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Il est dit dans la Genese, à l’occasion du déluge, que les cataractes du ciel furent ouvertes. Il y a apparence que le mot de cataractes en cet endroit, signifie un grand réservoir d’eau.

M. Newton a donné le nom de cataracte à la courbe que décrivent, selon lui, les particules d’un fluide qui s’échappe d’un vase par un trou horisontal. Voy. Hydrodynamique. (O)

Cataracte, s. f. (Hist. nat. Ornith.) catarracta Ald. oiseau qui approche beaucoup du gannet, voy. Gannet. Le dessous du corps, les ailes, & le dos, font d’une couleur brune roussâtre mêlée de blanc & de jaune ; toute la face supérieure est de couleur blanche mêlée de brun roussâtre : il a la bouche grande & large ; le bec est très-gros, pointu, crochu & fort, il est épais d’un pouce, & de couleur noire : le cou est un peu allongé ; les ailes s’étendent jusqu’à l’extrémité de la queue, qui est de la longueur d’un palme & de couleur noirâtre : les cuisses sont couvertes de plumes jusqu’à la jambe : les pates, les doigts, & la membrane qui joint les doigts ensemble, sont de couleur cendrée : les ongles sont noirs, crochus, & petits. La cataracte differe du gannet par la petitesse du corps & des ongles ; cependant Willughby soupçonne que ces deux noms devroient être rapportés au même oiseau, parce qu’il croit qu’Aldrovande a fait sa description sur une représentation & non pas sur l’oiseau naturel. Aldrovande, Willughby, Ornit. Voyez Oiseau. (I)

* Cataracte, s. f. (Hist. anc.) c’est ainsi que les anciens appelloient ces défenses que nous plaçons à l’entrée des villes de guerre, & que nous appellons herse. Voyez Herse.

Cataracte, ou Suffusion, (Chirurgie.) suivant l’opinion des anciens, est une membrane ou pellicule qui nage dans l’humeur aqueuse de l’œil, & qui se mettant au-devant de la prunelle, empêche la lumiere d’y entrer. Voyez Vûe.

Ils croyent que la cataracte est formée par la condensation des parties les plus visqueuses de l’humeur aqueuse entre la tunique uvée & le crystallin ; quoique quelques-uns pensent que cette pellicule est détachée du crystallin même, qui n’est qu’un composé de plusieurs petites pellicules appliquées les unes sur les autres. Voyez Crystallin.

Il y a deux sortes de cataractes, la vraie & la fausse : la vraie a plusieurs degrés & plusieurs noms différens : d’abord le malade voit des especes de brouillards, d’atomes, de mouches, &c. sur les objets exposés à sa vûe. Jusques-là la cataracte est appellée imaginaire, parce qu’il n’y a encore à l’œil aucun changement sensible dont d’autres personnes que le malade puissent s’appercevoir. A mesure que la suffusion augmente, la prunelle commence à prendre une couleur de verd de mer, ou quelquefois celle d’un air rempli de brouillards ; & alors la cataracte s’appelle chûte d’eau. Lorsque le mal est arrivé à son plus haut période, & que la matiere est suffisamment coagulée, le malade perd tout-à-fait la vûe ; la prunelle cesse d’être transparente, mais devient blanche ou brune, ou de quelqu’autre couleur ; & c’est en cet état que le nom de cataracte convient proprement à cette maladie.

Voilà la théorie commune sur les cataractes, à laquelle quelques Medecins & Chirurgiens modernes, tels que Heister, Brisseau, Maître-Jan, &c. en opposent & en substituent une nouvelle. Ils pensent que la membrane ou pellicule qui s’oppose au passage des rayons de la lumiere, n’est autre chose que le crystallin même qui a été ainsi condensé, & qui a perdu se transparence, & qu’alors au lieu de servir d’instrument à la vision, il y sert d’obstacle, en empêchant les rayons de pénétrer jusqu’à la rétine. Cette altération dans sa transparence est accompagnée

d’un changement de couleur : il devient quelquefois verdâtre ; & c’est pour cela que les Grecs ont appellé cette indisposition de l’œil glaucome. Ainsi dans le sentiment de ces auteurs, le glaucome & la cataracte sont la même chose ; quoique dans l’autre hypothese ce soient deux maladies fort différentes, dont l’une, à savoir la premiere, passe pour incurable, & non pas l’autre. Voyez Glaucome.

La principale preuve qu’on ait apportée en faveur de cette seconde hypothese, à l’académie royale des Sciences où elle a été proposée, est qu’après qu’on a abaissé la cataracte, la personne ne peut plus voir qu’à l’aide d’un verre lenticulaire. Or si on n’avoit rien fait qu’enlever une pellicule de devant le crystallin, il seroit après l’opération dans le même état qu’avant la formation de la cataracte, & feroit les mêmes réfractions ; & il ne seroit pas besoin de verre lenticulaire : au lieu qu’en supposant que c’est le crystallin qui a été enlevé, on conçoit qu’il faut un verre lenticulaire pour suppléer à sa fonction.

A cela on répond, qu’il y a eu des personnes qui ont vû après l’opération sans le secours d’aucun verre ; & il est du moins très-constant, qu’immédiatement après l’opération, bien des personnes ont vû très-distinctement ; & quoiqu’il ait fallu bientôt après un verre lenticulaire, les premiers instans pendant lesquels la personne a pu s’en passer, suffisent pour prouver que ce n’étoit point le crystallin qu’on avoit rangé.

M. de la Hire, en preuve de l’ancien système, apporte pour raison de la nécessité du verre lenticulaire après l’opération, que le vice qui a produit la cataracte est encore subsistant dans l’humeur aqueuse, qui étant trouble & épaisse, ne laisse passer que peu de rayons ; inconvénient à quoi on remédie par le verre lenticulaire qui en réunit un plus grand nombre sur la rétine. Il ajoûte quelques expériences faites sur des yeux de bœufs, d’où il résulte que le crystallin ne sauroit être rangé entierement au fond de l’œil, mais qu’il en reste toûjours assez pour empêcher le passage d’une grande partie des rayons, tant à cause de son volume, que parce qu’il est soûtenu par l’humeur aqueuse & vitrée. Il observe de plus que dans l’opération de la cataracte, l’aiguille pourroit égratigner la surface antérieure du crystallin, & ouvrir la membrane qui lui sert d’enveloppe ; d’où s’ensuivroient des rides qui rendroient les réfractions irrégulieres, & changeroient la direction des rayons qui se rencontreroient tous au même point ; au moyen de quoi la représentation des objets se feroit d’une maniere imparfaite. Il prétend enfin que si c’étoit le crystallin qui fût dérangé, la personne ne verroit plus du tout, parce que les réfractions nécessaires pour la vision, ne pourroient plus se faire du tout. Voyez Crystallin & Vision.

M. Antoine rapporte, en faveur du sentiment opposé, qu’en disséquant le corps d’une personne à qui on avoit fait l’opération de la cataracte aux deux yeux, il avoit trouvé les deux crystallins actuellement couchés & rangés au fond, entre l’humeur vitrée & la tunique uvée, où l’aiguille les avoit laissés, & que la personne néanmoins après cette opération, n’avoit pas laissé de voir ; d’où il infere que le dérangement du crystallin est pratiquable, & peut ne pas détruire la vision. En effet, on peut supposer que l’humeur vitrée & aqueuse, après qu’on a écarté le crystallin, est venue remplir la cavité, qu’elle a pris la forme de son moule, & a produit les réfractions que l’humeur crystalline produisoit elle-même ; car il est constant par l’expérience que l’une & l’autre de ces deux humeurs produit les mêmes réfractions. Voyez Œil.

Cependant pour faire voir qu’il y a des cataractes