastre en Egypte ; & ils ne furent pas moins hardis à lui supposer des ouvrages, dont ils se servirent pour les combattre plus commodément. Comme Pythagore & Platon étoient allés en Egypte pour s’instruire dans les Sciences, que cette nation avoit la réputation d’avoir extrèmement perfectionnées, ils imaginerent que les systèmes de ces deux philosophes Grecs n’étoient qu’un fidele extrait de la doctrine de Zoroastre. Cette hardiesse à supposer des livres, qui fait le caractere de ces deux sectes de philosophes, nous apprend jusqu’à quel point nous devons leur donner notre confiance.

Les Chaldéens étoient en grande considération parmi les Babyloniens. C’étoient les prêtres de la nation ; ils y remplissoient les mêmes fonctions que les mages chez les Perses, en instruisant le peuple de tout ce qui avoit rapport aux choses de la religion, comme les cérémonies & les sacrifices. Voilà pourquoi il est arrivé souvent aux historiens Grecs de les confondre les uns avec les autres ; en quoi ils ont marqué leur peu d’exactitude, ne distinguant pas, comme ils le devoient, l’état où se trouvoit la Philosophie chez les anciens Babyloniens, de celui où elle fut réduite, lorsque ces peuples passerent sous la domination des Perses.