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Lorsque les moules sont retirés de la fosse, on les casse à coups de marteau pour découvrir la piece qu’ils renferment. La figure se montre ensuite ; & comme elle est brute en plusieurs endroits, on se sert de ciseaux bien acérés & de marteaux, pour couper toutes les superfluités & les jets du métal ; & avec le tems, on donne à la piece toute la perfection que l’on veut. Lorsqu’elle commence à avoir une forme un peu réguliere, ce qui s’appelle être décrottée, on la met à l’alésoir pour lui donner le calibre qu’elle doit avoir. Voyez Alésoir. On perce ensuite sa lumiere avec une espece de foret particulier : après quoi on fait l’épreuve de la piece. Voyez Epreuve. Mémoires d’Artillerie par Saint-Remy.

On n’a pas toûjours fondu le canon avec un noyau ou un vuide dans le milieu : il y a eu des Fondeurs qui l’ont coulé massif ; on voit même dans les Mémoires de M. de Saint-Remy, la figure de la machine

dont ils se servoient pour former l’ame de la piece. Cette méthode fut abandonnée, suivant cet auteur, pour revenir à l’ancienne : mais le sieur Maritz a obtenu depuis quelques années la permission de fondre les pieces massives. On prétend qu’il a inventé une machine plus parfaite que celle dont il est fait mention dans les Mémoires de M. de Saint-Remy, pour les forer. Voyez Noyau.

Lorsque la piece se coule massive, le moule se forme de la même maniere que s’il devoit avoit un noyau. On ne fait que supprimer ce noyau.

On joint ici une table de ce que le Roi paye actuellement en France pour la façon des pieces de canon dans les différens arsenaux du royaume : le prix des pieces de la fonderie de Strasbourg est plus considérable que celui des autres, parce qu’elles y sont coulées massives & forées avec la machine du Sr Maritz.
Table du prix des façons des pieces de canon en France.


FONDERIES du Roy. Piece de 24. Piece de 16. Piece de 12. Piece de 8. Piece de 4. Piece de 4, de brancard & à dos de mulet. Piece de 2 longue, pesant 6 à 700 liv. Piece de 2 courte. Prix des lumieres.
Paris 800 liv. 700 liv. 600 liv. 450 liv. 350 liv.
Douay 750 712 10s. 500 400 300 200 liv. 100 liv.
Strasbourg 1000 950 650 550 400 100
Lyon 900 850 600 500 350 100
Perpignan 800 750 550 450 300 220 300 200 100

Les métaux sont fournis par le Roi aux commissaires des fontes ; il leur est accordé dix pour cent de déchet sur tous les métaux qu’ils livrent en ouvrages neufs, faits, parfaits, & reçûs.

Le Roi fournit aussi les outils & ustensiles de fonderie : mais les commissaires des fontes sont chargés de pourvoir à leurs frais au radoub & à l’entretien des outils & ustensiles qui leur sont remis en bon état, & dont on les charge par un inventaire en bonne forme.

Le Roi paye à Douay & à Perpignan 3 sous, à Lyon & à Strasbourg 3 sous 6 deniers de façon pour chaque livre de métal pesant, pour les petits ouvrages, comme poulies, boîtes à roüage, mortiers & pilons pour compositions, boîtes à signaux, & autres petits ouvrages à l’usage de l’Artillerie.

Les pieces de canon, mortiers, & pierriers, sont portés aux lieux destinés pour leur épreuve, & rapportés dans les fonderies aux dépens du Roi, à l’exception des pieces qui sont rebutées, que les commissaires des fontes sont obligés de faire rapporter à leurs frais & dépens.

Dans les cas pressans, & lorsqu’il est ordonné aux commissaires des fontes de ne point reparer les pieces, ils sont tenus de les livrer brutes ; & alors il leur est rabattu 50 livres par piece de 24, de 16 & de 12, & 25 livres par chacune piece de calibre inférieur, ainsi que pour les mortiers & pierriers. Mémoires d’Artillerie de Saint-Remy, troisieme édition. (Q)

* Lorsque la piece est finie, on perce la lumiere : pour cet effet, on renverse la piece de côté, de maniere qu’un des tourillons soit tourné vers la terre. Elle est posée sur des chantiers, l’endroit où se doit

percer la lumiere correspondant à la pointe du foret quand il est monté sur la bascule, comme on voit Pl. I. fig. 2.

Suivant l’ordonnance du 7 Octobre 1732. le canal de la lumiere doit être pratiqué dans le milieu d’une masse de cuivre rouge, pure rosette, bien écroüi, & qu’on a placée dans le moule à la place où devoit être faite la lumiere. On a préféré le cuivre rouge à la matiere même du canon, parce qu’il résiste davantage à l’effort de la poudre.

La lumiere doit être percée de maniere qu’elle forme un angle obtus de 100 degrés avec l’extérieur de la piece vers la volée. C’est à quoi l’ouvrier doit faire attention en perçant, afin de diriger son foret convenablement.

Dans les pieces de 12, le canal de la lumiere doit aboutir à 8 lignes du fond de la lumiere. Dans celles de 8 à 7 lignes, & dans celles de 4 à 6 lignes.

Dans celles de 24 & de 16 où il y a de petites chambres, à 9 lignes du fond de la petite chambre dans celle de 24, & à 8 lignes dans celle de 16.

Le foret dont on se sert est le même que celui des Serruriers ; sa partie tranchante est seulement en langue de serpent.

Comme la force d’un homme ne seroit pas suffisante pour pousser le foret & le faire mordre, on se sert de la machine qu’on voit fig. 1. elle s’appelle bascule ; & s’en servir, c’est forer à bascule.

La palette G est tenue fortement appliquée au foret par le levier ABC & le poids D.

* Quand la lumiere est faite, on procede à l’épreuve : pour cet effet, on choisit un lieu terminé par une butte de terre assez forte pour arrêter le boulet.