Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au nombre des bibliotheques les plus curieuses du monde. Elle souffrit à la vérité beaucoup pendant les guerres d’Italie qui éclaterent en 1701 ; & sans doute elle a été transportée à Vienne. C’est-là qu’étoit la fameuse plaque de bronze couverte de chiffres Egyptiens & d’hieroglyphes, dont le savant Pignorius a donné l’explication.

La bibliotheque de Florence contient tout ce qu’il y a de plus brillant, de plus curieux, & de plus instructif : elle renferme un nombre prodigieux de livres & de manuscrits les plus rares en toutes sortes de langues ; quelques-uns sont d’un prix inestimable : les statues, les médailles, les bustes, & d’autres monumens de l’antiquité y sont sans nombre. Le musœum Florentinum peut seul donner une juste idée de ce magnifique cabinet ; & la description de la bibliotheque mériteroit seule un volume à part. Il ne faut pas oublier le manuscrit qui se conserve dans la chapelle de la cour ; c’est l’évangile de S. Jean qui, à ce qu’on prétend, est écrit de sa propre main.

Il y a deux autres bibliotheques à Florence, dont l’une fut fondée en l’église de S. Laurent par le pape Clément VII. de la famille de Médicis, & est ornée d’un grand nombre de manuscrits Hébraïques, Grecs, & Latins.

L’autre fut fondée par Cosme de Médicis dans l’église de S. Marc qui appartient aux Jacobins.

Il y a une très-belle bibliotheque à Pise, qu’on dit avoir été enrichie de 8000 volumes qu’Alde Manuce légua à l’Académie de cette ville.

La bibliotheque du roi de Sardaigne à Turin est très curieuse par rapport aux manuscrits du célebre Pierre Ligorius, qui dessina toutes les antiquités de l’Italie.

Le pape Nicolas V. fonda une bibliotheque à Rome composée de six mille volumes des plus rares : quelques-uns disent qu’elle fut formée par Sixte-Quint, parce que ce pape ajouta beaucoup à la collection commencée par le pape Nicolas V. Il est vrai que les livres de cette bibliotheque furent dispersés sous le pontificat de Calixte III. qui suceéda au pape Nicolas ; mais elle fut rétablie par Sixte IV. Clément VII. Léon X. Elle fut presque entierement détruite par l’armée de Charles V. sous les ordres du connétable de Bourbon & de Philbert prince d’Orange, qui saccagerent Rome avant le pontificat de Sixte-Quint.

Ce pape qui aimoit les savans & les lettres, non-seulement rétablit la bibliotheque dans son ancienne splendeur : mais il l’enrichit encore d’un grand nombre de livres & d’excellens manuscrits. Elle ne fut pas fondée au Vatican par Nicolas V. mais elle y fut transportée par Sixte IV. & ensuite à Avignon, en même tems que le S. Siége, par Clément V. & de-là elle fut rapportée au Vatican sous le pontificat de Martin V. où elle est encore aujourd’hui.

On convient généralement que le Vatican doit une grande partie de sa belle bibliotheque à celle de l’électeur Palatin, que le comte de Tilly prit avec Heidelberg en 1622. D’autres cependant prétendent, & ce semble avec raison, que Paul V. qui étoit pour lors pape, n’eut qu’une très-petite & même la plus mauvaise partie de la bibliotheque Palatine ; tous les ouvrages les plus estimables ayant été emportés par d’autres, & principalement par le duc de Baviere.

La bibliotheque du Vatican, que Baronius compare à un filet qui reçoit toutes sortes de poissons tant bons que mauvais, est divisée en trois parties : la premiere est publique, & tout le monde peut y avoir recours pendant deux heures de certains jours de la semaine : la seconde partie est plus secrete ; & la troisieme ne s’ouvre jamais que pour certaines personnes ; de sorte qu’on pourroit la nommer le sanctuaire du Vatican. Sixte quint l’enrichit d’un très-grand nom-

bre d’ouvrages, soit manuscrits soit imprimés, & la

fit orner de peintures à fresque par les plus grands maîtres de son tems. Entr’autres figures emblématiques dont le détail seroit ici trop long, on voit toutes les bibliotheques célebres du monde représentées par des livres peints, & au-dessous de chacune une inscription qui marque l’ordre du tems de leur fondation.

Cette bibliotheque contient un grand nombre d’ouvrages rares & anciens, entr’autres deux copies de Virgile qui ont plus de mille ans ; elles sont écrites sur du parchemin ; de même qu’une copie de Térence, faite du tems d’Alexandre Sévere & par son ordre. On y voit les actes des Apôtres en lettres d’or. Ce manuscrit étoit orné d’une couverture d’or enrichie de pierreries, & fut donné par une reine de Chypre au pape Alexandre VI. mais les soldats de Charles V. le dépouillerent de ces riches ornemens lorsqu’ils saccagerent Rome. Il y a aussi une bible Greque très-ancienne ; les épigrammes de Pétrarque écrites de sa propre main ; les ouvrages de S. Thomas d’Aquin traduits en Grec par Démétrius Cydonius de Thessalonique ; une copie du volume que les Perses ont fait des fables de Locman, que M. Huet a prouvé être le même qu’Esope : on y voit aussi les premieres copies des ouvrages de Tacite, qui ne furent découvertes que sous le pontificat de Léon X.

Outre le grand nombre d’excellens livres qui font l’ornement de la bibliotheque du Vatican, il y a encore plus de dix mille manuscrits dont Angelus de Rhocca a publié le catalogue.

Quelques-uns rapportent que Clément VIII. augmenta considérablement cette bibliotheque, tant en livres imprimés qu’en manuscrits ; en quoi il fut aidé par Fulvius Ursinus ; que Paul V. l’enrichit des manuscrits du cardinal Alteni, & d’une partie de la bibliotheque Palatine ; & qu’Urbain VIII. fit apporter du collége des Grecs de Rome un grand nombre de livres Grecs au Vatican, dont il fit Léon Allatius bibliothécaire.

Il y avoit plusieurs autres belles bibliotheques à Rome, particulierement celle du cardinal François Barberini, qui contenoit, à ce qu’on prétend, vingt-cinq mille volumes imprimés, & cinq mille manuscrits. Il y a aussi les bibliotheques du palais Farnese, de sainte-Marie in ara coeli, de sainte-Marie sur la Minerve, des Augustins, des Peres de lOratoire, des Jésuites, du feu cardinal Montalte, du cardinal Sforza ; celles des églises de la Sapienza, de la Chiezanova, de san-Isidore, du collége Romain, du prince Borghese, du prince Pamphili, du connétable Colonna, & de plusieurs autres princes, cardinaux, seigneurs, & communautés religieuses, dont quelques-unes sont publiques.

La premiere & la plus considérable des bibliotheques d’Espagne, est celle de l’Escurial au couvent de S. Laurent, fondée par Charles V. mais considérablement augmentée par Philippe II. Les ornemens de cette bibliotheque sont fort beaux ; la porte est d’un travail exquis, & le pavé de marbre ; les tablettes sur lesquelles les livres sont rangés sont peintes d’une infinité de couleurs, & toutes de bois des Indes : les livres sont superbement dorés : il y a cinq rangs d’armoires les unes au-dessus des autres, où les livres sont gardés ; chaque rang a cent piés de long. On y voit les portraits de Charles V. de Philippe II. Philippe III. & Philippe IV. & plusieurs globes dont l’un représente avec beaucoup de précision le cours des astres, eu égard aux différentes positions de la terre. Il y a un nombre infini de manuscrits dans cette bibliotheque, & entr’autres l’original du livre de S. Augustin sur le baptême. Quelques-uns pensent que les originaux de tous les ouvrages de ce pere sont à la bibliotheque de l’Escurial, Philippe II les ayant ache-