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Battre, en termes de l’Art militaire, signifie attaquer une place, un ouvrage, &c. avec beaucoup d’artillerie. Voyez Batterie.

Battre en breche ; c’est ruiner avec le canon le revêtement ou le rempart de quelque ouvrage que ce soit, pour y faire une ouverture par laquelle on puisse y entrer.

Battre par camarade, est quand plusieurs pieces de canon tirent tout à la fois sur un même ouvrage, soit d’une même batterie, soit de plusieurs.

Battre en salve ; c’est tirer toutes à la fois les différentes pieces d’une batterie, avec lesquelles on bat un ouvrage en breche.

Battre en écharpe ; c’est battre un ouvrage sous un angle au plus de 20 degrés.

Battre de bricole ; c’est battre un ouvrage par réflexion, c’est-à-dire faire frapper le boulet à une partie du revêtement, ensorte qu’il puisse se refléchir, & se porter à celle qu’on veut détruire ou incommoder.

Battre en sappe ; c’est battre un ouvrage par le pié de son revêtement. (Q)

Battre la chamade. Voyez Chamade.

Battre la mesure, en Musique ; c’est en marquer les tems par des mouvemens de la main ou du pié, qui en reglent la durée, & qui rendent toutes les mesures semblables parfaitement égales en tems.

Il y a des mesures qui ne se battent qu’à un tems, d’autres à deux, à trois, & à quatre, qui est le plus grand nombre de tems que puisse renfermer une mesure : encore cette derniere espece peut-elle toûjours se résoudre en deux mesures à deux tems. Dans toutes ces différentes mesures, le tems frappé est toûjours sur la note qui suit la barre immédiatement ; celui qui la précede est toûjours levé, à moins que la mesure ne soit à un seul tems.

Le degré de lenteur ou de vîtesse qu’on donne à la mesure, dépend 1.o de la valeur des notes qui la composent ; on voit bien qu’une mesure qui contient une ronde, doit se battre plus posément & durer davantage que celle qui ne contient que deux croches : 2.o du caractere du mouvement énoncé par le mot François ou Italien, qu’on trouve ordinairement à la tête de l’air. Gravement, gai, vite, lent, &c. sont autant d’avertissemens sur les manieres de modifier le mouvement d’une espece de mesure.

Les musiciens François battent la mesure un peu différemment des Italiens : ceux-ci dans la mesure à quatre tems, frappent successivement les deux premiers tems, & levent les deux autres ; ils frappent aussi les deux premiers dans la mesure à trois tems, & levent le troisieme. Les François ne frappent jamais que le premier tems, & marquent les autres par différens mouvemens de la main à droite & à gauche : cependant la Musique Françoise auroit beaucoup plus besoin que l’Italienne d’une mesure bien marquée ; car elle ne porte point sa cadence par elle-même ; le mouvement n’en a aucune précision naturelle ; on le presse, on le ralentit au gré du chanteur. Tout le monde est choqué à l’opéra de Paris du bruit desagréable & continuel que fait avec son bâton celui qui bat la mesure. Sans ce bruit personne ne la sentiroit : la Musique par elle-même ne la marque point ; aussi les étrangers n’apperçoivent-ils presque jamais la mesure dans les mouvemens de nos airs. Si l’on y réfléchit bien, on trouvera que c’est ici la différence spécifique de la Musique Françoise & de l’Italienne. En Italie, la mesure est l’ame de la Musique ; c’est elle qui gouverne le musicien dans l’exécution : en France, c’est le musicien qui gouverne la mesure, & le bon goût consiste à ne la pas même laisser sentir.

Les anciens, dit M. Burette, battoient la mesure en plusieurs façons : la plus ordinaire consistoit dans

le mouvement du pié, qui s’élevoit de terre & la

frappoit alternativement, selon la mesure des deux tems egaux ou inégaux (Voyez Rythme) : c’étoit ordinairement la fonction du maître de Musique appellé Coryphée, Κορυφαῖος ; parce qu’il étoit placé au milieu du chœur des musiciens, & dans une situation élevée, pour être vû & entendu plus facilement de toute la troupe. Ces batteurs de mesure se nommoient en Grec ποδοκτύπος & ποδοψόφος, à cause du bruit de leurs piés ; συντονάριος, à cause de l’uniformité, & si l’on peut parler ainsi, de la monotonie du rythme qu’ils battoient toûjours à deux tems. Ils s’appelloient en Latin pedarii, podarii, pedicularii. Ils garnissoient ordinairement leurs piés de certaines chaussures ou sandales de bois ou de fer, destinées à rendre la percussion rythmique plus éclatante, & nommées en Grec κρουπέζια, κρούπαλα, κρούπετα ; & en Latin pedicula, scabella ou scabilla, à cause qu’ils ressembloient à de petits marche-piés, ou de petites escabelles.

Ils battoient la mesure non-seulement du pié, mais aussi de la main droite, dont ils réunissoient tous les doigts pour frapper dans le creux de la main gauche ; & celui qui marquoit ainsi le rythme s’appelloit manuductor. Outre ce claquement de main & le bruit de sandales, les anciens avoient encore pour battre la mesure, celui des coquilles, des écailles d’huîtres, & des ossemens d’animaux, qu’on frappoit l’un contre l’autre, comme on fait aujourd’hui les castagnettes, le triangle, & autres pareils instrumens. (S)

Battre, a plusieurs sens dans le Manege, où l’on dit qu’un cheval bat à la main ou bégaye, pour marquer un cheval qui n’a pas la tête ferme, qui leve le nez, qui branle & secoue la tête à tout moment en secoüant sa bride. Les chevaux turcs & les cravates sont sujets à battre à la main. Un cheval bat à la main, parce qu’ayant les barres trop tranchantes, il ne peut souffrir la sujétion du mors, quelque doux qu’il soit. Pour lui ôter l’envie de battre à la main, & lui affermir la tête, il n’y a qu’à mettre sous sa muserole une petite bande de fer plate & tournée en arc, qui réponde à une martingale. Cet expédient au reste ne fait que suspendre l’habitude ; car la martingale n’est pas plûtôt ôtée, que le cheval retombe dans son vice. Voyez Martingale. On dit aussi, qu’un cheval bat la poudre ou la poussiere, lorsqu’il trépigne, qu’il fait un pas trop court, & avance peu : ce qui se dit de tous ses tems & mouvemens. Un cheval bat la poudre au terre-à-terre, lorsqu’il n’embrasse pas assez de terrein avec les épaules, & qu’il fait tous ses tems trop courts, comme s’il les faisoit dans une place. Il bat la poudre aux courbettes, lorsqu’il les hâte trop & les fait trop basses. Il bat la poudre au pas, lorsqu’il va un pas trop court, & qu’il avance peu, soit qu’il aille au pas par le droit, ou sur un rond, ou qu’il passege. On dit enfin qu’un cheval bat du flanc, quand il commence à être poussif. Le battement des flancs du cheval est une marque de plusieurs maladies. Battre des flancs, c’est les agiter avec violence. (V)

Battre l’eau, terme de Chasse ; quand une bête est dans l’eau, alors on dit aux chiens, il bat l’eau.

Se faire battre ; c’est se faire chasser long-tems dans un même canton : on dit, ce chevreuil s’est fait battre long-tems.

* Battre, dans les Arts méchaniques, a différentes acceptions : tantôt il se prend pour forger, comme chez presque tous les ouvriers en métaux ; tantôt pour écraser, comme chez presque tous les ouvriers qui employent la pierre, les minéraux, les fossiles. On bat le beurre ; voyez Beurre. On bat le tan ; voy. Tan. On bat en grange ; voyez Battage. On bat des pieux pour les enfoncer ; voyez Mouton. On bat le