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change toute la face : le retard n’eût-il porté aucun préjudice, il ne seroit pas moins juste d’en imputer un ; parce qu’une loi doit être générale, & que toute lésion de contrat doit être punie. La même raison applique cette maxime aux risques de la mer.

Réciproquement un chargeur qui fait changer de route au vaisseau, ou qui le retient, est garant sur la simple opposition du capitaine, de tous frais, risques, dommages, & intérêts. Tous contractans y sont assujettis dans le droit & dans le fait ; le souverain même, lorsqu’il fait des conventions avec ses sujets : s’il s’en dispensoit, il se priveroit de ses ressources dans un besoin urgent ; & il perdroit bientôt par l’excès des prix que l’on exigeroit de lui, le médiocre profit d’une œconomie mal entendue. Telle est presque par-tout l’origine du surhaussement du prix des affrettemens pour l’état ; & si malgré ce surhaussement il manque encore à sa convention, le prix augmente avec le discrédit.

Si le maître est obligé en route de faire radouber son vaisseau, & qu’il soit prouvé qu’il étoit hors d’état de naviger avant le départ, les propriétaires sont tenus des risques, dommages, & intérêts.

Une charte-partie subsiste, quant au payement, quoique le chargeur n’ait pas rempli la capacité qu’il avoit retenue dans le navire, soit qu’il n’ait pas eu assez de marchandises, soit qu’il ait laissé expirer les jours de planche.

Par nos lois, le maître peut en ce cas prendre les marchandises d’un autre, avec le consentement du chargeur. Par les lois Angloises, il peut s’en charger de plein droit, & cette loi est plus favorable au commerce.

Par les lois rhodiennes, le chargeur étoit obligé, outre le fret en entier, de payer dix jours de la nourriture & des gages de l’équipage.

Lorsqu’une charte-partie porte que le vaisseau partira au premier bon vent ; quoique cela ne s’exécute pas, si le vaisseau arrive à bon port, le fret est dû, parce que l’acte du départ donne au maître un titre pour le fret : mais il est tenu aux événemens de la mer. Si le retard est trop considérable, il est tenu à des dédommagemens ; & même le chargeur en pourra prendre un autre.

Une charte-partie n’est pas rompue par la saisie de marchandises prohibées que l’on destinoit au chargement : l’armateur n’a point entendu prêter son vaisseau pour contrevenir aux lois, & il l’a armé de bonne foi pour faire son commerce.

Les propriétaires d’un vaisseau doivent un dédommagement au chargeur, si leur navire est déclaré dans la charte-partie de plus d’un quarantieme au-dessus de son port véritable.

Enfin le navire, ses agrès & apparaux, le fret & les marchandises chargées, sont respectivement affectés aux conventions de la charte-partie.

On trouvera au mot Fret ce qui le regarde comme prix du loyer d’un vaisseau. On peut consulter sur les chartes-parties l’ordon. de la Mar. Les lois d’Oleron ; Les lois Rhodiennes & leurs commentat. comme Vinnius, Balduinus, Peckius ; Straccha, de navibus ; Joannes Loccenius, de jure maritimo ; enfin le droit maritime de toutes les nations. Cet article nous a été communiqué par M. V. D. F.

CHARTIL, s. m. (Œconom. rust. & Charron.) on appelle ainsi dans une ferme ou maison de campagne, un endroit destiné à mettre les charrettes à couvert des injures du tems. Il signifie aussi le corps de la charrette.

CHARTOPHILAX, s. m. (Hist. anc.) c’étoit un officier de la ville & même de l’église de Constantinople ; il étoit le gardien des archives. Voyez Archives.

Ce mot vient de χάρτης, & de φυλάττω, custodio ; & il signifie garde-chartre, ou gardien des titres originaux, soit de la couronne, soit de la ville, soit de l’église. Il étoit, selon Codin historien de la Byzantine, le juge des grandes causes, & le bras droit du patriarche ; il étoit de son grand-conseil. Outre la garde des titres dont il étoit dépositaire, de ceux même qui regardoient les droits ecclésiastiques, il présidoit à la décision des causes matrimoniales, & il étoit juge des clercs. Il rédigeoit les sentences & les décisions du patriarche, les signoit, & y apposoit le sceau. C’étoit comme le greffier en chef des cours supérieures, & par conséquent un officier très-distingué. Il avoit séance avant les évêques, quoiqu’il ne fût que diacre ; il avoit sous lui douze notaires ; il assistoit aux consécrations des évêques ; il tenoit registre de leur élection & consécration, & c’étoit lui qui présentoit le prélat élû aux évêques consécrateurs.

Il y avoit à Constantinople deux officiers de ce nom ; l’un pour la cour, & l’autre pour le patriarche : le premier s’appelloit registrator, & l’autre scriniarius. Cependant, eû égard à leurs fonctions, ils étoient souvent confondus. Il ne faut pas, comme a fait Leuclavius écrivain Allemand du xvj. siecle, le prendre pour le chartulaire des Romains, qui exerçoit, à peu de chose près, la même fonction. L’Angleterre a pareillement un chartophilax ; c’est lui qui est le gardien des titres de la couronne, qui sont déposés à la tour de Londres, où on les communique fort aisément, en donnant tant par chaque titre ; c’est ce qu’on appelle garde des rolles, parce que le terme de rolles signifie ce que nous appellons en François chartes, titres, ou même archives. Outre ce garde des rolles de la tour, il y a encore un garde des archives de la chancellerie ; & les églises en Angleterre ont aussi leur garde des rolles, aussi bien que les comtés & les villes principales. En France, le charthophilax, ou garde des titres de la couronne, est le procureur général du parlement. On ne peut obtenir des copies de ces titres qu’en vertu d’un ordre du Roi. Nous en avons un inventaire manuscrit qui indique exactement les titres, à l’exception de ceux qui sont en minute dans des registres particuliers. Ces titres, qui ne commencent parmi nous qu’après Philippe Auguste, ne s’étendent que juqu’au milieu du xvj. siecle ; depuis ce tems, chaque secrétaire d’état a ses archives ou son dépôt. (G) (a)

CHARTRAIN, (le pays) Géog. contrée de France dans la Beauce, dont Chartres est la capitale.

CHARTRE, (Jurisprud.) se dit par corruption pour charte, & néanmoins l’usage a prévalu. Ce terme signifie ordinairement des titres fort anciens, comme du x. xj. xij. & xiij. siecle, ou au moins antérieurs au xv. siecle. Voyez ci-devant Charte. (A)

A la tête de l’excellent ouvrage qui a pour titre, l’art de vérifier les dates, par des religieux bénédictins de la congrégation de S. Maur, on trouve une dissertation très-utile sur la difficulté de fixer les dates des chartes & des chroniques. Les difficultés viennent de plusieurs causes ; 1° de la maniere de compter les années, qui a fort varié, ainsi que les divers jours où l’on a fait commencer l’année ; 2° de l’ere d’Espagne, qui commence 38 ans avant notre ere chrétienne, & dont on s’est servi long-tems dans plusieurs royaumes ; 3° des différentes sortes d’indictions ; 4° des différens cycles dont on a fait usage, & de plusieurs autres causes. Nous renvoyons nos lecteurs à ces différens mots, & nous les exhortons fort à lire la dissertation dont nous parlons, Elle a été composée, ainsi que tout le reste de l’ouvrage, dans la vûe de remédier à ces inconvéniens. Voyez Chronologie, Calendrier, &c. (O)

Chartre de Champagne ou Champenoise, est le nom que l’on donnoit autrefois en chancelle-