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remet l’arrête du chapeau de son côté, on le déploye, on l’ouvre, on ôte les tamis, on décroise de côté, comme il est marqué fig. 24. on examine si les pointus sont bien pris ; s’ils ne le sont pas, on asperge, on tape sur leurs bords ou croisées avec la brosse ; on remet les tamis, & on foule une seconde croisée toute entiere, à commencer à la fig. 25.

Lorsque les pointus sont bien pris, on retourne de dedans en-dehors les pointus, on les frotte en rond avec la paume de la main, pour en ôter la bourre ou le jarre qui peut s’y trouver ; on examine s’il n’y a plus d’endroits à étouper ; s’il y en a, on étoupe ; puis on prend un travers qu’on place à un doigt du bord de l’arrête, & qui monte delà à la hauteur de huit doigts, ne laissant à découvert que le bout de la tête, ou la portion qui fera le dedans de la forme quand le chapeau sera achevé : on asperge ce travers, on le tape ; on décroise sur les côtés l’un après l’autre ; on abat l’excédent du travers avec la brosse, & on tape cette espece de rebord ; on retourne le tout sens-dessus-dessous ; on met l’autre travers comme on a mis le premier ; on retourne ensuite le chapeau de dedans en-dehors, de sorte que les pointus soient en-dehors, & les travers en-dedans, & on foule une croisée complete depuis la fig. 25. jusqu’à la fig. 32. inclusivement : on examine ensuite si les rebords ou croisées des travers sont bien prises ; s’ils ne le sont pas, on les tape avec la brosse, & l’on tient des tamis aux endroits non pris, puis on arrose le chapeau avec la jatte, & on foule une croisée complete : si tout est bien pris, alors le chapeau est dit basti à la foule ; si non on foulera encore une croisée complete.

Lorsque le chapeau est basti à la foule, alors on prend la manique, pour fouler plus chaud & plus clos. Cet instrument qu’on voit fig. 12. est une semelle de cuir doublée de l’empeigne : cette semelle s’attache sur le poignet par une courroie & une boucle, & elle est terminée à l’extrémité par un anneau de cuir qui reçoit le doigt du milieu, & qu’on appelle doigtier : on a une manique à chaque main ; si l’eau paroît claire, on y remet un peu de lie qu’on délaye : on prend le chapeau, s’il est grand, on le plie des deux côtés ; on a l’arrête de son côté, on le trempe par la tête dans l’eau bouillante de la chaudiere, puis on y fait un pli sur la tête, comme il est fig. 25. seulement plus petit : c’est même une observation générale pour toutes les croisées qui vont suivre, de faire successivement les plis marqués par les figures d’autant plus petits, que le chapeau deviendra plus ferme, & se rapetissera davantage, & de fouler plus fortement : on foule une croisée complete, observant à chaque pli (ou pour parler le jargon que nous nous sommes faits dans cet article afin de nous rendre intelligibles, à chaque figure, car nous avons représenté les plis par des figures) de tremper le chapeau dans la chaudiere avant de le plier ; & dans le cours de la foule de chaque pli de le tremper deux ou trois fois tout roulé, & de le tenir roulé bien ferme & bien clos.

Le nombre des croisées completes qu’on est obligé de donner successivement, est plus ou moins grand, selon la nature de l’étoffe, ou la difficulté qu’elle a à rentrer : on en donne au moins quatre ou cinq, bien chaud & bien clos. Les maniques servent dans ces croisées à garantir les mains de l’action de l’eau bouillante, & à pouvoir fouler avec plus de hardiesse & de force. Après ces croisées, on brosse son chapeau avec la brosse qu’on trempe dans l’eau, & on le porte sur une table dans un endroit clair, pour voir s’il n’y a point d’ordure ; si on en apperçoit, on prend des pinces aiguës & courbes, & on arrache les ordures, ce qui s’appelle épinceter à l’endroit. Quand le chapeau est épinceté à l’endroit, on

le retourne, on lui donne deux ou trois ou quatre croisées completes, chaud & clos, comme les précédentes, c’est-à-dire trempant plusieurs fois dans l’eau dans le cours de la foule de chaque pli ; puis on épincete à l’envers ; après quoi on retourne le chapeau, & on le foule chaud & clos, autant de croisées completes qu’il en faut pour le finir. Ces croisées se foulent au roulet & à la manique, qu’on ne quitte point que le chapeau ne soit fini. On pose le roulet sur le chapeau, on roule le chapeau dessus, & on foule : quant à la maniere de poser le roulet, on suit la direction des différens plis des croisées. Le roulet est de bois de frêne. On ne foule au roulet que deux bonnes heures & demie, quand l’étoffe rentre bien, & que l’ouvrier est habile.

Quand on a conduit le chapeau à ce point, on le décroise en tout sens, pour s’assûrer s’il est à-peu-près rond, & s’il n’y a point de lippes. Les lippes, ce sont les excédens des plus longs bords sur les plus petits : quand il y en a, on trempe la lippe dans l’eau bouillante, on met le roulet sur cet endroit excédent de l’arrête, & on le foule jusqu’à ce qu’à force de rentrer, la lippe ait disparu ; cela s’appelle arranger le chapeau : en l’arrangeant, on tâche de l’égoutter d’eau & de lie ; pour cet effet on le foule à sec, une demi-croisée sur l’arrête ; alors les croisées ont cessé d’être reglées ; on suit les plis qu’on croit nécessaires. Quand le chapeau est bien égoutté, on examine si les plis des croisées n’y sont point marqués ; si on les y apperçoit, on les efface en frappant un peu dessus avec le roulet.

C’est alors qu’on torque le chapeau, ou qu’on le met en coquille : il est au moins diminué des trois quarts de la grandeur qu’il avoit quand il a été basti. Pour le torquer, on l’ouvre bien ; on enfonce la tête jusqu’à l’arrête & fort au-delà, puis on la repousse en sens contraire, & ainsi de suite, jusqu’à ce que toute la hauteur du chapeau ait été employée à former dans un même plan des plis en ondes & concentriques à l’arrête, dont la pointe de la tête occupe le centre.

Quand le chapeau est en coquilles ou torqué, on le trempe dans la chaudiere, puis sur le banc de la foule on affaisse, on détire avec le pouce de la main droite, & on fait disparoître, en poussant & élargissant en tout sens, la pointe de la tête, ce qui s’appelle pousser. Lorsque la pointe est étendue, on détorque un pli qu’on pousse, qu’on étend, & qu’on élargit comme la pointe. On continue à détorquer, à pousser, à élargir, & à étendre, jusqu’à ce qu’il y ait assez d’espace étendu pour pouvoir travailler du poignet en entier ; alors on se l’enveloppe d’un mauvais bas de laine qu’on appelle un poussoir : ce bas garantit la main de l’eau bouillante dans laquelle on trempe le chapeau durant tout le cours de cette manœuvre ; & on pousse le chapeau, étendant, élargissant, & approfondissant jusqu’à ce qu’on ait pratiqué un espace capable de recevoir la forme fig. 14.

Quand le chapeau est poussé, on le dresse : dresser, c’est mettre sur la forme ; alors il ressemble parfaitement à un bonnet de laine retroussé ; alors les ailes sont presque appliquées contre la forme ; les pointus sont en-dessus, les travers sont devant, & se présentent tout autour à la surface du chapeau opposée à celle des pointus, sans quoi le chapeau ne paroîtroit pas doré par-tout.

Quand le chapeau est sur la forme, on prend le choc, fig. 19. c’est une feuille de cuivre de l’épaisseur de deux lignes, recourbée par un bout pour en faire le manche, & ceintrée de l’autre : la partie ceintrée est mousse, & sa courbure est la même que celle de la forme, dont elle peut embrasser une partie assez considérable. L’opération dans laquelle on