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se sert de cet instrument s’appelle choquer : elle consiste à passer légerement la courbure du choc de haut en-bas sur toute la surface de la tête du chapeau, afin de lui faire prendre exactement la forme, en effaçant les plis & godes. Quand on a choqué, on lie la ficelle sur le chapeau ; elle fait deux tours sur le milieu de la forme ; on l’abaisse jusqu’au bord inférieur de la forme avec le choc : pour cet effet on trempe le chapeau bien chaud. Quant à la partie supérieure de la tête, qui en est la plate-forme, on en efface les plis & godes, & on empêche qu’elle ne fasse le cul avec la piece, figure 18. C’est aussi une feuille de cuivre de la même épaisseur que le choc, mais non ceintrée : on l’applique sur le haut de la tête, & en la faisant aller & venir sur cet endroit, on l’applanit.

On abat ensuite le chapeau : pour cet effet on porte le chapeau en forme sur le banc de la foule, on le trempe ; on pose la forme à plat sur le bord extérieur du banc ; de la main gauche on fixe le bord du chapeau de maniere que le pouce embrasse le bord du banc, & serre le bord du chapeau ; de la main droite on empoigne une partie du bord qui est étendu sur le banc, on la tient bien serrée, on la tire, & on tâche de l’étendre : on fait cette opération tout au tour du chapeau, dont on fait tourner la forme sur elle-même. Lorsque le bord du chapeau est à-peu-près plat, on piece : pour cet effet on le trempe, & avec la piece qu’on appuie de son plat sur les bords du chapeau, on la presse d’une main, tandis qu’on fait tourner la forme de l’autre : c’est ainsi qu’on efface les plis faits en abattant ; ces plis s’appellent tirasses. Cette opération ne rend cependant pas encore les ailes tout-à-fait plates ; pour les achever, on les détire une seconde fois, précisément comme la premiere, puis on prend la jatte, on les arrose & la tête de deux jattes d’eau de la chaudiere ; ensuite on passe la piece sur la tête pour l’unir & l’égoutter, & on en conduit le côté, de dessus la tête, tout autour de la forme : alors on quitte cet instrument, on prend le choc avec lequel on acheve d’abaisser entierement la ficelle ; après quoi avec la piece dont on applique le plat sur les bords du chapeau, & qu’on conduit tout autour, le côté tranchant du côté de la chaudiere, comme pour y diriger l’eau qui sort du chapeau, on l’unit & on l’égoutte. Quand le chapeau est bien égoutté, on le frotte par-tout légerement avec les mains ; & prenant entre le pouce en-dessus, & l’index en-dessous, l’extrémité de l’arrête, on la releve un peu, & on l’arrondit en gouttiere dont la concavité regarde la tête.

Voilà le chapeau sorti de la foule, & prêt à entrer dans l’étuve pour y être seché. On le laisse sur la forme : elle est percée en-dessous de deux trous ; les murs de l’étuve sont parsemés de clous qui y sont fichés : on place un de ces clous dans un des trous de la forme, & elle y reste suspendue : on laisse passer la nuit au chapeau dans l’étuve ; les compagnons en s’en allant, quand il n’y a plus de bois sous la chaudiere, ni par conséquent de fumée à craindre, ferment la tuile, dont on voit l’ouverture en 1, 2, fig. 3.

Lorsque le chapeau est sec, on le tire des étuves ; mais chaque ouvrier marque son ouvrage pour le reconnoître, l’un avec du blanc, l’autre avec le doigt. Le chapeau étant mouillé, le doigt couche le poil selon une certaine direction qu’il garde, & la trace se reconnoît. Au sortir de l’étuve, on délie la ficelle, on chasse la forme en la pressant par le haut, puis on ponce : pour cet effet on remet la petite gouttiere qu’on avoit formée à l’arrête de dessus en-dessous ; on a une petite ponce légere ; on pose l’aîle du chapeau sur le banc de la foule, la concavité de la for-

me en-haut ; & on passe la ponce sur l’aîle, jusqu’à

ce que toute cette surface soit bien unie, & que tout le poil en soit bien égalisé. Le poil étoit auparavant fort grossier ; la ponce ou le détache, ou le coupe, ou l’affine ; on la mene & on la ramene fermement du bord concave de la tête au bord de l’arrête ; on en fait autant à l’autre surface, observant auparavant de remettre la gouttiere dans son premier sens. On remet ensuite le chapeau en forme, & on acheve de le poncer : on l’a remis en forme, afin que ce solide soûtînt l’action de la ponce, & que la tête du chapeau ne fût pas enfoncée. Après avoir poncé, on prend une brosse seche qu’on passe par-tout, tant pour enlever ce que la brosse a détaché, que pour faire sortir le peu de lie qui reste, & adoucir l’ouvrage. On a ensuite un peloton quarré, oblong, rembourré de gros poil de castor, & couvert d’un côté de drap, de l’autre de panne ; on passe ce peloton par-tout ; le peloton & le frottoir ne sont pas la même chose. Le frottoir est une piece de bois unie, d’un doigt d’épaisseur, ou à-peu-près, sur environ six pouces en quarré, qu’on passe sur le chapeau quand on le décroise à la foule, qu’il est chaud, & qu’il faut l’éjarrer. L’ouvrier, au lieu du frottoir, se sert aussi de sa main, comme nous l’avons dit.

Lorsque le chapeau est pelotonné, on marque avec de la craie son poids, & s’il est doré ou non. On se sert de chiffres pour le poids, & de lettres pour le reste. L’ouvrier a aussi sa marque, qu’il fait avec des ciseaux au bord de l’arrête ; c’est une hoche, un croissant, ou une autre figure : puis il rend son chapeau au maître, qui l’examine avant que de l’envoyer à la teinture, où nous le suivrions sans interruption, si nous n’avions à reprendre de plus haut l’opération que nous venons de décrire, & que nous avons poussée jusqu’ici, pour ne pas couper le fil de la manœuvre principale par l’explication d’une opération accidentelle, je veux dire celle du plumet. Nous allons maintenant dire comment on fait au chapeau un plumet, quand on y en veut un.

Quand on a foulé au roulet & à la main, au point que le chapeau n’a plus qu’un pouce à rentrer, alors on l’égoutte au roulet comme s’il étoit achevé, & on le flambe du côté du plumet ou à l’endroit : pour cet effet, on a un morceau de bois sec, ou un peu de paille allumée, au-dessus de laquelle on passe la partie qu’on veut flamber ; cette flamme brûle un peu le poil.

Pour former le plumet, on choisit de l’anglois non secrété, le plus long qu’on peut trouver ; on l’arçonne comme le reste ; on en fait à l’arçon les uns huit pieces, les autres douze. Ces pieces ont la même hauteur que les travers, & se placent au côté opposé, comme il est évident, mais elles n’ont pas la même forme ; ce sont des ovales formées de deux portions d’un cercle qui excéderoit d’un bon pouce la circonférence du chapeau, & elles sont chacune la huitieme ou la douzieme partie de cette circonférence. Il est à observer qu’elles sont toutes plus minces à la partie qui doit toucher la tête, qu’à celle qui doit déborder l’arrête ; on voit le jour à-travers de l’une, & non à-travers de l’autre. En effet, il importe beaucoup davantage que le plumet soit fourni au bord du chapeau, qu’au fond vers la tête ; elles sont aussi plus fortes au centre qu’au bout des aîles : on en verra la raison plus bas. Voyez, figure 32. une piece de plumet ; elle est plus forte en c qu’en i & k, & plus forte en b qu’en h.

Les pieces se marchent seulement à la carte ; pour les faire prendre au chapeau, préparé comme nous venons de dire, on a un grand chapeau de vigogne commun, qui n’a été que basti à la foule, ou un sac de toile neuve fait à-peu-près en cone, mais beaucoup plus grand que le chapeau qu’on travaille ; que