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partie du contour inférieur qui pourroit être restée découverte. Cette opération étouffera le feu, bouchera toutes les petites ouvertures ou crevasses, & empêchera le charbon de se consumer.

Quand le fourneau sera poli, il ne se fera presque plus de fumée, & le travail se suspendra jusqu’au moment de le rafraîchir. Cette opération se fera dans la journée ; pour rafraîchir, on tournera le rabot du côté circulaire ; on l’appuiera un peu sur la surface du fourneau, & l’on tirera de haut-en-bas le plus de terre ou de frasin qu’on pourra ; après quoi on reprendra cette terre ou ce frasin avec la pelle, & on le répandra par-tout sur le fourneau, y en ajoûtant même un peu de nouveau ; par ce renouvellement d’enduit ou de chemise, on achevera d’interrompre toute communication à l’air extérieur avec l’intérieur du fourneau, & à étouffer entierement le charbon. On rafraîchira jusqu’à deux à trois fois ; mais une fois suffira, quand on aura bien fait.

Le quatrieme jour, le charbon sera censé fait & prêt à être tiré. Il suit de ce qui précéde, 1°. qu’en supposant que le Bûcheron mette le feu à son fourneau au point du jour, ce feu durera deux jours & deux nuits toûjours en augmentant ; que le troisieme jour, lorsque le grand feu aura paru, le feu étouffé par l’opération qu’ils appellent polir & rafraîchir, commencera à diminuer, & que le quatrieme jour de grand matin on pourra ouvrir le fourneau ; ce qui s’exécutera avec l’instrument appellé crochet. On n’ouvrira le fourneau que d’un côté ; si le charbon n’est que chaud, on le tirera ; s’il paroît embrasé, on le recouvrira bien avec la terre ou le frasin, & l’on remettra l’ouverture du fourneau au soir du même jour, ou au matin du lendemain.

2°. Qu’on pourra faire du charbon en tout tems & en toute saison ; mais que le tems calme sera le plus propre ; que les grands vents seront nuisibles ; qu’il en sera de même des pluies d’orage ; mais qu’il n’en sera pas ainsi du brouillard ou d’une petite pluie ; que l’humidité légere achevera la cuisson ; que cette cause réduira quelquefois les planchers en charbon ; ce qui n’arrivera jamais dans les tems orageux.

3°. Que le feu s’étendant du centre à la circonférence, il sera à propos, quand on construira les planchers & les étages, de placer le plus gros bois vers le centre de l’aire, des planchers, & des étages, & le menu bois à la circonférence.

Le charbon se fait en Bourgogne un peu diversement ; après avoir préparé l’aire à la bêche & au rateau, comme on le voit faire au Bûcheron de la Planche I. des Forges, figure 1. on plante au centre de l’aire ab une longue perche ce ; on arrange au pié de cette perche quelques bûches cdd, de maniere qu’il y ait un peu d’intervalle entre la perche & les bûches ; on remplit une partie de cet intervalle, que forment les bûches cdd par leur inclinaison, de bois sec & de menu branchage ; on continue d’incliner des bûches sur les bûches cdd ; on forme en grande partie l’étage f fig. 2. on ménage à-travers les buches de cet étage, un passage k qui va de la circonférence de cet étage jusqu’au centre, & on le tient ouvert par le moyen de la perche k. On va chercher du bois ; on forme l’étage g en grande partie ; on acheve l’étage f, dont l’extrémité des bûches est contenue par les rebords de l’aire ; on acheve l’étage g ; on forme l’étage h en entier ; on éleve sur cet étage l’étage i ; on termine le fourneau par de menu bois, & on le met en état d’être couvert de sa chemise. C’est ce qu’exécute le Bûcheron de la fig. 3. avec sa pelle ; il commence par remplir les premiers interstices extérieurs avec de l’herbe ; puis avec de la terre tirée d’un chemin qu’il pratiquera autour de son fourneau, s’il manque de frasin, ou avec le frasin qu’il aura recueilli sut l’aire d’un fourneau, quand il en

aura tiré le charbon, il formera à son fourneau la chemise m, l. Pour cet effet, il prendra avec la partie concave de sa pelle le frasin, & le jettera sur le bois, & avec la partie convexe il l’unira. Lorsqu’en conduisant son travail sur toute la surface du fourneau, il l’aura entierement couverte, il y mettra le feu, non par en-haut, comme dans la premiere maniere de faire le fourneau ; mais par en-bas. On voit, fig. 5. le fourneau en feu ; on laisse la couche de frasin légere en PP, pour que la fumée puisse s’échapper. On voit, fig. 5. un fourneau tout percé de vents ; fig. 6. un Bûcheron qui découvre un endroit élevé du fourneau, & lui donne de l’air, afin qu’il aille plus vîte. Les autres Bûcherons polissent & rafraîchissent.

Nous n’entrons dans aucun détail sur la maniere de conduire le feu de ces fourneaux ; la maniere différente dont ils sont construits n’influe en rien sur celle d’en mettre le bois en charbon ; ce sont les mêmes principes & les mêmes précautions. On voit, fig. 9. un ouvrier qui prépare du bois ou une perche ; fig. 10. le bois coupé & en tas ; en QNO, la voiture à charbon ; en RSTVXXYY, son développement ; en KKLLMMII, la broüette ; en G, le crochet ; en F, la pelle ; en CD, le rateau. Le crochet est de fer.

On construit encore ailleurs les fourneaux de la maniere suivante : on fait au milieu de l’aire un plancher quarré de gros bâtons de bois blanc ; on répand sur ce plancher du bois de chemise ; sur ce plancher on en forme un second, de maniere que les bûches de ce second traversent & fassent grille sur celles du premier ; on jonche ce second plancher de bois de chemise ; on en forme un troisieme, un quatrieme, un cinquieme, &c. les uns sur les autres, & de la même maniere. On pratique au centre de ces planchers une ouverture d’une demi-pié en quarré ; on en fortifie la construction par quatre perches qu’on plante à chaque angle. On incline ensuite des bûches debout contre cet édifice ; on forme un premier étage de ces bûches ; sur cet étage, on en forme un second, un troisieme, &c. Ces étages vont toûjours en diminuant, ensorte que le fourneau entier a l’air d’une pyramide à quatre faces ; on observe de placer les plus gros bois au centre de chaque étage. On couvre cette pyramide de gason, de terre, ou de frasin ; on y met le feu, soit par en-haut, soit par en-bas, & on conduit le feu comme nous avons dit plus haut. Ce feu se répand fort vîte, parce qu’à mesure qu’on élevoit la pyramide, on remplissoit de matieres faciles à enflammer, le trou quarré des planchers faits les uns sur les autres au centre de cette pyramide, & selon toute sa hauteur, & les interstices des bois qui formoient les planchers.

Le bois neuf est le meilleur pour le charbon ; celui de vieux bois n’a point de corps & ne donne point de chaleur. On en fait avec toutes fortes de bois ; mais il n’est pas également bon à toutes sortes d’usages. On dit que celui de chêne, de saule, de chataignier, d’érable, de frêne, & de charme, est excellent pour les ouvriers en fer ou en acier ; celui de hêtre, pour les Poudriers ; celui de bois blanc, pour les Orfévres ; celui de bouleau, pour les Fondeurs ; celui de saule & de troene, pour les Salpétriers ; en un mot, il est évident que le charbon doit avoir différentes qualités, selon les bois dont on l’a fait ; & que ses qualités ne sont pas indifférentes aux artistes, selon qu’ils se proposent, ou d’avoir de l’éclat, ou d’avoir de la chaleur, ou d’avoir du moelleux & de la douceur. On employera les premiers dans les artifices ; les seconds dans les cuisines, forges, & autres atteliers semblables ; & on polira avec les derniers.