que l’on se trouve près des ennemis dans une bataille : on dit alors tirer à cartouche.
Les gargouges sont de papier, parchemin, ou toile : les meilleures & les plus sûres sont celles qui sont faites de parchemin, parce que le feu ne s’y attache point ; le parchemin ne fait que griller, sans s’attacher à la piece. Le papier & la toile ont cette incommodité, qu’ils laissent presque toûjours quelque lambeau accroché au métal de l’ame de la piece avec du feu ; ce qui a souvent causé de fort fâcheux accidens, & ordinairement ces malheurs arrivent quand on est près de l’ennemi & pressé : car quand il faut servir une piece, les canoniers négligent d’écouvillonner ; la nouvelle gargouge que l’on fourre dans la piece rencontrant ce papier ou cette toile allumée, prend feu, & en ressortant de la piece, brise avec la hampe de la lanterne ou de l’écouvillon les bras & les jambes de ceux qui chargent, & les tue fort souvent.
Lorsque l’on sera obligé de se servir de papier ou de toile dans l’occasion, il ne faut pas oublier d’écouvillonner à chaque coup, & pour celles de parchemin, de trois en trois coups.
La longueur des gargouges sera de quatre calibres de la piece où elles devront servir, dont un demi-calibre servira à fermer le cul, & un autre pour fermer le dessus quand la poudre y sera ; cette poudre doit être charge ordinaire. Celles de parchemin ne feront qu’un tour, avec un peu plus de largeur pour la couture : elles seront trempées dans le vinaigre, afin de les coudre plus facilement. A celles de toile la largeur de la couture doit être en-dedans la gargouge ; les ourlets seront froncés avec de la ficelle.
L’on pourra aux gargouges de toile laisser deux calibres de plus, au-dessus de ce qui sera froncé quand elles seront pleines de poudre : cela sert à y mettre des balles de plomb ou de la mitraille, le tout bien fermé : l’on en pourra faire autant avec le parchemin, & alors elles se nomment cartouches. Elles sont bonnes pour tirer promptement & de près. Quand on pourra avoir des cartouches de fer blanc, elles vaudront mieux ; elles portent plus loin : elles auront de longueur un calibre demi-quart, le diametre comme les gargouges, fermées par un bout de fer blanc ainsi qu’une mesure ; & lorsqu’on aura rempli la cartouche de balles à la hauteur d’un calibre, l’on y fera entrer un tampon de bois long d’un demi-calibre, sur lequel on attachera avec des clous les bords de la cartouche. En les fourrant dans l’ame des pieces, il faudra prendre garde que le côté du tampon soit mis le premier dans la piece.
L’on fait encore des cartouches en pomme de pin : c’est un boulet de même fer que les autres, qui fait le noyau de la cartouche : sa figure est en pyramide ronde ; la base est égale au calibre d’un boulet proposé pour la piece avec laquelle on voudra la tirer ; sa hauteur est d’un calibre & demi. On le trempe dans la poix goudronnée, ensuite on le roule sur des balles de plomb ; & quand il est bien couvert de balles de plomb, on le trempe dans le même goudron, après quoi on peut s’en servir, en poussant le gros bout devant dans la piece.
Mais les cartouches de fer blanc valent mieux sur terre, & coûtent moins de tems à faire : les pommes de pin sont bonnes pour tirer sur mer ; car outre que les balles qui y sont attachées en s’ecartant blessent bien des gens sur le grand pont, le noyau fait encore bien du fracas où il touche.
L’on peut aussi remplir les cartouches de fer blanc de toutes sortes d’especes de ferraille. Si l’on manque de matieres dans les occasions pour faire des gargouges & cartouches, l’on pourra charger le canon à l’ordinaire, & y mettre par-dessus le fourrage de la ferraille, des balles de plomb, ou des petits bou-
façon les pieces en souffriront davantage ; mais dans l’occasion le génie doit suppléer au défaut de ce qui manque. Mém. d’Artil. de S. Remy. (Q)
Cartouche : on appelle ainsi toutes sortes de boîtes de carton, cubiques, sphériques, cylindriques, ou mixtes, dans lesquelles on renferme les matieres combustibles des artifices, pour en déterminer & varier les effets ; les cylindriques sont les plus ordinaires. Ce mot est masculin chez les Artificiers, & féminin pour les charges des armes à feu : on dit dans l’exercice, déchirez la cartouche avec les dents.
On peut faire les cartouches de différentes matieres, comme de bois, de toile, de parchemin, de carton, & de papier. Ceux de bois ne sont plus en usage, à cause des inconvéniens qu’on y a trouvés : premierement, tous les bois n’y sont pas propres ; il faut en choisir de lians, de doux, & de légers, comme le tilleul, le saule, & autres semblables : secondement, il faut des ouvriers accoûtumés à les creuser & tourner proprement, & d’une figure très-uniforme ; ce qu’on ne trouve point partout : troisiemement, ils sont sujets à se fendre pendant qu’on les charge, ou à crever lorsque l’artifice s’enflamme, desorte qu’ils lancent des éclats qui peuvent blesser les spectateurs. Les cartouches de toile ne sont propres qu’à renfermer les artifices destinés pour l’eau ; parce qu’on a soin de les goudronner pour empêcher qu’elle ne penetre au-travers. Le parchemin seroit assez bon pour faire les cartouches : mais c’est une matiere trop chere, difficile à manier, & qui se tourmente aisément ; il vaut donc mieux se servir de carton ou de bon papier.
On trouve à Paris du carton pour les fusées, qu’on appelle carte de moulage, dont les épaisseurs sont désignées par le nombre des feuilles du gros papier collé dont il est composé, comme un, deux, trois, quatre, cinq, six, jusqu’à huit ; on achete de gros papier gris, qui est très-commun ; on en colle deux ou trois feuilles ensemble, plus ou moins suivant la force & l’épaisseur qu’on veut donner au carton, eu égard à l’emploi qu’on en veut faire. Pour les petits cartouches, celui de deux feuilles suffit ; pour les plus gros, on en met trois, & même quatre, cinq, & six.
Pour les coller, on prépare de la pâte de farine liquide qu’on fait un peu cuire, ayant soin de la bien délayer, à laquelle on peut ajoûter, si l’on veut, de la colle forte. On l’étend avec une brosse sur la premiere feuille de papier, pour y en appliquer une seconde ou une troisieme qui forme la feuille de carton ; on arrange ensuite toutes les feuilles de carton qu’on vient de faire en une pile, comme celles d’un livre, sur laquelle on met un bout de planche unie qu’on charge d’un poids capable de les presser & applanir, afin que les feuilles ne laissent aucun vuide entr’elles, & que la colle prenne également partout.
Après avoir ainsi laissé les feuilles de carton en presse pendant quelques heures, on les disperse dans un lieu couvert pour les faire sécher doucement ; & supposé qu’elles viennent à se tourmenter, on les remet encore sous la presse. De cette maniere on a du carton uni, & d’une épaisseur convenable à la grandeur des cartouches qu’on veut faire.
Les cartouches les plus usités sont de figure cylindrique, parce qu’après la sphérique, il n’y en a point de plus simple, ni de plus propre à contenir les matieres : elle a même cet avantage sur la sphérique, qu’on peut les y fouler autant qu’on veut, & d’une égale compression ; ce qui est nécessaire à la formation de la plûpart des artifices.
Pour former ces sortes de cartouches, il faut avoir