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perent la place qu’occupent les cochers dans nos carrosses de voiture. Chambers.

Les carrosses sont de l’invention des François, & par conséquent toutes les voitures qu’on a imaginées depuis à l’imitation des carrosses. Ces voitures sont plus modernes qu’on ne l’imagine communément. L’on n’en comptoit que deux sous François I. l’une à la reine ; l’autre à Diane, fille naturelle de Henri II. Les dames les plus qualifiées ne tarderent pas à s’en procurer ; cela ne rendit pas le nombre des équipages fort considérable ; mais le faste y fut porté si loin, qu’en 1563, lors de l’enregistrement des lettres-patentes de Charles IX. pour la réformation du luxe, le Parlement arrêta que le Roi seroit supplié de défendre les coches par la ville ; & en effet, les conseillers de la cour, non plus que les présidens, ne suivirent point cet usage dans sa nouveauté ; ils continuerent d’aller au Palais sur des mules jusqu’au commencement du dix-septieme siecle.

Ce ne fut que dans ce tems que les carrosses commencerent à se multiplier ; auparavant il n’y avoit guere que les dames qui s’en fussent servies. On dit que le premier des seigneurs de la cour qui en eut un, fut Jean de Laval de Bois-Dauphin, que sa grosseur excessive empêchoit de marcher & de monter à cheval. Les bourgeois n’avoient point encore osé se mettre sur le même pié : mais comme cette voiture, outre sa grande commodité, distingue du commun, l’on passa bien-tôt par-dessus toute autre considération ; d’autant plus qu’on n’y trouva aucun empêchement de la part du prince ou des magistrats. De-là vint cette grande quantité de carrosses, qui se firent pendant les regnes de Louis XIII, de Louis XIV, & de Louis XV. Il y en a, à ce qu’on croît, à peu près quinze mille de toutes sortes à Paris seulement ; au reste, on ne sera pas surpris de ce nombre, si on le compare à celui des seigneurs qui l’habitent, & des riches citoyens qui y sont établis, & à la facilité d’y entretenir des chevaux par le bon ordre de la police, qui y procure sans cesse l’abondance des grains & des fourages, & qui veille au dehors & au dedans sur le prix des choses, & sur la conduite du marchand & de l’ouvrier. Au reste M. l’abbé Gedoyn dans un de ses ouvrages, déploré fort cette multiplicité de carosses, qu’il regarde comme une des principales causes de la décadance des lettres, par la facilité qu’elle apporte à la dissipation.

Les carrosses ont eu le sort de toutes les nouvelles inventions, qui ne parviennent que successivement à leur perfection. Les premiers qu’on fit étoient ronds & ne tenoient que deux personnes ; on leur donna dans la suite plus de capacité, on les fit quarrés, & on s’y asseyoit quatre personnes ; ils étoient fermés par devant, comme le sont encore ceux de loüage. On peut dire qu’il ne manque plus rien aujourd’hui soit à leur commodité, soit à leur magnificence ; ils sont ornés en dehors de peintures très-finies, & garanties par des vernis précieux ; ils sont couverts en dedans de velours.

Les parties de menuiserie sont élégamment sculptées ; celles du charronage ont des moulures & des dorures ; le Serrurier y a étalé tout son savoir-faire par l’invention des ressorts doux, plians, & solides ; le Sellier n’y a rien négligé dans les parties en cuir. On a publié quelques lois somptuaires pour modérer la dépense excessive de ces voitures : il a été défendu d’y employer l’or & l’argent ; mais l’exécution de ces défenses a été négligée.

On distinguoit jadis deux sortes de carrosses, les uns à arcs de fer, les autres sans arcs : mais l’usage des arcs a passé. Voyez Arc de Charron. Les parties principales du carrosse sont l’avant-train, le train, le bateau, l’impériale, les quenouilles, les fonds, les portieres, les mantelets, les gouttieres,

les roues, le timon, l’arriere-train, &c.

Les carrosses ont différens noms, eu égard à leur structure ; il y a des carrosses proprement dits, des carrosses coupés, des caleches, des berlines, &c. ils en ont aussi d’autres, eu égard à leur usage ; & il y a des carrosses de campagne, des carrosses de voiture, des carrosses de loüage, &c. Voyez Pl. du Sellier-Carrossier, des figures de la plûpart de ces voitures.

Le carrosse proprement dit, est à quatre places ; le carrosse coupé n’a qu’un fond sur le derriere, & un strapontin sur le devant. Si la voiture est légere, a des roues très-basses, est ouverte de toutes parts, à un, à deux, à trois rangs de places où l’on est assis, non le visage tourné les uns vers les autres, comme dans les carrosses ordinaires, mais pour ainsi dire de front, chaque rang ayant son dossier ; on l’appelle caleche. Il y a des chaises de cent façons différentes. Voyez Chaise. Il y a des carrosses de voiture, qui servent à transporter les voyageurs d’une ville dans une autre. Voyez Coche.

Quelque grand que fût le nombre des carrosses sous Louis XIV. l’usage en paroissoit encore reservé aux grands & aux riches ; & ces voitures publiques, qui sont maintenant à la disposition des particuliers, n’étoient point encore établies. Ce fut un nommé Sauvage à qui cette idée se présenta ; son entreprise eut tout le succès possible : il eut bien-tôt des imitateurs. Sauvage demeuroit rue S. Martin, à un hôtel appellé S. Fiacre ; c’est de-là qu’est venu le nom de Fiacre, qui est resté depuis & à la voiture & au cocher. En 1650, un nommé Villerme obtint le privilége exclusif de loüer à Paris, de grandes & de petites carioles. M. de Givri en obtint un pour les carrosses : il lui fut accordé par lettres-patentes du mois de Mai, de 1657, de placer dans les carrefours, & autres lieux publics, des carrosses à l’heure, à la demi-heure, au jour, qui meneroient jusqu’à quatré à cinq lieues de Paris. L’exemple de M. de Givri encouragea d’autres personnes à demander de pareilles graces ; & l’on eut à Paris un nombre prodigieux de voitures de toute espece. Les plus en usage aujourd’hui sont les carrosses appellés fiacres, les broüettes, les chaises à porteur, & les voitures pour S. Germain, Versailles, & autres lieux circonvoisins de Paris, sans compter les voitures d’eau. Voyez Coche, de Terre, COche d’Eau, &c.

Les fiacres ou carrosses de place se payent ici vingt-quatre sous la premiere heure, & vingt sous les autres : mais il me semble que la police de ces voitures pourroit être perfectionnée, en instituant sur les places un officier qui reçût leur salaire & qui les fît partir, & en leur défendant de prendre personne dans les ruës & de s’y arrêter ; par ce moyen, ils ne mettroient pas le public à contribution, & ne voleroient pas leurs maîtres. Ce sont les commissaires qui font ici la police des fiacres ; ainsi qu’à Londres où les fiacres ont des numeros derriere, comme parmi nous. Le prix qu’on doit leur payer le tems, a été fixé par le quatrieme statut de Charles II. confirmé par d’autres de la cinquieme & sixieme année de Guillaume III. il leur est dû pour une journée entiere de douze heures, dix sols sterlin ; pour une heure seule, un sous six deniers ; pour chaque heure après la premiere, un sou : ils sont obligés de mener à ce prix tous ceux qui s’en servent jusqu’à dix milles de Londres.

CARROSSIER, s. m. ouvrier qui fait & qui vend des carrosses ; il y a dans la ville de Paris une communauté considérable de maîtres Carrossiers, qui sont plus connus sous le nom de Selliers. Ils ont dans leurs statuts la qualité de maîtres Selliers-Lormiers-Carrossiers. Voyez Sellier.

CARROUSEL, s. m. course de charriots & de chevaux, ou fête magnifique que donnent des princes ou des grands seigneurs dans quelque réjoüissance