Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/587

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de bois & les bateaux, qu’on construit pour cet effet d’une longueur & d’une largeur proportionnée. On paye un droit de péage à chaque écluse pour l’entretien du canal & le remboursement des propriétaires.

Le canal d’Orléans fut entrepris en 1675 pour la communication de la Seine & de la Loire. Il a vingt écluses. C’est Philippe d’Orléans, régent de France qui l’a fait achever sous la minorité de Louis XV. Il porte le nom d’une ville dans laquelle il ne passe pas. Il commence au bourg de Combleux, qui est à une petite lieue d’Orléans.

Le projet du canal de Picardie pour la jonction des rivieres de Somme & d’Oise, a été formé sous les ministeres des cardinaux de Richelieu & de Mazarin, & sous celui de M. de Colbert.

Mais un des plus grands & des plus merveilleux ouvrages de cette espece, & en même tems un des plus utiles, c’est la jonction des deux mers par le canal de Languedoc, proposé sous François I. sous Henri IV. sous Loüis XIII. entrepris & achevé sous Loüis XIV. Il commence par un réservoir de quatre mille pas de circonférence, & de quatre-vingts piés de profondeur, qui reçoit les eaux de la montagne Noire. Elles descendent à Naurouse dans un bassin de deux cents toises de longueur, & de cent cinquante de largeur, revêtu de pierre de taille. C’est-là le point de partage d’où les eaux se distribuent à droite & à gauche dans un canal de soixante & quatre lieues de long, où se jettent plusieurs petites rivieres, soûtenues d’espace en espace de cent quatre écluses. Les huit écluses qui sont voisines de Besiers, forment un très-beau spectacle : c’est une cascade de cent cinquante-six toises de long sur onze toises de pente.

Ce canal est conduit en plusieurs endroits sur des aquéducs & sur des ponts d’une hauteur incroyable, qui donnent passage entre leurs arches à d’autres rivieres. Ailleurs, il est coupé dans le roc tantôt à découvert, tantôt en voûte, sur la longueur de plus de mille pas. Il se joint d’un bout à la Garonne près de Toulouse : de l’autre traversant deux fois l’Aude, il passe entre Agde & Besiers, & va finir au grand lac de Tau, qui s’étend jusqu’au port de Cette.

Ce monument est comparable à tout ce que les Romains ont tenté de plus grand. Il fut projetté en 1666, & démontré possible par une multitude infinie d’opérations longues & pénibles, faites sur les lieux par François Riquet, qui le finit avant sa mort, arrivée en 1680. Quand les grandes choses sont exécutées, il est facile à ceux qui les contemplent de les imaginer plus parfaites & plus grandes. C’est ce qui est arrivé ici. On a proposé un réservoir plus grand que le premier, un canal plus large, & des écluses plus grandes : mais on a été arrêté par les frais.

Nous n’entrerons pas dans tous les détails de la construction de ce canal, mais nous ne pouvons guere nous dispenser d’expliquer le méchanisme & le jeu des écluses ou réservoirs d’eau, qu’on peut regarder comme de grands coffres qu’on remplit à discrétion, & à l’aide desquels on fait monter ou descendre un bâtiment d’une portion de canal dans une autre.

Il faut observer d’abord, que dans les canaux l’eau est de niveau dans chaque partie, c’est-à-dire entre une écluse & une autre écluse, & que les eaux des différentes parties sont dans des niveaux différens.

Une écluse est composée de deux murs paralleles 12, 34, voy. Pl. du canal de Lang. à la fin de nos Pl. d’Hyd. fig. 1. & 4. la hauteur NM de ces murs est de deux piés ou environ plus haute que depuis le fond du canal inférieur jusqu’au niveau de la surface de l’eau du canal supérieur : ces deux murs sont éloignés l’un de l’autre d’autant qu’il convient, pour que les bâtimens puissent passer commodément ; & ils doivent être bâtis solidement sur pilotis ou terre

franche & un peu en talud, pour qu’ils puissent mieux soûtenir l’effort des terres.

On a placé entre ces deux murs les portes 24, 13, fig. 1. la premiere pour empêcher l’eau du canal supérieur d’entrer dans le coffre ou dans l’écluse ; & la seconde, pour arrêter & soûtenir l’eau quand elle en est remplie. Ces portes doivent être très-fortes, & tourner librement sur leurs pivots : c’est pour les pouvoir ouvrir & fermer avec facilité, qu’on y ajuste les longues barres Ab, Ca, au moyen desquelles on les meut comme le gouvernail d’un vaisseau par sa barre ou son timon. Il faut aussi les construire de maniere qu’elles soient bien étanchées, & qu’elles laissent passer le moins d’eau qu’il est possible. Les deux battans de chaque porte s’appuient l’un contre l’autre, & forment un angle saillant du côté où l’eau fait effort contre eux.

Outre ces parties, une écluse a encore deux canaux soûterrains G, H ; K, F. Le canal GH qui descend obliquement, sert à lâcher l’eau du canal supérieur D, fig. 2. dans le corps de l’écluse, où elle est retenue par la porte C qui est supposée fermée. On lâche cette eau en levant la pelle DG, qui en ferme l’ouverture. Voyez fig. 3. le canal GH ouvert en G, & l’autre canal KF fermé en K. Quand au contraire on veut vuider le coffre de l’écluse, on ferme le canal GH, en baissant la pelle G ; & l’on ouvre le canal KF en levant la pelle K : l’eau n’étant plus retenue, s’écoule par le canal KF dans le canal inférieur B ; ensorte qu’elles se mettent de niveau dans le canal & dans l’écluse. Voyez la fig. 2.

Jeu des écluses. Si l’on propose, par exemple, de faire monter le bateau B du canal inférieur dans le canal supérieur G, fig. 2. la porte A & la pelle G du canal supérieur étant fermées, on laissera écouler par le canal KF toute l’eau que contient l’écluse, si elle n’est pas vuide : on ouvrira ensuite les grandes portes C, en tournant leurs barres Ca, ou en tirant leurs battans fig. 1. & 4. ce qui sera facile, puisque l’eau qu’elles ont de part & d’autre est en équilibre. Les portes étant ouvertes, on fera entrer le bateau dans le corps de l’écluse ; on refermera ensuite les portes C & la pelle K ; ensuite on ouvrira la pelle G pour remplir l’écluse de l’eau du canal, jusqu’à ce qu’elle soit de niveau avec celle du canal D, comme on voit fig. 3. Le bateau s’élevera à mesure que l’écluse se remplira d’eau, & il arrivera à la hauteur B. Les choses étant en cet état, on ouvrira la porte A, & le bateau passera dans le canal D ; ce que l’on s’étoit proposé de faire.

S’il eût été question de faire descendre le bateau du canal D fig. 3. dans le canal inférieur, il faudroit commencer par remplir l’écluse d’eau, ouvrir la porte A, y faire ensuite passer le bateau, refermer cette porte & la pelle G, ouvrir ensuite la pelle K, pour laisser écouler l’eau de l’écluse dans le canal inférieur. Le bateau baissera à mesure que l’écluse se vuidera ; & lorsque l’eau de l’écluse sera au niveau de celle du canal inférieur, on ouvrira la porte C pour faire sortir le bateau & le faire passer dans le canal B. Voyez l’article Ecluse.

Canal, (Jardin.) c’est ordinairement une longue piece d’eau, pratiquée dans un jardin pour l’ornement & la clôture.

Canal, chez les Fontainiers, se prend encore pour un tuyau de fontaine.

Canal en cascade, (Jardinage.) est un canal interrompu par plusieurs chûtes qui suivent l’inégalité du terrein. On en voit à Fontainebleau, à Marly, au théatre d’eau à Versailles, & dans les jardins de Couvances.

Canaux soûterreins, sont des aquéducs enfoncés en terre, qui servent à conduire les eaux. Voyez Aquéduc.