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dans ce système le quatrieme chef sous le nom de PHILOSOPHIE.

C’est sans doute par l’acquisition des connoissances & par l’amas des vérités, que l’esprit s’enrichit : mais ici comme ailleurs, il faut faire usage de ce que l’on possede pour en tirer satisfaction. Cet usage ne se trouve que dans la communication avec les autres êtres de notre espece ; & cette communication ne pouvant se faire par une voie plus naturelle ni plus commode que par le moyen de la parole, il en résulte dans les hommes un penchant vif à vouloir briller, flatter, & amuser par le discours. L’on ne doit donc pas être surpris s’ils se sont appliqués à cultiver le langage, & si quelques-uns préférant les amusemens du bel esprit au travail pénible des recherches savantes, se sont attachés à l’éloquence, à la poësie, à la critique, à la pureté des expressions ; enfin à tout ce qui dépend du feu de l’imagination, & à ce qui concerne les regles & les graces de la parole, compris sous le titre de PHILOLOGIE.

Le bonheur étant le but que tout être sensible & intelligent envisage, il est naturel que l’homme ne néglige rien de tout ce qu’il croit être propre à le rendre heureux. C’est par ce desir du bien être, & par la nécessité de pourvoir à ses besoins réels ou imaginaires, que son industrie a été excitée ; qu’en étudiant ce qui plaît aux sens comme ce qui orne l’esprit, il a donné naissance aux Arts. Ce qui les regarde fait le sixieme & dernier chef de ce système sous le titre de TECHNOLOGIE.

M. l’abbé Girard divise donc toute la Littérature en six genres qui sont :

THEOLOGIE, NOMOLOGIE, HISTORIOGRAPHIE, PHILOSOPHIE, PHILOLOGIE, TECHNOLOGIE.

Cette premiere division, toute simple qu’elle est, répond à toute l’étendue de la Littérature, n’y ayant aucun ouvrage que l’on ne puisse rapporter à ces six chefs : mais quoique juste, elle est encore trop générale pour démêler les différences de tout ce qui est écrit, & y établir un ordre parfait. M. l’abbé Girard entre donc dans un plus grand détail, & divise chacun de ces six genres en six classes, & chaque classe en deux ordres.

THÉOLOGIE. Textes, Commentateurs, Dogmatiques, Prédicateurs, Mystiques, Liturgiques.

Ce premier genre de Littérature ne se borne pas dans le système de l’érudition générale, comme dans celui de l’érudition scholastique, à ce qui regarde seulement la religion Chrétienne. D’une bien plus vaste étendue, il embrasse toutes les religions de l’univers présentes & passées, qui se rapportent toutes à six especes générales ; savoir, Christianisme, Judaïsme, Mahométisme, Paganisme, Déisme, & Athéisme.

La religion Chrétienne se divise en trois communions principales ; Romaine, Greque, & Protestante.

La Théologie Juive a produit différens partis : le premier de tous les schismes y fut une suite des factions de l’état ; la desunion des tribus forma de l’ancien Israëlite le Juif & le Samaritain. Ensuite parurent dans le sein du Judaïsme les Esséniens, Pharisiens, & Saducéens, dont les Caraïtes ont pris la place. Ces derniers sont parmi les Juifs ce que les Réformés sont parmi les Chrétiens.

Dans le Mahométisme il y a deux sectes ; celle d’Omar, & celle d’Haly.

Le caractere du Paganisme est la pluralité des dieux : tous les livres écrits sur ces six différentes especes de religions font, comme nous l’avons dit,

l’objet de la Théologie considérée comme portion d’un système bibliographique. Nous allons présentement rendre compte des sous-divisions en deux ordres de chacune des six classes.

Les Textes, ce sont les écrits qu’on regarde dans chaque religion comme dépositaires authentiques de la croyance & du culte qu’on y professe ; ils sont ou sacrés ou ecclésiastiques.

Les Textes sacrés partent des Législateurs, & sont respectés comme divins : tels sont chez les Chrétiens les livres de l’ancien & du nouveau Testament ; chez les Juifs, la Bible ; chez les Mahométans, l’Alcoran ; chez les Chinois, les ouvrages de Confucius ; & dans l’ancien paganisme, les oracles des Sibylles, &c. Les Textes sacrés, en langues qui ont été ou qui sont d’usage dans les églises, se nomment versions : ceux qui sont en langues vulgaires, & qu’on lit simplement dans le particulier, sont nommés traductions.

Les Textes ecclésiastiques sont les décisions ou constitutions faites par le concours des principaux chefs d’une religion, reçues & acceptées comme lois émanées d’une autorité sainte, & comme regles indispensables de foi & de conduite. Tel est parmi les Juifs le Thalmud, & tels sont parmi nous les conciles divisés en généraux, nationaux & provinciaux.

Les Commentateurs font ou des interprétations ou des dissertations sur les Textes.

Les Dogmatiques se divisent en Docteurs & en Casuistes.

Les Docteurs sont ceux qui enseignent méthodiquement la doctrine divine. Ceux dont les opinions ont acquis de l’authenticité, sont appellés Peres de l’Eglise, Grecs & Latins, & sont regardés comme dépositaires de la doctrine divine à laquelle on donne le nom de tradition. Les Docteurs modernes sont appellés scholastiques.

Les Casuistes s’attachent à marquer la distinction précise de ce qui est permis ou défendu par la loi & la morale du système reçu dans la société.

Les Prédicateurs se divisent en orthodoxes & en sectaires.

Les Mystiques sont ou contemplatifs ou ascétiques.

Les contemplatifs ne présentent dans leurs écrits que des réflexions spéculatives ou épanchemens de cœur pour nourrir la devotion, faire aimer & estimer les choses divines préférablement aux temporelles.

Les ascétiques, persuadés que la seule contemplation ne suffit pas pour attacher l’homme à Dieu, s’occupent à écrire des maximes & des regles de conduite ; à proposer certaines pratiques de prieres & de mortification, &c.

Les Liturgiques traitent de ce qui concerne le service divin, & la pratique du culte extérieur, d’où se forment les rituels & les eucologies.

Les rituels reglent l’ordre & le cérémonial de l’office, & des fonctions ecclésiastiques, conformément aux usages de chaque église.

Les eucologies n’ont pour objet que la priere, soit publique, soit particuliere.

NOMOLOGIE, Discipline, Droit civil, Corporologie, Ethicologie, Thesmologie, Praxeonomie.

Ce genre embrasse tout ce qui traite de l’avantage que les hommes trouvent à être réunis en corps de société, dont la conservation est indispensablement attachée à l’observation des lois. Ces six classes sont distinguées par la diversité des liens qui attachent ou associent les hommes les uns aux autres. Ces liens sont ou église, ou patrie, ou congrégation, ou mœurs, ou usages, ou actions communes.

La Discipline dans ce système général de Litté-