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exactes. Les uns n’ont pas représenté les moustaches qui sont au-dessus de la levre supérieure, & celles qui sont au coin des deux levres. Les autres n’ont pas marqué les rayons qui sont sur les écailles, ou la ligne qui se trouve dans toute la longueur du corps sur les deux côtés de la carpe, ou encore la différence de la grosseur du ventre des carpes laitées & des carpes œuvées. La figure de Willughby est fort belle ; celle de Rondelet bien plus exacte, & celle de M. Petit encore davantage.

Les écailles. Tous les poissons sont revêtus de peau ou d’écailles, tant dans la mer & les rivieres, que dans les étangs & les lacs. La carpe est peut-être celui de tous les poissons qui a de plus grandes écailles, à proportion de sa grandeur. Dans la même carpe il y en a de brunes, de jaunes, & de blanches ; la couleur brune domine dans les plus grandes écailles ; dans les moyennes c’est la jaune & la dorée : on trouve ces trois couleurs dans chacune des grandes écailles. En général plus les carpes sont grandes, plus les écailles sont brunes, quoi qu’en dise Rondelet.

Les plus grandes écailles occupent le milieu des côtes de la carpe par rapport à sa longueur ; plus elles sont près de la tête, plus elles sont petites.

Les écailles de moyenne grandeur sont du côté de la queue ; les plus petites sous le ventre, & sont d’autant plus petites, qu’elles sont plus près de la tête.

Dans les carpes les plus communes, qui sont de 16 à 18 pouces de longueur tout compris, ou de 9 à 10 pouces entre œil & bas, c’est-à-dire, entre la tête & la queue ; les plus grandes écailles ont 7 lignes jusqu’à 8 lignes de longueur, & 6 lignes jusqu’à 6 lignes & de largeur. Il s’en trouve assez souvent qui sont aussi larges que longues ; elles sont épaisses de ou de ligne : en général, plus elles sont petites, plus elles sont allongées. Lorsqu’elles sont encore sur la carpe, il n’en paroît tout au plus que le tiers qui est coloré ; cette partie externe est souvent d’un jaune un peu rembruni, couleur qui paroît être dans la propre substance de l’écaille ; car on ne peut l’ôter entierement en raclant l’écaille, qu’on n’en enleve une portion, hors un endroit qui appartient à la membrane qui attache les écailles, & c’est aussi l’endroit le plus brun sur l’écaille ; il y a sur cette partie externe des lignes en forme de rayons.

Le dessous de l’écaille opposé à cette partie externe, est argenté au moyen d’une membrane extremement fine qui porte cette couleur, que l’on enleve facilement avec la membrane, & qui laisse l’écaille blanche en cet endroit.

Toutes les écailles tiennent ensemble par le moyen des membranes qui les enveloppent : mais tout cela n’empêche pas qu’il n’y ait un peu de jeu dans les écailles, les unes à l’égard des autres ; sans cela la carpe ne pourroit se courber vers les côtés, comme elle fait dans ses mouvemens. Ces membranes tiennent très-fortement à la membrane tendineuse qui enveloppe tout le corps de la carpe, & en sont une continuité.

Si l’on examine bien la partie externe de la carpe, on remarque une ligne brune de chaque côté qui s’étend depuis la tête jusqu’à la queue. Cette ligne paroît brune, parce que la membrane qui attache la partie inférieure de l’écaille, est très-brune dans le milieu ; quelquefois elle est rouge.

On trouve dans la substance des écailles, où l’on voit cette ligne, un canal long de deux lignes ou deux lignes & demie, qui a environ un quart de ligne de diametre. On peut y introduire une petite épingle de cette grosseur : mais elle y entre plus facilement par la partie interne & inférieure, que par la partie externe & supérieure de l’écaille. Ce canal va

de haut en bas de cette écaille, ou de bas en haut, & obliquement de dehors en dedans ; il se continue d’une écaille dans l’autre successivement depuis la tête jusqu’à la queue : il y a entre chaque écaille un petit canal membraneux qui en fait la continuité.

Après avoir observé ce qu’il y a de plus singulier dans les parties externes de la carpe, il faut venir aux parties internes.

Division de la carpe. On peut diviser la carpe en quatre parties : 1°. la tête, 2°. la poitrine, 3°. le bas-ventre, 4°. la queue. La tête se prend depuis le museau jusqu’à l’extrémité des couverts des ouies, vis-à-vis desquelles se trouve la poitrine ; car il n’y a point de cou entre la tête & le tronc de la carpe. La poitrine est séparée du bas-ventre par le diaphragme ; elle renferme seulement le cœur, & une partie considérable des reins ; le bas-ventre contient les entrailles ; la queue commence à l’anus, & est toute musculeuse.

La tête. La tête est un composé d’un nombre prodigieux d’os emboîtés ensemble avec un art admirable : on y trouve entre autres un os pierreux assez large, plat, triangulaire, blanc, placé au haut du palais ; c’est proprement l’os hyoide. On prétend qu’étant réduit en poudre subtile, & donné depuis un scrupule jusqu’à demi-drachme, il est propre pour arrêter les cours de ventre, pour exciter l’urine, pour atténuer les pierres des reins, pour l’épilepsie. C’est l’opinion des Schroders, des Boeclers, des Lémerys : mais n’est-ce point me rendre moi-même ridicule que de la rapporter ?

La mâchoire supérieure de la carpe est garnie de six dents molaires, rangées trois à trois. L’inférieure a un os cartilagineux de la forme d’une olive applatie ; cet os lui sert peut-être pour appuyer & aider à broyer ses alimens.

Ses yeux sont fort remarquables ; le crystallin dans sa partie centrale, a une fermeté qui approche presque de la dureté de la corne. Dans une carpe de quinze pouces de longueur, il fait par sa convexité antérieure une portion de sphere qui a trois lignes de diametre, & la postérieure deux lignes & demie ; il a deux lignes & demie de largeur ou de diametre de sa circonférence, & deux lignes un tiers d’axe ou d’épaisseur : il pese deux grains & demi.

Le cœur. Chacun sait que le cœur de tous les poissons qui ne respirent pas l’air, n’a qu’une cavité, & par conséquent qu’une oreillette à l’embouchure du vaisseau qui y rapporte le sang ; celle du cœur de la carpe est appliquée au côté gauche.

Sa chair est fort épaisse, & ses fibres très-compactes : mais il faudroit des figures pour bien expliquer la structure de cet organe : on en trouvera de très-bonnes dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de l’année 1699.

L’abdomen. Ce poisson a la cavité du bas-ventre formée par les vertebres du dos, & par des muscles qui sont tous différens de ceux de l’homme, & des animaux à quatre piés. Il a de plus seize arrêtes de chaque côté en forme de côte, qui sortent de chaque vertebre, depuis le diaphragme jusqu’à l’anus, où se termine le bas-ventre comme en pointe de cone.

L’anus. L’anus, que les mariniers appellent ombilic, ou le fondement, a aussi ses singularités dans la carpe. Il ne consiste pas seulement dans une ouverture par où elle décharge les excrémens des boyaux : il comprend encore deux autres ouvertures ; l’une donne passage aux œufs dans les femelles, & à la semence dans les mâles lorsqu’ils s’en déchargent ; & l’autre laisse passer l’urine de la vessie : desorte que voilà trois conduits qui aboutissent à cet endroit.

L’anus appellé podex par Rondelet, est en quelque maniere triangulaire dans les carpes laitées, moins dans les carpes œuvées, & a environ quatre à cinq li-