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batterie. On en donnera ici le détail tel que M. de Vauban le donne dans son traité de l’attaque des places.

Il faut, autant que l’on peut, que le lit du canon, c’est-à-dire, l’endroit ou le terrein sur lequel il est placé, soit élevé de quelques piés au-dessus du niveau de la campagne.

Il faut donner au parapet trois toises d’épaisseur, & sept piés & demi de hauteur.

On construit ces parapets de terre & de fascines, ou saucissons.

On les trace avec un cordeau, ou avec de la meche, parallelement aux parties de la fortification qu’on veut détruire. Cela fait, on prend de la terre sur le devant de la batterie, en y pratiquant pour cet effet, un petit fossé. On fait alternativement un lit de terre bien foulé, & un lit de fascines mises en boutisses, c’est-à-dire couchées, selon leur longueur, dans la largeur du parapet ; on les attache bien solidement ensemble par des piquets qui les lient de maniere que tous ces différens lits ne font qu’un seul & même corps. On pose des fascines en parement, c’est-à-dire, couchées, selon leur longueur, le long de tous les côtés du parapet ; elles sont attachées fortement avec des piquets à l’intérieur du parapet.

On éleve d’abord ce parapet jusqu’à la hauteur de deux piés & demi ou trois piés, & l’on commence ensuite les embrasures du côté intérieur de la batterie. Elles se font de dix-huit piés en dix-huit piés, afin que le merlon, ou la partie de l’épaulement qui est entre les embrasures, ait assez de solidité pour résister à l’effort du canon. Ces embrasures ont trois piés d’ouverture du côté intérieur de la batterie, & neuf du côté extérieur.

Les embrasures étant ainsi tracées, on acheve d’élever le reste de l’épaulement, & l’on donne à la partie du parapet plus élevée que les embrasures, la pente ou le talud convenable pour que les merlons ne s’éboulent pas dedans.

On appelle genouilliere de la batterie, la partie du parapet depuis le niveau de la campagne, jusqu’à l’ouverture des embrasures, dont les joues sont les deux côtés de l’épaisseur de l’épaulement qui terminent l’embrasure de part & d’autre.

Le parapet, ou l’épaulement, étant achevé, on prépare les plattes-formes vis-à-vis les embrasures. (Voyez Platte-forme. ) Lorsqu’elles sont achevées, on y fait conduire le canon.

La fig. 10. de la Planche VIII. de l’Art milit. mettra au fait de tout ce qui concerne les batteries de canon.

Elle représente le plan d’une batterie avec les plattes-formes, & le canon posé dessus vis-à-vis les embrasures ; & la fig. premiere de la Planche IX. fait voir le profil d’une batterie avec une piece de canon dans son embrasure, & prête à tirer.

On ajoûtera ici, pour plus de détail, la maniere suivante de construire une batterie de canon devant une place assiégée ; elle est tirée des Mémoires d’Artillerie de M. de Saint-Remy.

Le commissaire qui doit commander la batterie, commence par reconnoître le terrein avec quelques officiers de ceux qui doivent y servir, & ensuite il fait provision de toutes les choses nécessaires, comme des outils à pionniers de toutes sortes, le double de ce qu’il y aura de travailleurs ; il doit en prendre des qualités qu’il jugera à propos, selon le terrein, c’est-à-dire, pour une terre grasse & de gason, beaucoup de bêches.

Dans du sable, beaucoup de pelles de bois ferrées.

Dans des pierres, ou dans la terre ferme, des hoyaux ou pics-hoyaux.

Des serpes, masses, haches & demoiselles, deux de chaque façon par piece ; des fascines & des piquets. Les fascines doivent être de cinq à six piés de

longueur, & environ dix pouces de diametre, à chacune trois bons liens.

Les piquets doivent être de trois piés & demi de longueur, & un pouce & demi de diametre par le gros bout.

Lorsque le commissaire sera sur le terrein destiné pour la batterie, il la tracera avec de la meche & des fascines, & observera qu’elle soit parallele à ce qu’on lui aura marqué de battre. Il donnera dix-huit ou vingt piés d’épaisseur à l’épaulement, suivant les bonnes ou méchantes terres ; & supposé que la batterie soit de six pieces, il faudra prendre vingt toises de terrein ; & pour diligenter la batterie, il faudra du moins quatre-vingts travailleurs, qui seront partagés moitié d’un côté, moitié de l’autre, & environ à trois piés l’un de l’autre.

A l’égard des commissaires & officiers qui seront destinés pour la batterie, il les postera de distance en distance d’un & d’autre côté, afin de faire travailler les soldats avec diligence ; après quoi il faudra jetter la terre pour faire l’épaulement : ceux qui seront dans le dedans de la batterie tireront de la terre de loin pour ne pas s’enfoncer ; & ceux du dehors & du côté de la place feront un fossé d’environ dix piés de large & six piés de profondeur, afin de trouver beaucoup de terre, tant pour se mettre à couvert du feu de la place, que pour faire l’épaulement.

Il fera laisser entre le fossé & la fascine qui aura servi à tracer la batterie, une berme d’environ trois ou quatre piés, afin d’avoir plus de facilité à jetter la terre sur l’épaulement pour raccommoder la batterie lorsqu’elle sera éboulée par le soufle du canon de la batterie même, & par le canon de la place.

Lorsqu’on aura assez jetté de terre du fossé sur l’épaulement, ou que le jour commencera à faire voir de la place les travailleurs, alors le commissaire les fera retirer de derriere, & les fera passer devant pour toûjours jetter de la terre sur l’épaulement avec les autres, & ensuite fasciner le devant de la batterie, aussi-bien que les deux extrémités qu’il faut faire en petit épaulement ; & pour cet effet, il fera faire un petit fossé de côté & d’autre, afin d’avoir de la terre, tant pour se couvrir des pieces de la place, qui peuvent battre en roüage, que pour empêcher la communication & les passages, qui sont incommodes, des tranchées à la batterie ; & cette terre servira aussi pour emplir & fortifier les merlons des deux bouts.

Lorsque le parement de la batterie sera fasciné de trois piés de hauteur, qui doit être celle de la genouilliere, il partagera les vingt toises de terrein, qui font cent vingt piés, en treize parties.

La premiere sera de neuf piés, pour le premier merlon.

La seconde, de deux piés, pour une embrasure.

La troisieme, de dix-huit piés, pour le merlon d’entre deux pieces, & tout le reste de même.

Ce sera encore pour le dernier merlon, neuf piés.

Il donnera de l’ouverture à l’embrasure en dehors de neuf piés, après quoi il partagera les embrasures aux commissaires & aux officiers qui seront avec lui, suivant qu’il se pratique ordinairement, afin que les commissaires fassent fasciner & piqueter avec soin leurs embrasures ; on observera de mettre toûjours trois bons piquets par chacune fascine contre les liens. Il prerdra garde, de tems à autre, que les commissaires ouvrent & dégorgent les embrasures, de maniere qu’elles puissent battre en ligne directe, ce qui leur aura été marqué ; après quoi il fera toûjours fasciner & jetter de la terre à hauteur de six piés ; & en cas que la batterie soit battue de quelque cavalier ou bastion élevé, il la fera hausser de sept à huit piés, autant qu’il en sera besoin.

Quand les embrasures seront bien fascinées & dégorgées, & qu’il ne restera plus de terre que pour