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sœur de S. Benoît : elles suivent la regle de ce patriarche des moines d’Occident. (G)

BÉNÉDICTION, s. f. (Théol.) l’action de bénir, c’est-à-dire de souhaiter quelque chose d’heureux, soit par des signes, soit par des paroles. Cette cérémonie a été en usage de toute antiquité, tant parmi les Juifs que parmi les Chrétiens.

Les Hébreux entendent souvent sous ce nom les présens que se font les amis ; apparemment parce qu’ils sont d’ordinaire accompagnés de bénédictions & de complimens de la part de ceux qui les donnent, & de ceux qui les reçoivent. Voyez, Gen. xxxiij. 2. Josué, xv. 19. I. Reg. xxv. 27. xxx. 26. IV. Reg. v. 15. &c. les bénédictions solennelles que les prêtres donnoient au peuple dans certaines cérémonies. Par exemple, Moyse dit au grand-prêtre Aaron : Quand vous bénirez les enfans d’Israël, vous direz : que le Seigneur vous bénisse & vous conserve ; que le Seigneur fasse briller sur vous la lumiere de son visage ; qu’il ait pitié de vous, qu’il tourne sa face sur vous, & qu’il vous donne sa paix. Il prononçoit ces paroles debout à voix haute, & les mains étendues & élevées. Les prophetes & les hommes inspirés, donnoient aussi souvent des bénédictions aux serviteurs de Dieu & au peuple du Seigneur. Les pseaumes sont pleins de pareilles bénédictions. Les patriarches au lit de la mort, bénissoient leurs enfans & leur famille. Le Seigneur ordonne que le peuple d’Israel étant arrivé dans la terre promise, on assemble toute la multitude entre les montagnes d’Hébal & de Garizim, & que l’on fasse publier des bénédictions pour ceux qui observent les lois du Seigneur sur la montagne de Garizim, & des malédictions contre les violateurs de ces lois sur la montagne d’Hébal. C’est ce que Josué exécuta après qu’il eut fait la conquête d’une partie de la terre de Chanaan. Voyez l’article Hébal, Num. vj. 24. Genes. xxvij. xlix. Tob. vij. 7. Deut. xj. Josué, &c.

Bénédiction signifie aussi abondance. Celui qui seme avec épargne moissonnera peu ; & celui qui seme avec bénédiction, moissonnera avec bénédiction, avec abondance. Et encore : Je les ai priés de passer chez vous, afin que cette bénédiction que vous avez promise soit toute préte, & qu’elle soit, comme elle est véritablement, une bénédiction, & non un don d’avarice ; & Jacob souhaite à son fils Joseph, les bénédictions du ciel, ou la pluie & la rosée en abondance ; les bénédictions de l’abysme, l’eau des sources ; les bénédictions des entrailles & des mammelles, la fécondité des femmes & des animaux. Et le Psalmiste : vous remplirez tout animal de bénédiction, de l’abondance de vos biens. Cor. ix. 6. 5. Gen. xlix. 15. Ps. cxliv. 16. D. Calmet, Dict. de la bibl. tom. I. pag. 309. (G)

* BÉNEFICE, GAIN, PROFIT, LUCRE, ÉMOLUMENT, (Grammaire.) Le gain semble dépendre beaucoup du hasard ; le profit paroît plus sûr ; le lucre est plus général, & à plus de rapport à la passion ; l’émolument est affecté aux emplois ; le bénéfice semble dépendre de la bienveillance des autres. Le gain est pour les joüeurs ; le profit pour les marchands ; le lucre pour les hommes intéressés ; l’émolument pour certaines gens de robe & de finance ; & le bénéfice pour celui qui revend sur le champ. Le joüeur dira, j ai peu gagné ; le marchand, je n’ai pas fait grand profit ; l’employé, les émolumens de mon emploi sont petits ; le revendeur, accordez-moi un petit bénéfice : & l’on peut dire d’un homme intéressé, qu’il aime le lucre.

Bénéfice, s. m. (Droit canoniq.) office ecclésiastique auquel est joint un certain revenu qui n’en peut être séparé. Ce nom vient de ce qu’au commencement les évêques donnoient quelquefois aux ecclésiastiques qui avoient long-tems servi, quelque portion des biens de l’Eglise pour en joüir pendant un tems, après lequel ce fonds revenoit à l’Eglise ; ce qui ressembloit aux récompenses que les empereurs

accordoient aux soldats Romains en considération de leurs services ; d’où l’on appelloit ces soldats, milites beneficiarii ; & d’où quelques auteurs tirent l’origine de nos fiefs. Ce nom a passé ensuite aux ecclésiastiques, à qui on a donné de semblables fonds pour subsister. Leur véritable origine ne paroît pas avoir précédé le viii. siecle, où l’on fit le partage des biens d’Eglise. On ne laisse pourtant pas que de trouver quelques vestiges des bénéfices dès l’an 500, sous le pape Symmaque : on voit qu’alors on donna à un clerc qui avoit bien servi l’Eglise, un champ en fonds qu’il posséda, & dont il tira sa subsistance. On trouve de plus dans un canon du premier concile d’Orange, tenu en 441, quelques traces de la fondation des bénéfices & du droit de patronage, tant ecclésiastique que laïque : mais ce n’étoit pas l’ordinaire avant le viii. siecle ; communément les ecclésiastiques subsistoient des revenus des biens des églises & des oblations des fideles que l’évêque distribuoit entre eux. Du tems de Charlemagne, les curés & les autres ministres de l’Eglise joüissoient de revenus fixes & certains, & percevoient des dixmes ; & cette coûtume s’établit dans tout l’Occident. Ce fut alors que ces titres ecclésiastiques furent appellés bénéfices, & que chaque clerc eut un revenu attaché à son titre.

Les bénéfices sont ou séculiers ou réguliers. Les séculiers sont l’évêché, les dignités des chapitres ; savoir, la prevôté, le doyenné, l’archidiaconné, la chancellerie, la chantrerie ; les charges d’écolâtre ou capricol, ou théologal, de thrésorier, de chefcier, & les canonicats, qui sont des places de chanoines, ou sans prébende, ou avec prébende, ou avec semi-prébende. Les autres bénéfices séculiers, les plus ordinaires, sont les simples cures, les prieurés-cures, les vicaireries perpétuelles, les prieurés simples, & les chapelles.

Les bénéfices réguliers sont l’abbaye en titre ; les offices claustraux qui ont un revenu affecté, comme le prieuré conventuel en titre, les offices de chambrier, aumônier, hospitalier, sacristain, célérier & autres semblables. Les places de moines anciens & non-réformés, sont regardées presque comme des bénéfices. On ne donne pourtant proprement ce nom qu’aux offices dont on prend des provisions.

On divise encore les bénéfices en bénéfices sacerdotaux, bénéfices à charge d’ames, & bénéfices simples. Les bénéfices sacerdotaux sont des bénéfices ou dignités ecclésiastiques, qu’on ne peut posséder sans être prêtre, ou en âge de l’être du moins dans l’année. Les bénéfices à charge d’ames sont ceux dont le pourvû a jurisdiction sur une certaine portion de peuple, dont l’instruction est confiée à ses soins ; tels sont les évêchés & les cures. Enfin les bénéfices simples sont ceux qui n’ont ni charge d’ames, ni obligation d’aller au chœur, & qui par conséquent n’obligent point à résidence ; telles sont les abbayes ou prieurés en commende, & les chapelles chargées seulement de quelques messes, que l’on peut faire célébrer par d’autres.

Il y a des irrégularités qui empêchent de posséder des bénéfices ; telles que la bâtardise, la bigamie, la mutilation, le crime public pour lequel on peut être repris de justice, & le crime ecclésiastique, comme l’hérésie, la simonie, la confidence, &c. qui emportent privation du bénéfice. Les casuistes disputent sur la pluralité des bénéfices : quelques-uns la croyent illégitime ; le plus grand nombre la croit permise, & l’Eglise la tolere. En Angleterre, la plûpart des bénéfices ont été supprimés du tems de la réformation, parce qu’alors les biens ecclésiastiques ont passé dans les mains des laïques. Fleury, Instit. au Droit ecclés. tom. I. part. II. ch. xiv. xix. & xxviij.

Bénéfices consistoriaux, grands bénéfices, comme les évêchés, abbayes & autres dignités, ainsi appellés, parce que le pape en donne les provisions aprés une délibération faite dans le consistoire des