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depuis le bout du museau jusqu’à l’extrémité de la queue ; & sa plus grande longueur de près d’un pié : il pesoit plus de trente livres. Il avoit du poil sur tout le corps, à l’exception de la queue, & ce poil étoit de deux sortes mélées ensemble ; l’une avoit environ un pouce & demi de longueur ; celui-là étoit gros comme des cheveux, fort luisant, de couleur brune, tirant un peu sur le minime ; il donne la principale couleur au castor ; sa substance étoit ferme, & si solide, qu’on n’y appercevoit aucune cavité avec le microscope : cependant M. Sarrasin, medecin du Roi en Canada, dit qu’on y remarque dans le milieu une ligne qui est beaucoup moins opaque que les côtés, & qui fait conjecturer que le poil est creux. Mém. de l’Ac. des Scienc. ann. 1704. L’autre sorte de poil n’avoit qu’environ un pouce de longueur ; il étoit beaucoup plus abondant que le premier ; il paroissoit aussi plus délié, & si doux, qu’il ressembloit à de la soie ; c’est un duvet très-fin & très-serré, qui garantit le castor du froid, & qui sert à faire des chapeaux & des étoffes : il ne reste que ce duvet dans les peaux qui ont servi de vêtemens & de couvertures de lits aux sauvages : il est le plus recherché, parce qu’étant engraissé par la matiere de la transpiration, il se foule beaucoup mieux. Le duvet du castor est garanti de la boue par le poil le plus long, lorsque l’animal est en vie & qu’il travaille.

Il y avoit cinq pouces & demi depuis le bout du museau jusqu’au derriere de la tête, & cinq pouces de largeur à l’endroit des os qui font l’éminence des joues ; de sorte que la tête étoit presque quarrée : les oreilles étoient rondes & fort courtes, revêtues de poil par le dehors, & presque sans poil au-dedans. Les yeux du castor sont fort petits : l’ouverture des paupieres n’a qu’environ quatre lignes ; la cornée est ronde, & l’iris d’un bleu foncé. Les dents incisives, qui sont au nombre de deux en chaque mâchoire, étoient tranchantes dans le castor dont la description a été faite, comme celles des écureuils, des porcs-épics, des rats, &c. celles d’en-bas avoient plus d’un pouce de longueur ; celles d’en-haut n’avoient qu’environ dix lignes ; elles glissoient au-dedans des autres lorsqu’on fermoit la bouche de l’animal ; elles étoient demi-rondes par-devant, & comme taillées en biseau de dedans en-dehors ; en-dedans leur couleur étoit blanche, & en-dehors d’un rouge clair tirant sur le jaune ; les unes & les autres étoient larges d’environ trois lignes au sortir de la mâchoire, & de plus de deux lignes à leur extrémité ; il y avoit seize dents molaires, huit de chaque côté, quatre en haut & quatre en bas ; elles étoient directement opposées les unes aux autres.

Ce castor avoit cinq doigts à chaque pié ; ceux des piés de derriere étoient joints ensemble par des membranes, comme ceux d’une oie ; les piés de devant avoient les doigts séparés, & étoient faits comme la main d’un homme, excepté qu’ils étoient couverts de poil, & que les ongles étoient longs & pointus ; les piés de devant avoient six pouces & demi de longueur depuis le coude jusqu’à l’extrémité du plus grand doigt, & trois pouces depuis le commencement de la main jusqu’à cette extrémité du plus grand doigt ; les piés de derriere avoient six pouces depuis l’extrémité du talon jusqu’au bout du plus long des doigts, qui étoit le second ; les ongles étoient taillés de biais, & creux par-dedans comme des plumes à écrire ; il y avoit à la partie externe de chaque pié de devant & de derriere, un petit os qui faisoit une éminence, & qu’on auroit pû prendre pour un sixieme doigt s’il avoit été séparé du pié.

La queue avoit environ onze pouces de longueur, deux pouces de largeur à la racine, & trois pouces dans le milieu, le bout étoit terminé en ovale, l’épaisseur étoit de près de deux pouces vers la racine,

d’un pouce dans le milieu, & de cinq lignes & demie à l’extrémité, ses bords étoient ronds, & beaucoup plus minces que le milieu : elle étoit couverte d’une peau garnie d’écailles jointes ensemble par une pellicule, épaisse comme un parchemin, longue au plus d’une ligne & demie, d’un gris brun un peu ardoisé, & pour la plûpart d’une figure hexagone irréguliere. Il sortoit un, deux, ou trois petits poils d’environ deux lignes de longueur, entre les écailles du dessous de la queue. En corroyant la peau de ce castor, les écailles de la queue tomberent, mais leur figure y demeura empreinte. La chair de la queue étoit assez grasse, & avoit beaucoup de conformité avec celle des gros poissons.

Les parties de la génération du castor ne sont pas apparentes au-dehors lorsqu’il n’y a point d’érection ; on ne voit dans le mâle & dans la femelle qu’une ouverture, qui étoit située, dans le castor dont nous suivons la description, entre la queue & les os pubis. Trois pouces & demi plus bas que ces os, pour reconnoître le sexe, il faut pincer plus que la peau qui est entre l’os pubis & cette ouverture ; on y sent dans le mâle la verge qui est dure, grosse, & longue comme le doigt. L’ouverture avoit une figure ovale, longue d’environ neuf lignes, & large de sept ; elle se dilatoit & se resserroit aisément, non pas par le moyen d’un sphincter, mais simplement comme une fente qui se ferme en s’allongeant. Les gros excrémens, l’urine, & même la verge, passent par cette ouverture ; parce que la verge est renfermée dans un conduit qui est couché sur le rectum, & qui aboutit à l’ouverture commune, de même que le rectum : le vagin y aboutit aussi dans les femelles.

Il y avoit aux parties latérales du dedans de l’extrémité du rectum, deux petites cavités, une de chaque côté ; & on sentoit à-travers la peau du dehors deux éminences, qui sont les poches ou vessies dans lesquelles le castoreum est renfermé. Après avoir écorché l’animal, on découvrit à l’endroit où on avoit remarqué les éminences, quatre grandes poches situées au-dessous des os pubis. Les deux premieres étoient placées au milieu, & plus élevées que les deux autres ; elles avoient toutes deux prises ensemble, la forme que l’on donne à un cœur. Leur plus grande largeur étoit d’un peu plus de deux pouces ; & la longueur depuis le haut de chacune de ces poches jusqu’à l’ouverture commune & extérieure dans la quelle elles communiquoient, étoit aussi d’environ deux pouces. Il y avoit au-dedans de ces poches une tunique qui paroissoit plus charnue que glanduleuse ; elle étoit rougeâtre, & avoit au-dedans plusieurs replis semblables à ceux de la caillette d’un mouton. Ces replis contenoient une matiere grisâtre de fort mauvaise odeur, qui étoit adhérente : ces mêmes replis s’étendoient dans les deux poches qui avoient communication l’une avec l’autre vers le bas par une ouverture de plus d’un pouce, & qui n’étoient séparées que par le fond. Au bas de ces deux premieres poches, il y en avoit deux autres, l’une à droite & l’autre à gauche. Leur figure ressembloit à celle d’une poire longue & un peu applatie ; leur longueur étoit de deux pouces & demi, & la largeur de dix lignes. Ces deux poches inférieures étoient étroitement jointes avec les supérieures vers l’ouverture commune.

Il y a lieu de croire que la matiere du castoreum passe des premieres poches dans les secondes pour s’y perfectionner : aussi ces secondes poches étoient-elles d’une structure différente de celle des premieres ; elles étoient composées de glandes qui formoient à l’extérieur des éminences rondes, dont les plus grandes n’excédoient pas une lentille de grandeur moyenne. Ayant ouvert l’une de ces secondes poches par le fond, on y trouva une liqueur d’une odeur