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nous sommes raisonnables : la Logique artificielle est l’art de diriger notre esprit par le moyen de certains préceptes.

6. Les termes sont les signes de nos idées.

7. Le genre est un terme qui exprime une similitude essentielle qui se trouve entre plusieurs êtres communs.

8. L’espece est un terme qui exprime une similitude essentielle entre plusieurs individus.

9. La différence est un terme qui divise le genre, & qui constitue l’espece.

10. La définition est un terme complexe, qui renferme le genre & la différence.

11. Le propre est un terme qui signifie l’état particulier des choses.

12. L’accident est un terme qui signifie ce qui n’est point essentiel à un être.

13. La premiere substance, qui est la base de tout, & qui ne se trouve dans aucun sujet, c’est l’espace qui reçoit tous les corps : en ce sens Dieu est une substance improprement dite.

14. La substance est un être fini, réel, subsistant par lui-même, parfait, & le premier sujet de tous les accidens.

15. La quantité, qui est le second prédicament, est la mesure intime de la substance matérielle ; & elle est de trois sortes ; le nombre, le poids, & la masse ou la mesure.

16. La division est la réduction d’un tout dans ses parties, soit qu’on regarde le tout comme intégral, ou comme quantitatif, ou comme essentiel, ou comme potentiel, ou comme universel.

17. Il y a plusieurs manieres de définir, parce qu’il y a plusieurs manieres d’être.

18. Dieu ne peut point être défini, parce qu’il n’a qu’une différence négative.

19. La description est un discours qui indique l’essence d’une chose par des propriétés, par des effets, & par des similitudes.

20. Le nom est un terme qui signifie proprement l’essence des choses ; & le verbe est un terme qui signifie l’action des choses.

21. L’argumentation est l’action par laquelle l’esprit va de ce qui lui est connu à ce qui lui est inconnu, pour le connoître, le déclarer, & le prouver.

22. Les sens sont le fondement de toutes les sciences humaines.

23. Le syllogisme est composé de deux propositions, dans l’une desquelles se trouve le sujet de la conclusion, & dans l’autre l’attribut de la même conclusion.

24. L’induction est un argument qui conclut du dénombrement des parties au tout.

25. L’exposition est la preuve d’une proposition, par d’autres propositions plus claires & équipollentes.

26. L’enthimème est un syllogisme tronqué, dans lequel on sousentend ou la majeure ou la mineure.

27. La science consiste à connoître les choses par leurs causes.

Voilà ce qu’il y a de moins déraisonnable dans la Logique de Campanella : le lecteur est en état de juger s’il est ou plus clair ou plus méthodique qu’Aristote, & s’il a ouvert une route plus aisée & plus courte que cet ancien philosophe.

Physique de Campanella. 1. Les sens sont la base de la Physique : les connoissances qu’ils nous donnent sont certaines, parce qu’elles naissent de la présence même des objets.

2. L’essence d’une chose n’est point différente de son existence ; ce qui n’a point d’existence ne peut avoir d’essence.

3. Ce qui existe physiquement, existe dans un lieu.

4. Le lieu est la substance premiere : elle est spirituelle, immobile, & capable de recevoir tous les corps.

5. Il n’y a point de vuide, parce que tous les corps sentent, & qu’ils sont doüés du sens du tact : mais il est possible qu’il y ait du vuide par violence.

6. Le tems est la durée successive des êtres : c’est la mesure du mouvement, non pas réellement, mais seulement dans notre pensée.

7. Le tems peut mesurer le repos, & on peut le concevoir sans le mouvement ; il est composé de parties indivisibles d’une maniere sensible : mais l’imagination peut le diviser sans fin.

8. Il n’est point prouvé que le tems ait commencé : mais on peut croire qu’il a été fait avec l’espace.

9. Dieu mit la matiere au milieu de l’espace, & il lui donna deux principes actifs, savoir la chaleur & le froid.

10. Ces deux principes ont donné naissance à deux sortes de corps : la chaleur divisa la matiere & en fit les cieux : le froid la condensa, & en fit la terre.

11. Une chaleur violente divisa fort vîte une portion de matiere, & se répandit dans les lieux que nous appellons élevés : le froid fuyant son ennemie étendit les cieux, & sentant son impuissance, il réunit quelques-unes de ses parties, & il brilla dans ce que nous appellons étoiles.

12. La lune est composée de parties qui ne brillent point par elles-mêmes, parce qu’elles sont engourdies par le froid de la terre ; au lieu que les cieux étant fort éloignés du globe terrestre, & n’en craignant point le froid, sont remplis d’une infinité d’étoiles.

13. Le soleil renferme une chaleur si considérable ; qu’il est en état de se défendre contre la terre.

14. Le soleil tournant autour de la terre & la combattant, ou il en divise les parties, & voilà de l’air & des vapeurs ; ou il la dissout, & voilà de l’eau ; ou il la durcit, & il donne naissance aux pierres : s’il la dissout & la durcit en même tems, il fait naître des plantes ; s’il la dissout, la durcit, & la divise en même tems, il fait naître des animaux.

15. La matiere est invisible, & par conséquent noire.

16. Toutes les couleurs sont composées des ténebres, de la matiere, & de la lumiere du soleil.

17. La lumiere est une blancheur vive : la blancheur approche fort de la lumiere ; ensuite viennent le rouge, l’orangé, le verd, le pourpre, &c.

18. Les cieux ne sont point sujets à la corruption, parce qu’ils sont composés de feu, qui n’admet point les corps étrangers, qui seuls donnent naissance à la pourriture.

19. Il y a deux élémens, savoir le soleil & la terre, qui engendrent toutes choses.

20. Les cometes sont composées de vapeurs subtiles, éclairées par la lumiere du soleil.

21. L’air n’est point un élément, parce qu’il n’engendre rien, & qu’il est au contraire engendré par le soleil ; il en est de même de l’eau.

22. La différence du mâle & de la femelle ne vient que de la différente intensité de la chaleur.

23. Nous sommes composés de trois substances ; du corps, de l’esprit, & de l’ame. Le corps est l’organe ; l’esprit est le véhicule de l’ame ; & l’ame donne la vie au corps & à l’esprit.

Voilà une très-petite partie des principes & des opinions qu’on trouve dans les ouvrages de Campanella sur la Physique. Il est singulier qu’un homme qui se donnoit pour le restaurateur de la Philosophie, n’ait pas pris plus de soin de déguiser ses larcins. Il suffit d’avoir une connoissance médiocre des sentimens philosophiques des anciens & des modernes,