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présentation sur la toile ou le papier, par le moyen des couleurs, d’une personne, d’une action, ou plus généralement d’un sujet, dans laquelle la vérité & la ressemblance exactes ne sont altérées que par l’excès du ridicule. L’art consiste à démêler le vice réel ou d’opinion qui étoit déjà dans quelque partie, & à le porter par l’expression jusqu’à ce point d’exagération où l’on reconnoît encore la chose, & au-delà duquel on ne la reconnoîtroit plus : alors la charge est la plus forte qu’il soit possible. Depuis Léonard de Vinci jusqu’aujourd’hui, les Peintres se sont livrés à cette espece de peinture satyrique & burlesque ; mais il y en a peu qui y ayent montré plus de talent que le chevalier Guichi, Peintre Romain, encore aujourd’hui dans sa vigueur.

La Prose & la Poésie ont leurs charges comme la Peinture ; & il n’est pas moins important dans un écrit que dans un tableau qu’il soit évident qu’on s’est proposé de faire une charge, & que la charge ne rende pas toutefois l’objet méconnoissable. Il n’est pas nécessaire de justifier la seconde de ces conditions : quant à la premiere ; si vous chargez, & qu’il ne soit pas évident que vous en avez eu le dessein, l’être auquel on compare votre description n’étant plus celui que vous avez pris pour modele, votre ouvrage reste sans effet. Le plus court seroit de ne jamais charger, soit en Peinture, soit en Littérature. Un objet peint & décrit frappera toûjours assez, si l’on sait le montrer tel qu’il est, & faire sortir tout ce que la nature y a mis.

Je ne sai même si une charge n’est pas plus propre à consoler l’amour propre, qu’à le mortifier. Si vous exagérez mon défaut, vous m’inclinez à croire qu’il faudroit qu’il fût porté en moi jusqu’au point où vous l’avez représenté, soit dans votre écrit, soit dans votre tableau, pour être vraiment repréhensible ; ou je ne me reconnois point aux traits que vous avez employés, ou l’excès que j’y remarque m’excuse à mes yeux. Tel a ri d’une charge dont il étoit le sujet, à qui une peinture de lui-même plus voisine de la nature eût fait détourner la vûe, ou peut-être verser des larmes. Voyez Caricature & Comédie.

Charge, (Rubann.) se dit des pierres qui s’attachent aux cordes des contre-poids. Voyez Contrepoids.

* Charge, (Véner.) c’est la quantité de poudre & de plomb que le Chasseur employe pour un coup. Cette quantité doit être proportionnée à la force de l’arme, l’espece de gibier, & à la distance à laquelle on est quelquefois contraint de tirer.

Charge, en termes de Blason, se dit de tout ce que l’on porte sur l’écusson ; animaux, végétaux, ou autre objet. Voyez Écusson, &c.

Un trop grand nombre de charges n’est pas réputé si honorable qu’un plus petit.

Les charges qui sont propres à l’art du Blason, comme la croix, le chef, la face en pal, a’appellent charges propres, & souvent pieces ordinaires.

Quelques auteurs restraignent le terme de charges aux additions ou récompenses d’honneur ; telles que les cantons, les quartiers, les girons, les flasques, &c.

Charge, (Commerce.) mesure pour les grains usitée dans la Provence & en Candie. La charge de Marseille, d’Arles, & de Candie, qui pese 300 liv. poids de Marseille, d’Arles, & de Candie, & 243 liv. poids de marc, est composée de quatre émines qui se divisent en huit sivadieres ; l’émine pese 75 liv. poids du lieu, ou 60 liv. un peu plus, poids de marc ; la sivadiere pese 9 liv. un peu plus, poids de Marseille, ou 7 liv. un peu plus, poids de marc. La charge ou mesure de Toulon fait trois septiers de ce lieu, le septier une mine & demie, & trois de ces mines font le septier de Paris. (A)

Charge, mesure d’épiceries à Venise, pese 400

livres du pays, & revient à 240 de Paris, & à 298 liv & un peu plus de huit onces de Marseille.

Charge, mesure des galles, cotons, &c. pese 300 liv. du pays.

Il y a encore des charges mesures de différens poids & de différentes matieres. Exemple : celle d’Anvers est de 242 liv. de Paris ; celle de Nantes, de 300 liv. Nantoises, &c. Voyez le dict. du Comm. La charge de plomb est de 36 saumons. Voy. Saumons & Plomb.

CHARGÉ d’épaules, de ganache, de chair, se dit, en Maréchallerie & Manege, d’un cheval dont les épaules & la ganache sont trop grosses & épaisses, & de celui qui est trop gras. Voyez Épaules, Ganache, &c.

Se charger d’épaules, de ganache, de chair, se dit d’un cheval auquel les épaules & la ganache deviennent trop grosses, & de celui qui engraisse trop.

Chargé, en termes de Blason, se dit de toutes sortes de pieces, sur lesquelles il y en a d’autres. Ainsi le chef, la face, le pal, la bande, les chevrons, les croix, les lions, &c. peuvent être chargés de coquilles, de croissans, des roses, &c.

Francheville en Bretagne, d’argent au chevron d’azur, chargé de six billettes d’or dans le sens des jambes du chevron. (V)

* Chargé, (Jeux.) se dit des dés dont on a rendu une des faces plus pesante que les autres ; c’est une friponnerie dont le but est d’amener le point foible ou fort à discrétion. On charge les dés en remplissant les points mêmes de quelque matiere plus lourde en pareil volume que la quantité d’ivoire qu’on en a ôtée pour les marquer. On les charge d’une maniere plus fine ; c’est en transposant le centre de gravité hors du centre de masse : ce qui se peut, ce qui est même très-souvent, contre l’intention du Tabletier & des joüeurs, lorsque la matiere des dés n’est pas d’une consistance uniforme. Alors il est naturel que le dé s’arrête plus souvent sur la face, dont le centre de gravité est le moins éloigné. Exemple : Si un dé a été coupé dans une dent, de maniere qu’une de ses faces soit faite de l’ivoire qui touchoit immédiatement à la concavité de la dent, & que la face opposée ait par conséquent été prise dans l’extrémité solide de la dent ; il est clair que cet endroit sera plus compact que l’endroit opposé, & que le dé sera chargé tout naturellement : on peut donc sans fourberie étudier les dés au trictrac, & à tout autre jeu de dés. La petite différence qui se trouve entre l’égalité de pesanteur en tout sens, ou pour parler plus exactement, entre le centre de pesanteur & celui de masse, se fait sentir à la longue, & donne un avantage certain à celui qui la connoît : or, le plus petit avantage certain pour un des joüeurs à l’exclusion des autres, dans un jeu de hasard, est presque le seul qui reste, quand le jeu dure long-tems.

Chargé, (Monnoie.) se dit d’une piece d’or ou d’argent qu’on a affoiblie de son métal propre & dont on a rétabli le poids par une application de métal étranger.

CHARGEMENT, s. m. est synonyme tantôt à charge, tantôt à cargaison, & s’applique indistinctement dans le commerce de mer, soit à tout ce qui est contenu dans un bâtiment, soit aux seules marchandises. Voyez Cargaison. (Z)

Chargement, police de chargement. Voyez Police.

* CHARGEOIR, s. m. (Manuf de salpet.) espece de selle à trois piés, d’usage danc les atteliers de Salpétrier, sur laquelle on place la hotte quand il s’agit de charger. Voyez les articl. Charger & Salpetre. Cette hotte à charger s’appelle bachou ; elle est faite de douves de bois assemblées comme aux tonneaux,