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longes ; quand il sera en situation, on aidera à l’accouplement en le dirigeant, & en détournant la queue de la jument : un crin qui s’opposeroit pourroit blesser l’étalon, & même dangereusement. Il arrive quelquefois que l’étalon ne consomme pas ; on le connoîtra si le tronçon de sa queue n’a pas pris un mouvement de balancier : ce mouvement accompagne toûjours l’émission de la liqueur séminale. S’il a consommé, il faudra le ramener tout de suite à l’écurie, & l’y laisser jusqu’au sur-lendemain. Un bon étalon peut couvrir une fois tous les jours pendant les trois mois que dure la monte ; mais il vaut mieux le ménager, & ne lui donner une jument qu’une fois tous les deux jours.

On lui présentera donc dans les sept premiers jours quatre jumens différentes. Le neuvieme jour on lui ramenera la premiere ; & ainsi des autres, tant qu’elles set ont en chaleur. Il y en a qui retiennent des la premiere, la seconde, ou la troisieme fois. On compte qu’un étalon ainsi conduit, peut couvrir quinze ou dix-huit jumens, & produire dix à douze poulains dans les trois mois de cet exercice. Dans ces animaux la quantité & l’émission de la liqueur séminale est très-grande. Il s’en fait aussi une émission ou stillation dans les jumens. Elles jettent au-dehors une liqueur gluante & blanchâtre qu’on appelle des chaleurs, & qui disparoît dès qu’elles sont pleines. C’est à cette liqueur que les Grecs donnoient le nom d’hippomane de la jument, & dont ils faisoient des filtres. Voyez Hippomane. On reconnoît encore la chaleur de la jument au gonflement de la partie inférieure de la vulve, aux hennissemens fréquens, & à l’ardeur avec laquelle elle cherche les chevaux.

Au lieu de conduire la jument à l’étalon, il y en a qui lâchent l’étalon dans le parquet, & l’y laissent choisir celles qui ont besoin de lui : cette maniere est bonne pour les jumens, mais elle ruine l’étalon.

Quand la jument a été couverte par l’étalon, on la remene au pâturage sans autre précaution ; peut-être retiendroit-elle mieux, si on lui jettoit de l’eau fraîche, comme c’est l’usage de quelques peuples. Il faut donner la premiere fois à une jument un gros étalon ; parce que sans cela, son premier poulain sera petit : il faut aussi avoir égard à la réciprocité des figures, corriger les défauts de l’étalon ou de la jument par le contraste, comme nous avons dit, & ne point faire d’accouplemens disproportionnés.

Quand les jumens sont pleines, & que le ventre commence à s’appesantir, il faut les séparer des autres qui pourroient les blesser ; elles portent ordinairement onze mois, & quelques jours ; elles accouchent debout, au contraire de presque tous les autres quadrupedes. On les aide en mettant le poulain en situation ; & quelquefois même, quand il est mort, on le tire avec des cordes. Le poulain se présente la tête la premiere, comme dans toutes les especes d’animaux ; il rompt ses enveloppes en sortant ; les eaux s’écoulent ; il tombe en même tems plusieurs morceaux solides qu’on appelle l’hippomane du poulain : la jument lêche le poulain, mais ne touche point à l’hippomane.

Quand on veut tirer de son haras tout le produit possible, on peut faire couvrir la jument neuf jours après qu’elle a pouliné ; cependant nourrissant son poulain né & son poulain à naître dans le même tems, ses forces seront partagées ; & il vaudroit mieux ne laisser couvrir les jumens que de deux années l’une.

Elles souffrent l’accouplement, quoique pleines ; mais il n’y a jamais de superfétation. Elles portent jusqu’à l’âge de quatorze ou quinze ans ; les plus vigoureuses sont fécondes jusqu’au-delà de dix-huit ; les chevaux jusqu’à vingt, & même au-delà. Ceux qui ont commencé de bonne heure, finissent plûtôt.

Des poulains. Des le tems du premier âge, on sépare les poulains de leurs meres : on les laisse teter cinq, six, ou tout au plus sept mois. Ceux qu’on ne sevre qu’à dix ou onze mois ne sont pas si bons, quoiqu’ils prennent plus de chair & de corps. Après les mois de lait, on leur donne du son deux fois par jour avec un peu de foin, dont on augmente la quantité à mesure qu’ils avancent en âge. On les tient dans l’écurie tant qu’on leur remarque de l’inquiétude pour leurs meres. Quand cette inquiétude est passée, & qu’il fait beau, on les conduit aux pâturages. Il ne faut pas les laisser paître à jeun ; il faut leur avoir donné le son, & les avoir abreuvés une heure avant que de les mettre à l’herbe, & ne les exposer ni à la pluie, ni au grand froid.

Ils passeront de cette maniere le premier hyver. Au mois de Mai suivant, on leur permettra tous les jours les pâturages ; on les y laissera coucher pendant l’été jusqu’à la fin d’Octobre, observant de les écarter des regains, de peur qu’ils ne s’accoûtument à cette herbe trop fine, & ne se dégoûtent du foin. Le foin sera leur nourriture principale pendant le second hyver, avec du son mêlé d’orge ou d’avoine moulus. On les dirigera de cette maniere, les laissant paître le jour pendant l’hyver, la nuit pendant l’été, jusqu’à l’âge de quatre an, qu’on les tirera du pâturage pour les nourrir à l’herbe seche. Ce changement de nourriture demande quelque précaution. On ne leur donnera pendant les huit premiers jours que de la paille ; d’autres y ajoûtent quelques breuvages contre les vers. Mais à tout âge & dans tous les tems, l’estomac de tous les chevaux est farci d’une si prodigieuse quantité de vers, qu’ils semblent faire partie de leur constitution. Ils sont dans les chevaux sains comme dans les chevaux malades ; dans ceux qui paîssent l’herbe comme dans ceux qui ne mangent que de l’avoine & du foin. Les ânes ont aussi cette prodigieuse quantité de vers, & n’en sont pas plus incommodés. Ainsi peut-être ne faut-il pas regarder ces vers comme une maladie accidentelle, comme une suite des mauvaises digestions, mais plûtôt comme un effet dépendant de la nourriture & de la digestion ordinaire de ces animaux.

C’est à deux ou trois ans, selon l’usage général, & dans certaines provinces, à un an ou dix-huit mois qu’on hongre les poulains. Pour cette opération, on leur lie les jambes ; on les renverse sur le dos ; on ouvre les bourses avec un bistouri ; on en tire les testicules ; on coupe les vaisseaux qui y aboutissent, & les ligamens qui les soûtiennent ; on referme la plaie ; on fait baigner le cheval deux fois par jour pendant quinze jours ; on l’étuve souvent avec de l’eau fraîche, & on le nourrit avec du son détrempé dans beaucoup d’eau : on ne hongre qu’au printems & en automne. On n’hongre point en Perse, en Arabie, & autres lieux du Levant. Cette opération ôte aux chevaux la force, le courage, la fierté, &c. mais leur donne de la douceur, de la tranquillité, de la docilité. L’hongre peut s’accoupler, mais non engendrer. Voyez l’article Chatrer.

Quand on a sevré les jeunes poulains, il faut les mettre dans une écurie qui ne soit pas trop chaude, de peur de les rendre trop sensibles aux impressions de l’air ; leur donner souvent de la litiere fraiche, les bouchonner de tems en tems, mais ne les attacher & panser à la main, qu’à l’âge de deux ans & demi ou trois ans ; un frottement trop rude les feroit dépérir. Il ne faut pas leur mettre le ratelier trop haut, de peur qu’ils n’en contractent l’habitude de tenir mal leur tête. On leur tondra la queue à un an ou dix-huit mois ; on les séparera à l’âge de deux ans ; on mettra les femelles avec les jumens, & les mâles avec les chevaux.

Dresser un cheval. C’est à l’âge de trois ans ou