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rectement au parlement de Paris, quand même ces terres & seigneuries seroient dans le ressort d’un autre parlement.

C’est encore une des prérogatives de la dignité de chancelier de la reine, qu’il a le droit d’entrée dans toutes les maisons royales, lorsque le roi n’y est pas, ou que la reine y est seule.

Les reines de France ont de tems immémorial toûjours eu leur chancelier particulier, différent de celui du roi.

Grégoire de Tours fait mention que Urcissin étoit référendaire de la reine Ultrogothe, femme de Childebert I. Celui qui faisoit alors l’office de chancelier de France étoit aussi appellé référendaire.

Jeanne, femme de Philippe V. dit leLong, avoit en 1319 pour chancelier Pierre Bertrand, qui fut aussi l’un des exécuteurs de son testament.

Isabeau de Baviere, femme de Charles VI. avoit aussi son chancelier, autre que celui du roi, quoiqu’elle n’eût point de terres en propre. Messire Jean de Nielle chevalier, maître Robert le Maçon, & maître Robert Carteau, furent ses chanceliers en divers tems.

Robert Maçon, l’un de ceux que l’on vient de nommer, étoit seigneur de Treves en Anjou ; il fut d’abord chancelier de la reine Isabeau de Baviere, ce qui est justifié par des lettres de Charles VI. de l’an 1415, par lesquelles il commet le comte de Vendôme, & Robert le Maçon qu’il appelle chancelier de la reine sa compagne, pour se transporter à Angers, & faire jurer la paix aux Anglois. Il fit en 1418 la fonction de chancelier de France sous les ordres du dauphin Charles, pour lors lieutenant général du roi.

Le registre du parlement du 22 Mai 1413, parlant de Bonne d’Armaignac, femme du sieur de Montauban, l’appelle cousine & chanceliere de la reine ; ce qui confirme encore qu’elle avoit un chancelier.

Enguerrand de Monstrelet rapporte, dans le chap. lx. de son premier volume, qu’il fut ordonné par le conseil de la reine & du duc de Bourgogne (c’étoit toûjours du tems de la même Isabeau de Baviere femme de Charles VI. en 1417) que Me Philippe de Morvilliers iroit en la ville d’Amiens accompagné d’aucuns notables clercs, avec un greffier juré, pour y tenir de par la reine une cour souveraine de justice, au lieu de celle du parlement de Paris ; & afin qu’il ne fût pas besoin de se pourvoir en la chancellerie du roi, pour impétrer des mandemens, ou pour d’autres causes qui pussent intervenir ès bailliages d’Amiens, Vermandois, Tournai, & sénéchaussée de Ponthieu, il fut donné un sceau audit Morvilliers où étoit gravée l’image de la reine, étant droite, ayant les deux bras tendus vers la terre; & au côté droit étoit un écu des armes de France & de Baviere, & à l’entour du scel étoit écrit : c’est le scel des causes, souverainetés & appellations pour le roi ; qu’on scelleroit de ce scel en cire rouge, & que les lettres & mandemens se feroient au nom de la reine, en cette forme : Isabelle, par la grace de Dieu, reine de France, ayant pour l’occupation de monseigneur le roi le gouvernement & administration de ce royaume, par l’octroi irrévocable à nous sur ce fait par mondit seigneur & son conseil. Il fut aussi ordonné un autre chancelier outre la riviere de Seine, pour ceux qui tenoient le parti de la reine & du duc de Bourgogne.

Du tems de M. le marquis de Breteuil, commandeur des ordres du Roi, & ministre & secrétaire d’état au département de la guerre, qui fut chancelier de la Reine depuis le 18 Mai 1725, jusqu’à son décès arrivé le 7 Janvier 1743, on se servoit de cire jaune pour le sceau de la reine, quoique l’ancien usage eût toûjours été de sceller de ce sceau en cire rouge. M. le comte de S. Florentin, commandeur des ordres du

Roi, ministre & secrétaire d’état, qui a succédé à M. de Breteuil en la dignité & office de chancelier de la Reine, qu’il possede encore actuellement, a rétabli l’ancien usage de sceller en cire rouge.

La reine de Navarre avoit aussi son chancelier. François Olivier qui fut chancelier de France, avoit été auparavant chancelier & chef du conseil de Marguerite de Valois, reine de Navarre, sœur de François I.

Guy du Faur seigneur de Pibrac, président au mortier, fut chancelier de Marguerite de France, sœur du roi Henri III. & alors reine de Navarre. Il mourut le 12 Mai 1584.

Jean Berthier, évêque de Rieux, succéda au sieur de Pibrac en cette charge, qui devint encore plus relevée en 1589, lorsque Marguerite devint reine de France. Le mariage de celle-ci ayant été dissous en 1599, l’évêque de Rieux continua d’être le chancelier de la reine Marguerite. Il logeoit au cloître Notre-Dame en 1605 ; & la reine Marguerite ayant eu alors la permission de revenir à Paris, elle alla d’abord descendre chez son chancelier, & ce fut là que la ville vint la saluer. Voyez du Tillet, des rangs des grands de France ; Bouchel, bibliotheque du droit François, au mot chancelier ; Sauval, antiquités de Paris, tome II. p. 151.

Chanceliers du roi, étoient des notaires ou secrétaires du roi, que l’on appelloit ainsi sous la premiere race ; c’étoient eux qui écrivoient les chartes & lettres des rois, qui étoient ensuite scellées par le grand référendaire, dont l’office revenoit à celui de chancelier de France. Il est parlé de ces chanceliers royaux dès le tems de Clotaire I. par Grégoire de Tours, lequel en parlant d’un certain Claude, dit qu’il étoit quidam ex cancellariis regalibus. Sous Thierri I. ces mêmes secrétaires sont nommés notarii, regis notarii. Sous Chilpéric I. un de ses secrétaires se qualifie palatinus scriptor. Ces chanceliers ou secrétaires signoient quelquefois ad vicem, c’est-à-dire en l’absence du référendaire. Sous la seconde race de nos rois, celui qui faisoit la fonction de référendaire fut appellé archichancelier, grand chancelier, souverain chancelier, ou archinotaire, parce qu’il étoit préposé sur les chanceliers particuliers, ou notaires secrétaires du roi. Du tems de Charles le Chauve, les notaires du roi se qualifioient quelquefois cancellarii regiæ dignitatis. Il y avoit encore de ces chanceliers particuliers sous Hugues Capet en 987, suivant un titre de l’abbaye de Corbie, à la fin duquel est dit, ego Reginoldus, cancellarius ad vicem summi cancellarii, recognovi ac subterfirmavi. Depuis Baudouin, qui exerça l’office de chancelier les dernieres années du regne de Robert, le titre de chancelier demeura réservé au chancelier de France ; & ceux que l’on appelloit auparavant chanceliers du roi, ne furent plus nommés que notaires ou secrétaires du roi. Voyez Tessereau, hist. de la chancellerie.

Chanceliers, chez les Romains du tems des empereurs, étoient des officiers subalternes qui se tenoient dans une enceinte fermée de grilles & de barreaux appellés en latin cancelli, pour copier les sentences des juges & les autres actes judiciaires : ils étoient à-peu-près comme nos greffiers ou commis du greffe. On les payoit par rôles d’écriture, comme l’a remarqué le docte Saumaise, sur un passage d’une loi des Lombards : volumus ut nullus cancellarius pro ullo judicio aut scripto aliquid ampliùs accipere audeat, nisi dimidiam libram argenti de majoribus scriptis, de minoribus autem infrà dimidiam libram. Cet emploi étoit alors peu considérable, puisque Vopiscus dit que Carin fit une chose honteuse, en nommant un de ces chanceliers gouverneur de Rome : præfectum urbi unum è cancellariis suis fecit ; quo fœdius nec cogitari potuit aliquid, nec dici.