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que l’année précédente ; on étoit très-satisfait d’eux : mais on commença à trouver qu’étant la plûpart habillés de diverses couleurs, cette bigarrure étoit choquante, & que de plus les officiers ne se connoissoient point les uns les autres ; ce qui fit prendre à sa Majesté la résolution de former un seul régiment, sous le nom de Royal-Carabiniers, de toutes ces compagnies, excepté celles des régimens Allemands. Le Roi qui affectionnoit fort ce corps, dont il étoit très-content, choisit pour le commander M. le duc du Maine, qu’il jugea très-propre pour le mettre en bon état, & lui donner l’esprit qu’il vouloit qu’il prît, le destinant à un genre de service tout particulier. Sa Majesté prit la peine elle-même de donner par écrit des instructions sur ce sujet.

Les compagnies Allemandes étoient retranchées ; il en resta cent Françoises, qui furent divisées en cinq brigades de quatre escadrons chacune, & les escadrons de cinq compagnies.

Le Roi affecta à chaque compagnie un mestre de camp, un lieutenant-colonel, un major, un aide-major, avec des pensions attachées à leur emploi.

Les cinq mestres de camp eurent le titre de chefs de brigade : le premier étoit le chevalier du Mesnil ; le second étoit le chevalier du Prosel ; le troisieme, le sieur d’Achi ; le quatrieme, le sieur de Signi ; & le cinquieme, le commandeur de Courcelles.

Tout le régiment fut habillé de bleu : au lieu de deux lieutenans qu’il y avoit par compagnie, il n’y en eut plus qu’un. Le Roi donna deux étendarts par escadron, & un timbalier par brigade.

Tout le régiment ayant été mis en état dès le commencement de l’année 1694, sa Majesté voulut le voir à Compiegne au mois de Mars de la même année, & elle en fut très-contente. Le roi ayant dessein que ce régiment ne fît pas un corps à part dans la cavalerie, M. le duc du Maine voulut bien prendre l’attache de M. le comte d’Auvergne, colonel général de la cavalerie légere, quoique l’intention du Roi fût de l’en exempter ; il se contenta du titre de mestre de camp-lieutenant. Il prit pour sa compagnie de mestre de camp celle qui avoit été tirée de son régiment du Maine, & elle fut attachée à la premiere brigade ; de sorte que toutes les fois que les brigades changent de rang, ce qui arrive par l’ancienneté ou la dignité de ceux qui les commandent, elle change aussi de brigade, & est toûjours à la premiere.

Le corps des carabiniers fut trouvé si bon & si nombreux, que sa Majesté le partagea dans différentes armées ; ce qui s’est presque toûjours pratiqué depuis. Nul corps ne l’a surpassé pour la discipline, pour la fermeté, & pour la valeur, dans toutes les occasions : Fontenoy les a immortalisés.

En 1698 la paix étant faite, & le Roi ayant réformé une grande partie de ses troupes, il réforma soixante compagnies des carabiniers, sans pourtant diminuer le nombre des brigades ni leur état major ; elles furent seulement réduites chacune à huit compagnies, qui formerent deux escadrons ; & à la fin de l’année 1698 les compagnies furent encore réduites à vingt carabiniers. Elles ne furent plus recrutées comme elles l’avoient été par les régimens dont elles sortoient ; mais tous les régimens qui restoient sur pié y fournissoient à tour de rôle le remplacement nécessaire, auquel les inspecteurs tenoient la main. Tous les officiers des soixante compagnies réformées demeurerent chacun à la suite de leur brigade, séparés par compagnies, excepté les cornettes qui ne se trouverent pas dix ans de service dans le tems de la réforme, & qui furent congédiés absolument. M. le duc du Maine reçut ordre de remplacer tous les autres par rang d’ancienneté, à mesure qu’il vaqueroit des emplois qui leur seroient propres.

En 1694 le chevalier du Mesnil étant mort, le Roi donna sa brigade au comte d’Aubeterre, & par-là elle devint la derniere : ainsi la compagnie de M. le duc du Maine passa à celle de du Rosel, qui devint la premiere ; & cela s’est toûjours ainsi pratiqué à tous les changemens des chefs de brigade. Sous quelque prétexte que ce puisse être, le Roi ne veut jamais permettre de vendre les compagnies de carabiniers.

Pour conserver toûjours les compagnies de carabiniers sur un pié de distinction, le Roi permettoit de prendre quelquefois des capitaines dans la cavalerie, mais il ne consentoit pas qu’ils vendissent leurs compagnies : sa Majesté trouvoit bon aussi qu’on y prît des chefs de brigade ; & l’on observoit assez de les prendre alternativement avec les lieutenans-colonels du corps.

On accordoit assez aisément aux lieutenans-colonels du corps, des commissions de mestres de camp, & on ne refusoit guere aux aides-majors & aux lieutenans des compagnies mestres de camp, des commissions de capitaines.

Les compagnies des carabiniers furent remises à trente maîtres dans l’hyver 1701 & 1702. Voicy le reglement qu’on leur donna pour lors.

Le régiment des carabiniers du roi sera composé de cent compagnies de carabiniers de 30 maîtres chacune, faisant en tout 3000 carabiniers, & 411 officiers, y compris le mestre de camp en chef, les cinq mestres de camp sous lui, les cinq lieutenans-colonels, les cinq majors, & les cinq aides-majors. Ils feront vingt escadrons de cinq compagnies chacun, dont il y en aura deux de vieux régimens, & trois de nouveaux. Le mestre de camp en chef aura l’inspection sur tous les régimens, & les autres l’auront seulement sur vingt compagnies, faisant quatre escadrons, & cela par police, & pour la commodité du service ; car ils auront aussi autorité sur tous également selon leur emploi & leur grade, aussi-bien que les lieutenans colonels, les majors, les aides-majors.

Quand on séparera le régiment en différentes armées. on mettra toûjours un mestre-de-camp commander les différens corps, & les autres officiers de l’état-major à proportion.

Le service se fera comme les carabiniers l’ont fait jusqu’à présent, tant pour les gardes que pour les détachemens.

Les compagnies seront entretenues par tous les régimens de cavalerie François, qui fourniront les recrues nécessaires à tour de rôle, tant pour les officiers que pour les cavaliers, à moins que le roi n’en ordonnât autrement.

Le régiment sera habillé de bleu doublé de rouge ; les cavaliers d’un bon drap tout uni, & les officiers de même ; à la réserve des boutons d’argent sur les manches & aux colets des manteaux qui seront bleus comme ceux des cavaliers ; le chapeau sera bordé d’argent d’un galon plus large que celui des cavaliers ; les housses des cavaliers seront bleues, tout unies, bordées d’un galon de soie blanche, les bourses des pistolets de même, leur ceinturon de bufle, avec un bord de cuir blanc & la bandouliere de même, des gants & des cravates noires ; les officiers en auront aussi, excepté que ce qui est blanc au cavalier, ils l’auront d’argent.

Les têtieres des chevaux seront propres & tout unies, des bossettes dorées tout unies aussi, des épées de même longueur & largeur, des carabines rayées pareilles, & tout ce qu’il faut pour les charger ; observant d’avoir des balles de deux calibres, les unes pour entrer à force avec le marteau & la baguette de fer, & les plus petites pour recharger plus promptement si l’on en a besoin.

Les pistolets seront les meilleurs que l’on pourra, & de quinze pouces de longueur ; les chevaux tous de