Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prend toutes quatre à quatre, & on les coupe en quatre parties égales ; ce qui donne huit cents quatre-vingts-seize feuilles.

Quand cette division est faite, voici comment on arrange ces huit cents quatre-vingt-seize feuilles : on laisse-là les feuillets de vélin ; on en prend d’une autre matiere qu’on appelle baudruche, & dont nous parlerons plus bas ; on met deux feuillets de parchemin, quinze emplures de baudruche, une feuille d’or, un feuillet de baudruche ; une feuille d’or, un feuillet de baudruche, & ainsi de suite jusqu’à quatre cents quarante-huit inclusivement ; puis quinze emplures, puis deux feuillets de parchemin ; puis encore deux feuillets de parchemin, puis quinze emplures, puis une feuille d’or, puis un feuillet de baudruche, puis une feuille d’or, puis un feuillet de baudruche, & ainsi de suite, jusqu’à quatre cents quarante-huit inclusivement, puis quinze emplures de baudruche, & enfin deux feuillets de parchemin : cet assemblage s’appelle chaudret.

D’où l’on voit que le chaudret, ainsi que le second caucher, est divisé en deux parts au milieu, dans l’endroit où il se rencontre quatre feuillets de parchemin, dont deux appartiennent à la premiere part du chaudret, & la finissent, & deux à la seconde part, & la commencent.

Le feuillet du chaudret a environ cinq pouces en quarré ; il est de baudruche, matiere bien plus déliée & bien plus fine que le vélin ; c’est une pellicule que les Bouchers ou les Boyaudiers enlevent de dessus le boyau du bœuf : deux de ces pellicules minces collées l’une sur l’autre, forment ce qu’on appelle le feuillet de baudruche ; & ces feuillets de baudruche & de parchemin disposés comme nous venons de le prescrire, forment le chaudret ; le chaudret s’enfourre comme les cauchers.

On bat environ deux heures le chaudret : le marteau est le même que celui des cauchers ; on observe en le battant tout ce qu’on a observé en battant le second caucher ; je veux dire de défourrer de tems en tems, d’examiner si les feuilles d’or desafleurent ou non ; de mettre en-dedans les faces des deux parts qui sont en-dehors, & celles qui sont en-dehors, de les mettre en-dedans ; de battre selon l’art, en chassant du centre à la circonférence, &c. Lorsqu’on s’apperçoit que toutes les feuilles desafleurent, la troisieme opération est finie.

Alors on prend le chaudret défourré avec une tenaille abc, qu’on voit fig. 9. on serre le chaudret par un de ses angles, entre les extrémités a de la tenaille, on empêche la tenaille de se desserrer, en contraignant une de ses branches c, d’entrer dans un des trous de la plaque x, attachée à l’autre branche b ; on a à côté de soi un coussin d’un pié de large, sur deux piés & demi à trois piés de long, couvert de peau de veau, comme on le voit en 1, 2, fig. 3 ; on leve les feuillets de baudruche de la main gauche ; & de la droite, on enleve avec une pince de bois qu’on voit fig. 10, les feuilles d’or ; on les rogne avec un coûteau d’acier, & on les range par échelle sur le coussin ; on les divise en quatre parties égales ; ce qui donne quatre fois huit cents quatre-vingt-seize feuilles d’or ; on divise ce nombre de quatre fois huit cents quatre-vingt-seize feuilles en quatre portions d’environ huit cents feuilles chacune, & l’on arrange ces huit cents feuilles d’or de la maniere suivante, afin de continuer le travail.

On prend deux feuillets de parchemin, vingt-cinq emplures de baudruche, une feuille d’or, un feuillet de baudruche ; une feuille d’or, un feuillet de baudruche, & ainsi de suite, jusqu’à huit cents inclusivement, puis vingt-cinq emplures, & enfin deux feuilles de parchemin. Cet assemblage forme ce qu’on appelle une moule ; les divisions du chaudret en qua-

tre donnent de quoi former quatre moules qui se

travaillent l’une après l’autre, & séparément.

La feuille de la moule a six pouces en quarré, comme disent les ouvriers très-improprement, c’est-à-dire a la forme d’un quarré, dont le côté a six pouces ; on l’enfourre, & on la bat plus ou moins de tems ; cela dépend de plusieurs causes ; de la disposition des outils, de la température de l’air, & de la diligence de l’ouvrier : il y a des ouvriers qui battent jusqu’à deux moules par jour. Chaque moule ne contient que huit cents feuilles d’or ; quoiqu’il dût y en avoir quatre fois huit cents quatre-vingt-seize pour les quatre ; ce qui fait plus de huit cents pour chacune : mais partie de cet excédent s’est brisé dans la batte, quand il est arrivé que la matiere étoit aigre, ou qu’elle n’étoit pas assez épaisse pour fournir à l’extension ; partie a été employée à étouper les autres. On appelle étouper une feuille, appliquer une piece à l’endroit foible où elle manque d’étoffe.

C’est ici le lieu d’observer qu’il importoit assez peu que les cinquante-six premiers quartiers qui ont fourni un si grand nombre de feuilles, fussent un peu plus forts ou un peu plus foibles les uns que les autres ; la batte les réduit nécessairement à la même épaisseur : la seule différence qu’il y ait, c’est que dans le cours des opérations, les forts desafleurent beaucoup plus que les foibles.

On commence à battre la moule avec le marteau rond qui pese six à sept livres, qui porte quatre pouces de diametre à la tête, & qui est un peu plus convexe qu’aucun de ceux dont on s’est servi pour les cauchers & le chaudret ; il s’appelle marteau à commencer ; on s’en sert pendant quatre heures ; on lui fait succéder un second marteau qui pese quatre à cinq livres, qui porte deux pouces de diametre à la tête, & qui est encore plus convexe que les précédens ; on l’appelle marteau à chasser, & l’on s’en sert pendant une demi-heure ; on reprend ensuite le marteau à commencer ; on revient au marteau à chasser, dont on se sert pendant encore une demi-heure, & l’on passe enfin au marteau à achever. Le marteau à achever porte quatre pouces de diametre à la tête, est plus convexe qu’aucun des précédens, & pese douze à treize livres. On a eu raison de l’appeller marteau à achever ; car c’est en effet par lui que finit la batte.

On observe aussi pendant la batte de la moule, de la frapper tantôt sur une face, tantôt sur une autre ; de défourrer de tems en tems, & d’examiner si les feuilles desafleurent : quand elles desafleurent toutes, la batte est finie. Il ne s’agit plus que de tirer l’or battu d’entre les feuillets de la moule, & c’est ce que fait la fig. 3. & de les placer dans les quarterons.

Pour cet effet, on se sert de la tenaille de la fig. 9. on serre avec elle la moule par l’angle, & l’on en sort les feuilles battues les unes après les autres, à l’aide de la pince de bois de la fig. 10. on les pose sur le coussin ; on souffle dessus pour les étendre ; on prend le coûteau de la fig. 11. fait d’un morceau de roseau 5 ; on coupe un morceau de la feuille en ligne droite ; ce côté de la feuille qui est coupé en ligne droite, se met exactement au fond du livret & du quarteron, que la feuille déborde de tous les autres côtés ; on continue de remplir ainsi le quarteron ; quand il est plein, on en prend un autre, & ainsi de suite. Lorsque la moule est vuide, on prend un coûteau, & l’on enleve tout l’excédent des feuilles d’or qui paroît hors des quarterons ou livrets ; & l’on emporte ce que le coûteau a laissé, avec un morceau de linge qu’on appelle frottoir.

Les quarterons dont on voit un, fig. 5. sont des livrets de vingt-cinq feuillets quarrés ; il y en a de deux sortes : les uns, dont le côté est de quatre pouces ; d’autres, dont le côté n’est que de trois pouces & de-