Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le vingt-huitieme jour de la lune de chaque mois, on fait boire de fort grand matin un verre de vin blanc, dans lequel on a mis infuser un gros de la premiere écorce de la racine de chausse-trape cueillie vers la fin du mois de Septembre : c’est une petite peau fort fine, brune en-dehors, blanche en-dedans ; on la fait sécher à l’ombre, & mettre en poudre très-subtile : le jour que l’on a pris ce remede, on met sur le soir dans un demi-septier d’eau une poignée de pariétaire, un gros de bois de sassafras, autant d’anis, & pour un sou de canelle fine ; on fait bouillir le tout sur un feu clair pendant un demi-quart-d’heure ; l’on retire le vaisseau du feu, & on le met sur les cendres chaudes, l’ayant bien couvert avec du papier : le lendemain on le remet encore sur un feu clair, pour le faire bouillir derechef pendant un demi-quart-d’heure, après quoi on verse sur deux onces de sucre candi en poudre dans une écuelle l’infusion passée par un linge avec expression du marc : quand le sucre est fondu, on la fait boire au malade le plus chaudement que l’on peut, & on l’oblige de ne rien prendre de trois heures ; ce qu’il faut observer aussi après la prise du premier remede.

Camérarius dit qu’à Francfort on se sert de la racine de chausse-trape, au lieu de celle de chardon-roland. On l’employe dans la tisanne & dans les bouillons apéritifs : un gros de sa graine infusé dans un verre de vin blanc, emporte souvent les matieres glaireuses qui embarrassent les conduits de l’urine. Tournefort.

La racine de cette plante entre dans l’eau générale de la Pharmacopée de Paris.

La plante entiere entre dans les aposemes & bouillons diurétiques & apéritifs. La semence pilée & macérée pendant la nuit dans du vin à la dose d’un gros, & prise le matin à jeûn, pousse par les urines, & dégage les canaux urinaires embarrassés par un mucus visqueux : mais il faut user de ce remede avec précaution, de peur qu’il ne cause le pissement de sang. Geoffroy, mat. med.

Les fleurs de cette plante sont d’une amertume très-vive ; leur infusion est un excellent fébrifuge, elle a emporté quelques fievres intermittentes qui avoient résiste au quinquina.

Chausse-trape, (Fortific.) est un instrument à quatre pointes de fer disposées en triangle, dont trois portent toûjours à terre, & la quatrieme demeure en l’air. On seme les chausse-trapes sur une breche, ou dans les endroits où la cavalerie doit passer, pour les lui rendre difficiles. Voyez Pl. XIII. de Fortification. (Q)

* CHAUSSETTE, s. f. partie de l’habillement des jambes ; ce sont proprement des bas ou de toile, ou de fil, ou de coton, ou de fil & coton, qu’on met sous d’autres bas. Il y a des chaussettes sans pié, auxquelles on n’a reservé que comme un étrier qui embrasse le pié par-dessous, un peu au-delà du talon ; il y en a d’autres qui ont entierement la forme du bas ; ce sont les plus commodes & les plus propres ; les autres ouvertes par-derriere, font toûjours grimacer le bas qui les couvre. On porte des chaussettes pour la propreté & pour la commodité.

CHAUSSIN, (Géog.) petite ville de France en Bourgogne, enclavée dans la Franche-Comté.

* CHAUSSON, s. m. partie de l’habillement ; c’est proprement le pié d’un bas : on en tricote de laine, de fil, & de coton ; on en fait de toile ; les uns sont pour l’hyver, les autres pour l’été. On porte des chaussons en hyver pour la propreté & la commodité, en été pour la propreté : ils se mettent à nud sur le pié : il faut que ceux de toile qu’on coud soient cousus à longs points, & qu’il n’y ait ni ourlet ni rendouble ; ce qui formeroit des endroits inégaux d’é-

paisseur qui blesseroient le pié : les ouvriers appellent ces points, points noüés. Ce vêtement étoit à l’usage des dames Romaines ; mais il n’avoit pas la même forme que parmi nous ; c’étoit des bandes dont elles s’enveloppoient les piés ; ces bandes étoient appellées fascia pedales.

Nous donnons encore le nom de chausson aux souliers à dessus de bufle & semelle de chapeau, dont on se sert en joüant à la paume, en tirant des armes.

Chausson, en terme de Pâtisserie, c’est une espece de tourte de pommes.

* CHAUSSURE, s. f. (Hist. anc. & Œcon. domest.) c’est la partie de l’habillement qui couvre le pié. Les Grecs & les Romains en ont eu de cuir ; les Egyptiens de papirus ; les Espagnols, de genet tissu ; les Indiens, les Chinois, & d’autres peuples, de jonc, de soie, de lin, de bois, d’écorce d’arbre, de fer, d’airain, d’or, d’argent ; le luxe les a quelquefois couvertes de pierreries. Les formes & les noms des chaussures anciennes nous ont été conservés, les unes dans les antiques, les autres dans les auteurs : mais il est très-difficile d’appliquer à chaque forme son nom propre. Les Grecs appelloient en général la chaussure, upodemata pedila ; ils avoient les diabatres à l’usage des hommes & des femmes ; les sandales, qui n’étoient portées que par les femmes de qualité ; les lantia, dont on n’usoit que dans la maison ; les campodes, chaussure basse & legere ; les peribarides, qu’il n’étoit permis de porter qu’aux femmes nobles & libres ; les crepides, qu’on croit n’avoir été que la chaussure des soldats ; les abulcés, chaussure des pauvres ; les persiques, chaussure blanche à l’usage des courtisanes ; les laconiques ou amucledes, chaussure rouge particuliere aux Lacédémoniens ; les garbatines, souliers de paysans ; les embates, pour la comédie, les cothurnes, pour la tragédie ; les énemides, que les Latins nommoiont ocrea, & qui revenoient à nos bottines : toutes ces chaussures s’attachoient sur le pié avec des courroies, imantes. Chez les Lacédémoniens les jeunes gens ne portoient des chaussures qu’à l’âge ou ils prenoient les armes, soit pour la guerre, soit pour la chasse. Les Philosophes n’avoient que des semelles ; Pythagore avoit ordonné à ses disciples de les faire d’écorce d’arbre : on dit que celles d’Empedocle étoient de cuivre ; & qu’un certain Philetas de Cos étoit si maigre & si foible, qu’il en fit faire de plomb ; conte ridicule ; les souliers lourds ne sont guere qu’à l’usage des personnes vigoureuses.

La chaussure des Romains différoit peu de celle des Grecs ; celle des hommes étoit noire, celle des femmes blanche : il étoit deshonnête pour les hommes de la porter blanche ou rouge : il y en avoit qui alloient jusqu’à mi-jambe, & on les appelloit calcei uncinati ; elles étoient seulement à l’usage des personnes de qualité : on pouvoit les distribuer en deux sortes ; celles qui couvroient entierement le pié, comme le calceus, le mullæus, le pero, & le phæcasium ; celles dont la semelle simple ou double se fixoit sous le pié par des bandes ou courroies qui s’attachoient dessus, & qui laissoient une partie de dessus le pié découverte, comme le caliga, le solea, le crepida, le bacca, & le sandalium.

Le calceus & le mullæus ne différoient du pero, qu’en ce que ce dernier étoit fait de peaux de bêtes non tannées, & que les deux autres étoient de peaux préparées. La chaussure de cuir non préparé passe pour avoir été commune à toutes les conditions ; le mullæus qui étoit de cuir aluné & rouge, étoit une chaussure à lunule. Voyez Lunule. Dans les tems de simplicité il n’étoit guere porté que par les patriciens, les sénateurs, les édiles. On dit que cette chaussure avoit passé des rois d’Albe à ceux de Rome, & de ceux-ci aux principaux magistrats de la république,