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ainsi, il paroît assez évident que les mêmes causes qui augmentent le poids de l’air, & le rendent plus propre à soûtenir le mercure dans le barometre, occasionnent pareillement le beau tems & le chaud ; & que la même cause qui rend l’air plus léger & moins capable de soûtenir le mercure, produit les nuages & la pluie : ainsi, 1°. quand l’air est très-léger & que le mercure du barometre est le plus bas, les nuées sont basses & vont fort vîte ; & quand après la pluie les nuages se dissipent & que l’air devenant calme & serein s’est purgé de ses vapeurs, il paroît extrèmement net, & on y peut voir des objets à une distance considérable.

2°. Quand l’air est plus grossier & que le mercure est haut dans le tube, le tems est calme, quoiqu’il soit en même tems quelquefois un peu couvert, parce que les vapeurs sont dispersées également : s’il paroît alors quelques nuages, ces nuages sont hauts & se meuvent lentement ; & quand l’air est très-grossier & très-lourd, la terre est ordinairement environnée de petits nuages épais, qui paroissent y être formés par les exhalaisons les plus grossieres, que l’air inférieur est encore capable de soûtenir, ce que ne peuvent plus faire les parties supérieures de l’air, qui sont trop légeres pour cela.

3°. Ainsi, ce qui est cause qu’en Angleterre, par exemple, le mercure est au plus haut degré dans le tems le plus froid quand le vent est nord ou nord-est, c’est qu’alors il y a deux vents qui soufflent en même tems, & de deux points à peu près opposés ; car il y a un vent de sud-ouest constant, qui souffle dans l’Océan atlantique à la latitude qui répond à l’Angleterre ; à quoi on peut ajoûter que le vent de nord y amene l’air froid & condensé des régions du nord.

4°. Dans les régions du nord la variation du mercure est plus sensible que dans celles du midi, les vents étant plus fréquens, plus violens, plus variables & plus opposés l’un à l’autre dans les pays septentrionaux que dans les méridionaux.

Enfin, il s’ensuit de-là qu’entre les tropiques la variation du mercure est très-peu sensible, parce que les vents y sont très-modérés, & qu’ils soufflent ordinairement dans le même sens.

Cette hypothese, quoiqu’elle paroisse propre à expliquer plusieurs mouvemens du barometre, n’est pas cependant à l’abri de toute critique ; car 1°. si le vent est le seul agent qui produise ces altérations, il ne se fera pas d’altération sensible si le vent ne l’est pas, & il n’y aura jamais de vent sensible sans variation du mercure, ce qui est contraire à l’expérience.

2°. Si le vent est le seul agent, les altérations de la hauteur du mercure doivent être en différens sens dans les différens lieux de la terre, selon que le vent y souffle ou n’y souffle pas ; ainsi, ce qu’un tube perdra à Londres, sera regagné sur un autre à Paris, ou à Zurich, &c. mais selon plusieurs Physiciens, on remarque le contraire ; car dans toutes les observations faites jusqu’à présent, les barometres de différens lieux, disent-ils, s’élevent & baissent en même tems, de sorte qu’il faut qu’il y ait une égale altération dans le poids absolu de l’atmosphere, qui occasionne ces variations. Ce fait est-il bien vrai ?

Enfin, en omettant toute autre objection, la chûte du mercure avant la pluie, & son élevation après la pluie, semblent être inexplicables dans cette hypothese ; car en supposant deux vents contraires qui chassent les colonnes d’air qui sont au-dessus de Londres, tout ce qu’ils pourront faire, sera de couper une certaine partie de l’air qui est au-dessus de Londres : en conséquence il pourra arriver que le mercure baisse, mais il n’y a pas de raison apparente pour que la pluie s’ensuive. Il est vrai que les vapeurs pourront s’abaisser, mais seulement jusqu’à ce qu’elles viennent dans un air de la même pesanteur spécifique

qu’elles, & arrivées là, elles y resteront sans descendre plus bas. Leibnitz a tâché de suppléer au défaut de cette hypothese, & d’en donner une nouvelle. Il prétend donc qu’un corps plongé dans un fluide, ne pese avec ce fluide que pendant qu’il en est soûtenu ; de sorte que quand il cesse de l’être, c’est-à-dire qu’il tombe, son poids cesse de faire partie de celui du fluide, qui par ce moyen devient plus léger. Ainsi, ajoûte-t-il, les vapeurs aqueuses, pendant qu’elles sont soûtenues dans l’air, augmentent son poids : mais quand elles tombent, elles cessent de peser avec lui, & le poids de l’air est diminué ; le mercure baisse donc, & la pluie tombe. Mais le principe de Leibnitz est faux, comme il paroît par les expériences du docteur Desaguliers. D’ailleurs, en supposant que les vapeurs par leur condensation sont forcées de descendre, & cessent de peser avec l’atmosphere, elles baisseront jusqu’à ce qu’elles arrivent à la partie de l’atmosphere, qui est de la même pesanteur spécifique qu’elles, &, ainsi que nous l’avons déjà dit au sujet de M. Halley, y resteront suspendues comme auparavant. Si le mercure baisse, ce sera seulement durant le tems de cet abaissement des vapeurs ; car les vapeurs étant une fois fixées & en repos, la premiere pesanteur renaîtra, pour ainsi dire, ou si elle ne revient pas, au moins la pluie ne suivra pas la chûte du mercure.

Quelques auteurs, pour expliquer ces mêmes variations, ont imaginé l’hypothese suivante. Que l’on suppose un nombre de vésicules d’eau flottantes sur une partie de l’atmosphere, & sur une partie déterminée de la surface du globe terrestre ; par exemple, sur A B, fig. 2 1 ; si les vésicules supérieures sont condensées par le froid des régions supérieures, leur gravité spécifique s’augmentera & elles descendront ; la couche horisontale 1, par exemple, descendra à 2, 2 à 3, &c. là se rencontrant avec d’autres vésicules qui ne sont pas encore précipitées, elles s’amoncelent & se changent en vésicules plus grandes, comme il doit s’ensuivre des lois de l’attraction.

Si nous choisissons le vent pour agent, supposons qu’il souffle horisontalement ou obliquement : dans le premier cas les vésicules 8 seront chassées contre 9, celles-ci contre 10, &c. dans le second cas la vésicule 7 sera chassée contre 4, 8 contre 3, &c. par ce moyen les particules s’augmenteront & formeront de nouvelles & de plus grandes vésicules qu’auparavant ; de sorte que leur nombre, qui auparavant étoit ; si l’on veut, un million, sera alors réduit, par exemple à 100000.

Mais la même réunion par laquelle leur nombre est diminué, augmente en quelque maniere leur pesanteur spécifique ; c’est-à-dire qu’il y a plus de matieres sous d’égales surfaces : ce qui est aisément prouvé par les principes géométriques ; car dans l’augmentation de la masse des corps homogenes, celle de la surface n’est pas aussi grande que celle de la solidité : celle de la premiere est comme le quarré du diametre ; & celle de l’autre, comme son cube.

Or lorsque la même quantité de matiere se trouve sous une moindre surface, elle doit perdre moins de son poids par la résistance du milieu : car il est évident qu’un corps qui se meut dans un fluide, perd une partie de sa pesanteur par le frottement de ses parties contre celle du fluide. Or ce frottement est évidemment en raison de la surface ; c’est pourquoi la surface devenant moindre à proportion de la masse, la résistance l’est aussi : conséquemment les vésicules, dont la pesanteur, avant la jonction, étoit égale à la résistance du milieu, trouvant cette résistance diminuée, descendront avec une vîtesse proportionnelle à la diminution réelle de leur surface.

Quand elles descendent & qu’elles arrivent aux parties plus grossieres de l’atmosphere, par exem-