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toiles du pré, les porter mouillées au repamoir, & étant égouttées, on les remettra au lait ; continuant ainsi la même suite d’opérations jusqu’à ce qu’elles ayent acquis tout le degré de blancheur dont elles sont capables, ou celui que l’on veut leur donner.

Cette suite d’opérations n’est pas si bien démontrée la meilleure, qu’on ne puisse s’en écarter dans bien des occasions : mais c’est la plus ordinaire. Il y a des qualités de toiles qui résistent à tous les efforts que l’on fait pour les blanchir parfaitement ; il faut se contenter alors d’un demi-blanc, ou davantage si on le peut atteindre : il y en a d’autres qui résistent à toutes ces opérations, & dont on vient facilement à bout en variant le procédé de quelques-unes, soit pour la dose ou pour l’ordre ; c’est où paroît l’intelligence du manufacturier : c’est pourquoi il observe soigneusement si la blancheur de ses toiles fait du progrès en passant par les opérations que nous venons de décrire ; si elle s’arrête en chemin, il varie un peu le procédé, & par ce moyen il détruit ou diminue l’obstacle qui s’opposoit au progrès de la blancheur de sa toile. Il ne faut quelquefois pour cela que deux lessives bouillantes de suite, au lieu que nous avons prescrit ci-devant de les donner alternativement bouillantes sur les toiles mouillées, & tiedes sur celles qui sont mises seches dans les cuviers ; ainsi de toutes les variétés dont ces opérations sont susceptibles.

Lorsque les toiles sont blanches, il faut les porter au repamoir ; mouillées du repamoir, il faut leur donner un premier bleu, & les faire sécher sur les pieux.

Le bleu dont on se sert dans les manufactures est le bleu d’Inde appellé indigo, ou le bleu de Prusse qui a un plus bel œil. On plonge les pieces de toile dans un baquet rempli d’eau chargée plus ou moins de cette couleur ; on l’y retourne pour qu’elle s’en charge également ; ensuite on retire par un bout la piece de toile, & on la roule en l’exprimant sur un bâton placé au-dessus du baquet à trois ou quatre piés de hauteur, ensorte que la piece de toile a la figure d’un écheveau de fil ouvert, & suspendu par le bouton placé au-dessus du baquet. Après qu’elle est égouttée, on la tord pour exprimer la quantité d’eau superflue. Cette opération est très délicate ; car si on tord trop, toute la teinture bleue sort, & les toiles restent à peu près comme elles étoient avant que d’avoir été plongées dans le baquet : si au contraire on ne tord pas assez, on a à craindre que les toiles ne soient plus chargées de couleur dans un endroit que dans un autre.

L’opération de donner le bleu aux toiles, est suivie de celle de les étendre sur les pieux pour les faire sécher. Les pieux sont placés dans la campagne ou le pré ; ce sont des bâtons enfoncés fermement dans la terre, & qui en sortent d’environ quatre piés : ils sont rangés sur des lignes droites comme les arbres d’un jardin. Sur les têtes de ces pieux, qui doivent se trouver en ligne droite, on étend une toile grossiere, ou une toile qui n’a pas encore été blanchie, en sorte que le milieu de la largeur de la toile porte sur la tête des pieux, & qu’elle pende de chaque côté. On affermit & on tire cette toile pour qu’elle soit bien tendue ; & sur celle-ci on étend de même celle qui a été mise au bleu pour la faire sécher : elle doit être bien tendue, pour empêcher qu’elle ne s’étrécisse & se raccourcisse en séchant.

Lorsqu’elles seront seches on leur donnera l’apprêt qui suit : prenez de l’amydon, faites-le bouillir dans de l’eau, retirez-le de dessus le feu quand il sera cuit, & le passez par un linge.

Vous mettrez dans un autre pot ou vase un tiers d’amydon crud, que vous détremperez dans de l’eau sans le faire bouillir, & le passerez à travers un linge. Cela fait, vous mettrez dans un troisieme vase deux

tiers d’amydon bouilli, avec un tiers d’amydon crud ; vous y ajoûterez votre bleu ; ayant bien mêlé le tout, vous y plongerez vos toiles, & après les avoir bien trempées dans cette composition, vous les retirerez pour les faire sécher.

Après que les toiles sont seches, on les porte à la ploierie ou magasin, d’où elles ne sortent que pour retourner chez ceux à qui elles appartiennent, ou à qui elles sont destinées.

Mais comme les toiles après avoir passé par toutes les opérations dont on vient de parler, ont un grand nombre de faux plis, on leur donne dans la ploierie diverses préparations qui les effacent.

La premiere de ces préparations consiste à les faire passer dans le rouloir, qui est une espece de calendre ou de presse en taille-douce. Le rouloir représenté fig. 2. Pl. III. est composé de deux jumelles, des montans CA, FB, fendus de D en A, d’une longue mortoise, de quatre montans KH, IG, FE, LM ; toutes ces pieces sont assemblées dans une plate-forme ou chassis IKL ; chacun des quatre montans est assemblé avec les jumelles par des traverses GD, HD, ME ; & les jumelles le sont l’une avec l’autre par le sommier AB : entre les deux jumelles au-dessous du sommier, on place sept rouleaux de bois de six à sept pouces de diametre, & d’environ quatre piés de longueur. Ces rouleaux dont les tourillons entrent dans les mortoises des jumelles, portent les uns sur les autres, ensorte que le mouvement d’un de ces rouleaux se communique à tous les autres, qui tournent alternativement en sens contraire.

Le rouleau marqué 6 dans le profil, porte un carre qui reçoit une manivelle, au moyen de laquelle on le fait tourner, & on communique le mouvement à tous les autres.

Sur les deux montans de devant est encore un autre rouleau, que l’on fait tourner avec une manivelle M, voyez aussi 9 le profil. A la partie opposée, c’est-à-dire derriere, est un autre rouleau 8 ; mais qui est fixé & percé de plusieurs trous pour recevoir des chevilles a, entre lesquelles la piece de toile est conduite. Enfin, au-dessous des rouleaux est une table de bois qui occupe tout le vuide du chassis IKL, dont l’usage est d’empêcher la toile de toucher le plancher. La toile est posée sur cette table, comme on le voit dans la figure, & le trait noir représente le profil de la toile, qui est ployée en zig-zag. On prend le bout supérieur de cette toile, on le passe sous le rouleau 8, on le ramene entre les deux chevilles aa sur le rouleau 1 ; on fait tourner ensuite la manivelle du rouleau 6 du sens convenable, pour que le chef de la toile passe entre les rouleaux 1 & 2 ; continuant de tourner, on le fait passer entre les rouleaux 2 & 3, & successivement entre tous les autres, jusqu’à ce qu’il sorte entre les rouleaux 6 & 7 du côté de G. Lorsqu’il en est sorti une longueur convenable 7, 9, on reçoit le chef sur le rouleau 9, où on l’assujettit par le moyen d’une envergeure ou petite baguette, qui se cache & se fixe ensuite dans une cavité de l’ensuple ; ce qui fait qu’en tournant la manivelle du rouleau 9, on amene toute la toile sur lui sans craindre qu’elle se déroule ; cette opération redresse les fils de la trame & de la chaîne, que les opérations par lesquelles la toile avoit passé pour être blanchie, avoient beaucoup dérangés ; de plus elle efface les principaux plis.

Cette opération achcvée, on ôte le rouleau 9 de dessus ses supports IG, LM, & on le porte sur un autre AB, fig. 4. Planc. II. qu’on appelle par cette raison porte-rouleau. C’est une espece de banc à quatre piés, aux deux extrémités duquel sont deux montans, sur lesquels on pose les tourillons du rouleau. Cette machine se place au bout d’une table, auprès de laquelle les ployeuses sont assises. Elles ployent la toile en botte, ainsi qu’il est d’usage. Lorsque les toi-