Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/643

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des cratitires dans un autre quartier, & de les ficher à l’extrémité des branches des figuiers, dont les orni sont en bonne disposition, afin que les moucherons les piquent. Si l’on manque ce tems-là, les orni tombent, & les moucherons des cratitires s’envolent, s’ils ne trouvent pas des orni à piquer. Il n’y a que les paysans qui s’appliquent à la culture des figuiers, qui connoissent le vrai tems auquel il faut y pourvoir, & pour cela ils observent avec soin l’œil de la figue ; car cette partie ne marque pas seulement le tems que les piqueurs doivent sortir, mais aussi celui où la figue peut être piquée avec succès. Si l’œil est trop dur & trop serré, le moucheron n’y sauroit déposer ses œufs, & la figue tombe lorsque cet œil est trop ouvert. Ce n’est pas-là tout le mystere : ces trois sortes de fruits ne sont pas bons à manger ; ils sont destinés par l’auteur de la nature, comme nous l’avons dit, à faire mûrir les figues des figuiers domestiques. Voici l’usage qu’on en fait. Dans les mois de Juin & de Juillet, les paysans prennent les orni dans le tems que leurs moucherons sont prêts à sortir, & les vont porter sur les figuiers domestiques. Ils enfilent plusieurs de ces fruits dans des fétus, & les placent sur ces arbres à mesure qu’ils le jugent à propos. Si l’on manque ce tems-là, les orni tombent, & les fruits du figuier domestique ne mûrissant pas, tombent en aussi peu de tems. Les paysans connoissent si bien ces précieux momens, que tous les matins en faisant leur revûe, ils ne transportent sur les figuiers domestiques que des orni bien conditionnés ; autrement ils perdroient leur récolte. Il est vrai qu’ils ont encore une ressource, quoique légere ; c’est de répandre sur les figuiers domestiques les fleurs d’une plante qu’ils nomment ascolimbros. Il se trouve quelquefois dans les têtes de ces fleurs des moucherons propres à piquer ces figues ; ou peut-être que les moucherons des orni vont chercher leur vie sur les fleurs de cette plante. Enfin les paysans ménagent si bien les orni, que leurs moucherons font mûrir les figues du figuier domestique dans l’espace d’environ quarante jours. Ces figues fraîches sont fort bonnes. Pour les sécher, on les expose au soleil pendant quelque tems ; après quoi on les passe au four, afin de les conserver pendant le reste de l’année. C’est une des principales nourritures des isles de l’Archipel ; car on n’y trouve gueres que du pain d’orge & des figues seches. Il s’en faut bien pourtant que ces figues soient aussi bonnes que celles que l’on seche en Provence, en Italie & en Espagne ; la chaleur du four leur fait perdre leur bon goût : mais d’un autre côté elle fait périr les œufs que les piqueurs de l’orni y ont déchargés, & ces œufs ne manqueroient pas de produire de petits vers qui endommageroient ces fruits. Voilà bien de la peine & du tems perdu, dira-t-on, pour n’avoir que de méchantes figues. Quelle doit être la patience des Grecs qui passent plus de deux mois à porter les piqueurs d’un figuier à l’autre ; & ne semble-t-il pas qu’ils devroient plûtôt cultiver les especes de figuiers que l’on éleve en France & en Italie ? Mais ce qui les détermine à préférer cette espece inférieure, c’est la quantité de beaucoup supérieure de fruits qu’ils en retirent. Un de leurs arbres produit ordinairement jusqu’à 280 livres de figues, au lieu que les autres n’en produisent pas 25 livres. Peut-être que les piqueurs contribuent à la maturité des fruits du figuier domestique, en faisant extravaser le suc nourricier, dont ils déchirent les tuyaux lorsqu’ils y déchargent leurs œufs : peut-être aussi qu’avec ces œufs ils laissent échapper quelque liqueur qui fermente doucement avec le lait de la figue, & en attendrit la chair. Les figues en Provence & à Paris même, mûrissent bien plûtôt, si on pique leurs yeux avec une paille, ou avec une plume graissée d’huile d’olive. Les prunes & les poires qui ont été piquées par quelque in-

secte, mûrissent bien plûtôt aussi, & même la chair

qui est autour de la piquûre est de meilleur goût que le reste. Il est hors de doute qu’il arrive un changement considérable à la tissure des fruits piqués. Il semble que la principale cause en doit être rapportée à l’épanchement de sucs, qui ne s’alterent pas seulement lorsqu’ils sont hors de leurs vaisseaux, mais qui alterent les parties voisines : de même qu’il arrive aux tumeurs des animaux survenues à l’occasion des piquûres de quelque instrument aigu. Mém. de l’acad. des Sciences, ann. 1705. pag. 447. & suiv. Article communiqué par M. Formey.

CAPRIOLE, voyez Cabriole.

CAPRISANT, adj. (Medecine.) épithete du pouls irrégulier & sautillant, dans lequel l’artere interrompt son mouvement ; ensorte que le second battement qui vient après cette interruption, est plus prompt & plus fort que le premier : de même qu’il arrive aux chevres qui bondissent & semblent faire un double mouvement en marchant. Galien, de Diff. puls. lib. I. cap. xxix.

CAPRONS, (Jardinage.) ce sont de grosses fraises plus belles que bonnes, dont on fait peu de cas, & qui mûrissent en même tems que les autres. Leurs feuilles sont plus larges & en plus grand nombre. (K)

CAPRONEZA, (Géog.) petite ville de Hongrie, dans l’Esclavonie, à deux milles de la Save.

* CAPROTINE, adj. f. (Hist. anc.) surnom que les anciens Romains avoient donné à Junon & aux nones de Juillet, tems auquel ils célébroient une fête dont Plutarque & Macrobe racontent ainsi l’origine. Les peuples voisins de Rome crurent qu’il leur seroit facile de prendre ou de détruire cette ville épuisée, après l’invasion des Gaulois. Ils s’assemblerent, & mirent à leur tête Lucius, dictateur des Fidenates. Lucius fit annoncer aux Romains par un héraut, que le seul moyen qu’ils eussent de conserver les restes de leur ville, c’étoit de lui livrer leurs femmes & leurs filles. Les sénateurs ne savoient quel parti prendre, lorsqu’une esclave appellée Philotis, persuada à ses compagnes de se couvrir des habits de leurs maîtresses, & de passer dans le camp ennemi. Ce qui fut exécuté. Le général les distribua aux capitaines & aux soldats. Ces filles les inviterent à prendre part à une fête solennelle qu’elles feignirent de célébrer entr’elles. Les hôtes séduits par cette innocente supercherie, s’abandonnerent à la débauche : mais lorsqu’ils furent assoupis par le vin & par le sommeil, elles appellerent les Romains par un signal qu’elles leur donnerent du haut d’un figuier sauvage. Ceux-ci accoururent, & firent main-basse par-tout. La liberté fut accordée à ces généreuses esclaves, avec une somme d’argent pour se marier ; le jour de cette délivrance extraordinaire, appellé Nones Caprotines ou du figuier ; & une fête instituée sous le même nom en l’honneur de Junon. Depuis ce tems, à pareil jour, les esclaves régaloient leurs maîtresses hors de la ville, sous des figuiers sauvages, luttoient entr’elles, & rappelloient par des exercices la mémoire d’une défaite qu’elles avoient occasionnée par leur dévouement & leur industrie.

CAPSA, (Géog.) ville de la Turquie en Europe dans la Romanie.

* CAPSAIRE, s. m. (Hist. anc. & mod.) Les Romains & les Grecs donnoient ce nom à ceux qui gardoient les habits dans les bains publics, & à certains domestiques qui conduisoient les enfans à l’école, portant leurs livres dans une boîte, capsa.

CAPSCHAC, (Géog.) pays très-considérable de la Tartarie, qui s’étend depuis le Turquestan jusqu’au Wolga, & depuis le Wolga jusqu’au pays de Crimée. Sa plus grande étendue est depuis la mer Caspienne jusqu’à la mer Glaciale.