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de maniere qu’on puisse le transporter d’une place à une autre, sans le déranger.

Il n’y a pas long-tems que le barometre portatif étoit une chose peu commune ; à présent on en fait de portatifs de toutes les sortes ; ils sont tellement construits, que le mercure peut venir tout-à-fait jusqu’à l’extrémité du tube, qui est fermée hermétiquement : cet artifice empêche le mercure de ballotter & de se répandre, & ne l’expose point au danger de casser le tube. Pour cela on attache sur le bord de la cuvette où plonge le tuyau, un cuir le plus fin que l’on peut, par le moyen duquel le mercure est contenu dans la cuvette, & on construit le barometre de maniere que sa partie supérieure se termine par un long cou étroit ; par ce moyen l’effort du mercure contre cette partie devient beaucoup moins considérable, & la partie supérieure du barometre est moins en danger de se briser. Mais un tel barometre est peu sûr.

Phosphore du barometre. M. Picard découvrit le premier en 1676 que le mercure de son barometre secoüé dans l’obscurité donnoit de la lumiere : mais quand on voulut faire l’expérience sur d’autres, il s’en trouva fort peu qui eussent ce privilége.

M. Bernoulli ayant fait l’expérience sur son barometre, trouva qu’étant secoüé fortement dans l’obscurité, il donnoit une foible lueur.

Comme l’on pouvoit soupçonner que la lumiere, ou du moins une grande lumiere, n’étoit si rare dans les barometres, que parce qu’il n’y avoit pas un vuide parfait dans le haut du tuyau, ou que le mercure n’étoit pas bien purgé d’air, il s’assûra par expérience qu’avec ces deux conditions, des barometres n’étoient encore que très-foiblement lumineux ; & par conséquent que ce n’étoit-là tout au plus que des conditions, & qu’il falloit chercher ailleurs une véritable cause. De plus son barometre n’étoit en expérience que depuis quatre semaines, lorsqu’il rendit de la lumiere ; & ainsi on ne peut pas dire que la raison pourquoi plusieurs n’en rendoient pas, est peut-être qu’il y avoit trop peu de tems qu’ils étoient en expérience.

M. Bernoulli avoit remarqué que quand on secoüoit le barometre, & que par conséquent on faisoit aller le mercure avec rapidité, tantôt au-dessus, tantôt au-dessous du point d’équilibre, la lumiere ne se montroit que dans la descente du mercure, & qu’elle paroissoit comme attachée à sa surface supérieure. De-là il conjectura que quand par cette descente il se forme dans un tuyau un plus grand vuide que celui qui y étoit naturellement, il peut sortir du mercure pour remplir ce vuide en partie, une matiere très fine, qui étoit auparavant renfermée & dispersée dans les interstices très-étroits de ce minéral. D’ailleurs il peut entrer dans ce même moment par les pores du verre, plus grands apparemment que ceux du mercure, une autre matiere moins déliée, quoique beaucoup plus déliée que l’air ; & la matiere sortie du mercure & toute rassemblée au-dessus de sa surface supérieure, venant à choquer impétueusement celle qui est entrée par les pores du verre, y fait le même effet que le premier élément de Descartes sur le second, c’est-à-dire, produit la lumiere.

Mais pourquoi ce phénomene n’est-il pas commun à tous les barometres ? Pour l’expliquer M. Bernoulli imagina que le mouvement de la matiere subtile qui sort du mercure avec impétuosité, lorsqu’il descend, pouvoit être détruit, affoibli, interrompu, par quelque matiere hétérogene au mercure qui se seroit amassée sur sa surface supérieure, & y auroit été poussée par ce minéral plus pesant qu’elle ; que cette espece de pellicule ne manquoit pas de se former sur le mercure, dès qu’il n’étoit pas extrèmement pur ; que même quelque pur qu’il fût de lui-même, il contractoit en peu de tems par le seul attouchement de l’air, les saletés qui composent cette pellicule ; qu’a-

fin qu’il les contractât en un instant, il ne falloit que

le verser en l’air de haut en bas, comme l’on fait ordinairement dans la construction des barometres ; que ce mouvement lui faisoit ramasser dans l’air plus de saletés qu’il n’auroit fait durant plusieurs jours étant en repos ; qu’enfin cela supposé, une méthode sûre pour avoir un barometre lumineux, étoit de le faire d’un mercure bien pur, & qui sur-tout, quand on le feroit entrer dans son tuyau, ne traversât point l’air & ne s’y souillât point.

Le succès des expériences répondit à tout ce raisonnement de M. Bernoulli, qu’il avoit fait sans aucune expérience préalable, excepté peut-être ce qui regardoit la pellicule formée sur la surface du vif-argent.

En effet, si on expose du vif-argent dans quelque vase à l’air libre, on trouvera au bout de quelque tems sa superficie extérieure trouble & couverte d’une pellicule très-mince, laquelle étant ôtée par le moyen d’une plume nette, la surface redevient polie : mais si on le laisse encore exposé à l’air, une autre pellicule, d’abord semblable à une toile d’araignée qui s’épaissit avec le tems, s’étendra par dessus. Cette pellicule paroît au microscope fort semblable à de l’argent battu en feuille : en effet, ce n’est qu’un tissu très-fin d’une espece de mousse ou de poil tres fin, qui séparée du vif-argent par l’agitation de l’air, est repoussée à la surface ; & se mêlant-là avec les corps hétérogenes que l’air y amene, forme cette espece de pellicule. Cette pellicule paroît plus ou moins dans toutes les liqueurs exposées à l’air ; elle est formée par les corpuscules qui s’exhalent & retombent ensuite dessus. Si on laisse tomber de la hauteur d’un pié seulement une goutte de vif-argent le plus net qu’il soit possible, dans un vase où il y en ait aussi de si net, que sa superficie soit polie comme celle d’un miroir ; la goutte tombant sur cette surface polie, la ternira à l’endroit où elle tombera ; preuve que toute nette qu’elle étoit, elle avoit été infectée de l’impureté de l’air : ainsi quand on fait tomber le vif-argent goutte-à-goutte dans le barometre, ces gouttes tombant les unes sur les autres, font crever les petites pellicules, qui bientôt après remontent à la surface, & se mettent entre la surface convexe du mercure & la surface concave du verre. En effet, si le tuyau étant ainsi rempli, on le renverse pour en faire le barometre en le fermant du bout du doigt, on verra que le mercure en descendant dans le tuyau, laissera en arriere des restes de cette pellicule attachés aux parois du verre.

En supposant que cette pellicule couvre exactement les pores de la surface du vif-argent, il sera aisé de concevoir qu’elle bouche le passage à la matiere renfermée dans le mercure, de même que le vif-argent qui passe par les peaux de presque tous les animaux, n’y sauroit passer quand on n’en ôte pas cette peau fine que les Medecins appellent épiderme, ou cuticule.

Rien de si nuisible à l’apparition de cette lumiere que l’humidité ; car si l’on fait entrer de l’eau dans le tuyau, bien disposé d’ailleurs, avec le vif-argent, ou même de l’esprit-de-vin rectifié (quoique l’esprit-de-vin soit par lui-même inflammable) ces matieres se mettant dans le tuyau au haut du vif-argent, font l’effet de la petite pellicule, qui est d’empêcher la lumiere. Il faut donc que le tuyau soit bien dégraissé & net en dedans. Cela posé, voici deux manieres pour empêcher que le mercure ne contracte d’impuretés en passant dans le tuyau.

Premiere maniere. Pour cela il faut plonger un tuyau d’environ trois piés de long dans un vase d’assez petite hauteur, plein de mercure, le faire tremper dans ce mercure assez profondément, & incliner ce tuyau à la surface du mercure contenu dans le vase, le plus