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qu’elles sont en maturité ; ou au printenis, dès qu’on peut cultiver la terre. Ces deux saisons cependant ont chacune leur inconvénient : si on seme les chataignes en automne, qui seroit bien le tems le plus convenable, elles sont exposées à servir de nourriture aux rats, aux mulots, aux taupes, &c. qui en sont très-friands, & qui les détruisent presque entierement, sur-tout lorsqu’elles ont été semées en sillon, ce qui est néanmoins la meilleure pratique : ces animaux suivent toutes les traces de la terre fraîchement remuée, & n’y laissent rien de ce qui peut les nourrir ; c’est ce qui détermine souvent à ne semer les chataignes qu’au printems ; & dans ce cas il faut des précautions pour les conserver jusqu’à cette saison : si on n’en veut garder qu’une médiocre quantité, on les étend d’abord sur un grenier, où on les laisse pendant quinze jours suer & dissipper leur humidité superflue ; on les met ensuite entre des lits de sable alternativement dans des caisses ou mannequins, qu’il faut resserrer dans un lieu sec & à couvert des gelées, d’où on ne les retirera que pour les semer aussi-tôt que la saison le permettra, dans le mois de Février ou au commencement de Mars : en différant davantage, les germes des chataignes deviendroient trop longs, tortus, & seroient sujets à se rompre en les tirant des mannequins ou en les plantant. Mais si l’on veut en garder une quantité suffisante pour de grandes plantations, comme il seroit embarrassant en ce cas de les resserrer dans des mannequins, on pourra les faire passer l’hyver dans un conservatoire en plein air : on les étendra d’abord pour cet effet dans un grenier, comme nous l’avons déjà dit, à mesure qu’on les rassemblera, pendant trois semaines ou un mois : pour se débarrasser après cela de celles qui sont infécondes, bien des gens veulent qu’il faille les éprouver en les mettant dans un baquet d’eau, où toutes celles qui surnageront seront rejettables, quoiqu’il soit bien avéré par l’expérience qui en a été faite, que de celles-là même il en a réussi le plus grand nombre : on fera rapporter sur un terrein sec un lit de terre meuble de deux ou trois pouces d’épaisseur, & d’une étendue proportionnée à la quantité des semences ; on y mettra ensuite un lit de chataignes de même épaisseur, & ainsi alternativement un lit de terre & un lit de chataignes, sur lesquelles il doit y avoir enfin une épaisseur de terre de six pouces au moins, pour empêcher la gelée, dont on se garantira encore plus sûrement en répandant de la grande paille par dessus.

Plantations en grand. Sur la façon de faire ces plantations, nous rapporterons ce que Miller en a écrit. « Après avoir fait, dit-il, deux ou trois labours à la charrue pour détruire les mauvaises herbes, vous ferez des sillons à environ six piés de distance les uns des autres, dans lesquels vous mettrez les chataignes à dix pouces d’intervalle, & vous les recouvrirez d’environ trois pouces de terre : quand les chataignes auront levé, vous aurez grand soin de les nettoyer des mauvaises herbes ; & après trois ou quatre ans, si elles ont bien réussi, vous en enleverez plusieurs au printems, & ne laisserez que les plants qui se trouveront à environ trois piés de distance dans les rangées : cet intervalle leur suffira pendant trois ou quatre ans encore, après lesquels vous pourrez ôter un arbre alternativement pour laisser de l’espace aux autres, qui se trouveront par ce moyen à six piés de distance : ils pourront rester dans cet état jusqu’à ce qu’ils ayent huit ou dix ans, & qu’ils soient assez gros pour faire des cerceaux, des perches de houblonniere, &c. à quoi on doit l’employer préférablement à tous autres arbres. Alors vous couperez encore jusqu’auprès de terre une moitié de vos plants, en choisissant alternativement les plus foi-

bles ; & tous les dix ans on pourra y faire une

nouvelle coupe qui payera l’intérêt du terrein, & les autres charges accessoires, sans compter qu’avec cela il restera une bonne quantité d’arbres destinés à venir en futaie, qui continueront de prendre de l’accroissement, & enfin assez de volume pour que l’espace de douze piés en quarré ne leur suffise plus : ainsi lorsque ces arbres seront de grosseur à en pouvoir faire de petites planches, vous porterez la distance à vingt-quatre piés quarrés, en abattant alternativement un arbre ; ce qui leur suffira alors pour les laisser croître, & pour donner de l’air au taillis, qui par ce moyen profitera considérablement ; & les coupes qu’on en fera payeront avec usure les dépenses faites pour la plantation, l’intérêt du terrein, & tous autres frais ; de sorte que tous les grands arbres qui resteront seront en pur profit. Je laisse à penser à tout le monde quel grand bien cela deviendroit pour un héritier au bout de quatre-vingts ans, qui est le tems où ces arbres auront pris leur entier accroissement. »

Il y a encore une façon de faire de grandes plantations de chataigners, que l’on pratique à présent assez ordinairement, & dont on se trouve mieux que de semer les chataignes dans des sillons. On fait des trous moyens à des distances à-peu-près uniformes, & qui se reglent selon la qualité du terrein ; on plante ensuite trois ou quatre chataignes sur le bord de chaque trou, dans la terre meuble qui en est sortie : deux ou trois ans après, on peut faire arracher les plants foibles & superflus, & en hasarder la transplantation dans les places vuides, où il faudra les couper ensuite à un pouce au-dessus de terre. La raison qui a fait imaginer & préférer cette méthode, est sensible. Les plantations de chataigner se font ordinairement dans des terreins sablonneux, comme les plus convenables en effet, & ceux en même-tems qui ont le plus besoin qu’on y ménage l’humidité possible ; les chataignes d’ailleurs veulent trouver quelque facilité la premiere année pour lever & faire racine. Les trous dont on vient de parler, réunissent ces avantages ; la terre meuble qui est autour fait mieux lever les chataignes ; & le petit creux qui se trouve à leur portée, favorise le progrès des racines qui cherchent toûjours à pivoter, & leur procure de la fraîcheur en rassemblant & en conservant l’humidité.

Semence des chataignes en pepiniere, transplantation. Quand on n’a que de petites plantations à faire, qui peuvent alors être mieux soignées, on seme les chataignes en rayon dans de la terre meuble, préparée à l’ordinaire & disposée en planches ; on laisse six pouces de distance entre les rayons, & on y met les chataignes à quatre pouces les unes des autres, & à trois de profondeur : en leur supposant ensuite les soins usités de la culture, on pourra au bout de deux ans les mettre en pepiniere, en rangées de deux à trois piés de distance, & les plants au moins à un pié l’un de l’autre : le mois d’Octobre sera le tems le plus propre à cette opération dans les terreins secs & legers ; & la fin de Février, pour les terres plus fortes & un peu humides. Les dispositions qui doivent précéder, seront d’arracher les plants avec précaution, d’étêter ceux qui se trouveront foibles ou courbes, & de retrancher le pivot à ceux qui en auront un. La culture que ces plants exigeront ensuite pendant leur séjour dans la pepiniere, sera de leur donner un leger labour au printems, de les sarcler au besoin dans l’été, de leur retrancher peu-à-peu les branches latérales, & de receper à trois pouces au-dessus de terre ceux qui seront rasaux ou languissans, pour les faire repousser vigoureusement. Après trois ou quatre ans, on