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On commence par placer deux ressorts sous le devant de la chaise ; ils y sont fixés par des boulons qui traversent le brancard de chaise ; ces ressorts ont aussi 12, 13, 14 feuilles ; ils s’appellent ressorts de devant ; ils ont leurs boîtes. Nous pouvons remarquer ici, à propos de ces ressorts & des ressorts de derriere, qu’il y a d’autant plus de feuilles, que chaque feuille a été forgée mince, & qu’ils sont d’autant meilleurs & plus doux, tout étant égal d’ailleurs, qu’il y a plus de feuilles.

Ces boulons dont la queue est applatie sont arrêtés par plusieurs clous-à-vis sur la face extérieure des montans de devant, ensorte qu’ils soient bien affermis de ce côté ; l’autre extrémité en est terminée par une fourchette appellée menotte, qui contient un rouleau. Les courroies sans fin appellées soupentes, passent sur ce rouleau & sur la traverse de soupente.

A l’arriere de la chaise, depuis les extrémités des ressorts dont nous venons de parler, jusqu’à environ trois pieds au-delà de la chaise, sont des pieces de bois fortement arrêtées au-dessous du brancard de chaise par plusieurs boulons-à-vis & écrous. Ces pieces de bois qu’on nomme apremonts, sont aussi terminées par des menottes qui contiennent un rouleau un peu conique. C’est sous ces rouleaux que passent les courroies ou soupentes de derriere, qui vont s’accrocher aux extrémités supérieures des ressorts de derriere, que nous avons décrits ci-dessus ; elles s’y accrochent tout simplement par un trou qu’on a pratiqué sur la largeur de la soupente ; le crochet du ressort est reçû dans ce trou.

Il est à propos de remarquer que les soupentes sont de deux pieces réunies par une forte boucle vis-à-vis du panneau de derriere de la chaise, & qu’elles embrassent la planche des ressorts, afin que l’effort qu’ils font soit perpendiculaire à leur point d’appui ; c’est aussi par la même raison que la planche des ressorts est inclinée, ensorte que son plan soit perpendiculaire aux courroies.

Il est évident par cette disposition que la chaise est suspendue par les quatre coins : mais comme les points de suspension, loin d’être solides & immobiles, sont au contraire souples, lians, élastiques, & rendent la chaise capable d’un mouvement d’oscillation fort doux dans la direction de l’inflexion des ressorts, c’est-à-dire de haut en-bas & de bas en-haut, & en même tems d’un autre mouvement d’oscillation non moins doux, selon la longueur de la voiture, dans la direction des brancards, ou de l’avant à l’arriere & de l’arriere à l’avant, les chocs que les roües éprouvent sur les chemins sont amortis par défaut de résistance, & ne se font presque point sentir à celui qui est dans la chaise.

Mais comme le centre de gravité de toutes les parties de la chaise est au-dessus des bandes ou liens qui l’embrassent par-dessous, & qui la tiennent suspendue, il pourroit arriver par l’inégalité perpétuelle des cahos qui se font tant à droite qu’à gauche, qu’elle fût renversée de l’un ou de l’autre côté. C’est pour remédier à cet inconvénient, qu’on a placé de part & d’autre les deux courroies de guindage, 9, 14, fixées d’un bout sur les brancards vers le marche-pié, passant dans les cramailleres de la chaise, ou guides de fer placés sur les faces latérales des montans de derriere, à la hauteur de la ceinture, & se rendant de l’autre bout sur les rouleaux de la tête des consoles, d’où elles vont s’envelopper sur les axes ou rouleaux des crics 19, qu’on voit aux extrémités, en-dessus de la traverse de ferriere 18, & qui servent à bander ou à relâcher à discrétion ces courroies.

La chaise ainsi assûrée contre les renversemens, soit en-devant, soit en-arriere, soit à droite, soit à gauche, n’étoit pas encore à couvert d’un certain

balotage, dans lequel les faces extérieures des brancards du train auroient été frappées par les côtés du brancard de la chaise. On a remédié à cet inconvénient par le moyen d’une courroie de cuir attachée aux faces latérales intérieures des brancards de train 32, 32, & au milieu de la planche de malle, à laquelle on a mis pour cet effet deux rouleaux sur lesquels cette courroie va passer : cette corroie 32, 32, s’appelle courroie de ceinture.

La chaise ainsi construite, il ne reste plus pour en faire usage, que d’y atteler un ou plusieurs chevaux. Le cheval de brancard se place devant la chaise entre les brancards, comme le limonier entre les limons d’une charrette. Voyez Charrette. Les extrémités des brancards ou limons sont pour cet effet garnis de ferrures où l’on assujettit les harnois du cheval, 32, 32 : comme par exemple, d’un anneau de reculement, 34, 34 ; d’un crampon pour passer le dossier, 35, 35 ; d’un crochet, 37, 37, pour un troisieme cheval qu’on est quelquefois forcé de mettre à la chaise, soit pour la tirer des mauvais pas, soit pour l’empêcher d’y rester arrêtée. Mais il y a cette différence entre les traits du cheval de poste & du cheval de charrette, que pour les premiers, les traits de tirage r, s, t, q, sont attachés à un anneau pratiqué à un des boulons qui assujettissent l’échantignole au brancard le long de la face inférieure duquel les traits s’étendent, & vont saisir par une forte boucle r, le harnois du cheval vers le milieu, à-peu-près où correspond la cuisse ; au lieu que pour l’ordinaire les traits des limonniers sont attachés aux limons mêmes, & sont par conséquent beaucoup plus courts que ceux des chevaux de poste. Les traits de tirage r, s, t, q, sont tenus appliqués à la face inférieure du bras de brancard par des morceaux de cuir q, au nombre de deux ou trois, appellés de leurs fonctions trousse-traits.

Au côté gauche du cheval de brancard, on en attelle un autre qu’on nomme palonnier, parce qu’il est attelé à un palonnier 34, semblable à ceux des carrosses, avec cette différence qu’il est de deux pouces plus long du côté de la courroie qui l’embrasse, que de l’autre côté ; le côté long du palonnier, est en-dehors du brancard. Cet excès est occasionné par la facilité qu’il donne au cheval pour tirer. Le palonnier est, comme on voit dans la figure, fixé au brancard du côté du montoir par une courroie qui prend le palonnier à-peu-près dans le milieu, & passe dans une menotte 35 fixée à la face inférieure du brancard ; ou bien il y a deux courroies qui vont se rendre aux échantignoles de chaque côté de la voiture, où elles sont arrêtées de la même maniere que les traits du cheval de brancard. On doit préférer cette derniere construction, parce que le palonnier tire également sur les deux brancards.

Au derriere de la chaise, à la derniere des quatre traverses qu’on appelle la gueule de loup, il y a un marche-pié de cuir placé sur le côté de cette traverse ; il sert au domestique à monter derriere la chaise ; & les extrémités antérieures des bras des brancards sont garnis de côté d’un morceau de cuir rembourré de crin, & attachés avec des clous dorés. Cette espece de petit matelas s’appelle feuture de brancard, & sert à garantir la jambe du postillon d’un choc contre le bras du brancard dont il seroit blessé, si l’endroit de ce bras où il choqueroit étoit nud.

Cette chaise de poste, que nous venons de décrire, s’appelle chaise à ressorts en écrevisse, pour la distinguer d’une autre espece de chaise de poste appellée chaise à la Dalaine ; la chaise de poste à ressorts en écrevisse est la plus ordinaire : les ressorts appellés à la Dalaine, apparement du nom de leur inventeur, s’appliquent plus souvent aux carrosses qu’aux chaises de poste.